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A propos du Comité Balladur

Faut-il s’inquiéter du grand brassage d’idées et de propositions dont fait preuve le Comité pour la réforme des collectivités locales ? Les onze membres chargés de réfléchir depuis le 22 octobre dernier à une nouvelle organisation territoriale de la France sont face à un des chantiers les plus difficiles et dont les enjeux sont considérables.

Le Comité s’est vu assigné trois grands objectifs :  simplification des structures, clarification des compétences et maîtrise des dépenses locales. Trois préoccupations largement partagées depuis longtemps, quelles que soient les alternances politiques, mais qui constituent surtout (après voir été un jouet de politique politicienne) une difficulté récurrente dont l’issue a toujours été lourde de conséquences pour les citoyens, le monde associatif, les acteurs culturels et sociaux et enfin les opérateurs économiques.

Avec l’annonce du Comité il y a quelques mois, tout le monde faisait mine d’être rassuré. Un comité ou une commission dans la grande tradition républicaine, cela rassure c’est sûr. Mais cela exaspère aussi parfois, et vu la récurrence et l’urgence du sujet, il eut été risqué d’entreprendre une réflexion dans le plus pur style hypnotique du « comité au long cours», style auquel nous avons été trop habitués.

Heureusement, celui-ci a trois mois pour aboutir, pas de risque de s’ankyloser d’autant que la problématique est particulièrement vaste. Mais la mission est-elle faisable en trois mois ?

Placé sous la présidence d’Edouard Balladur, le Comité se compose de quatre élus (Gérard Longuet, sénateur UMP de la Meuse, Dominique Perben, député UMP du Rhône, Pierre Mauroy, sénateur PS du Nord, et André Vallini, député PS et président du conseil général de l’Isère) et de six personnalités qualifiées (Daniel Canepa, préfet de la région Ile-de-France et président de l’Association du corps préfectoral ; Jacques Julliard, journaliste et historien ; Elisabeth Lulin, inspectrice des finances, directrice générale de Paradigmes, société de conseil sur les politiques publiques ; Jean-Ludovic Silicani, conseiller d’Etat ; Michel Verpeaux, professeur de droit à l’université Paris-I).

Depuis que l’initiative de créer ce Comité a été prise, chacun y est allé de sa petite phrase et c’est une danse bien curieuse qui s’opère entre l’Elysée, Matignon, l’Assemblée Nationale et le Sénat.

Si les dogmes et les doctrines politiques semblent s’être effacés (du moins en apparence) entre les premiers « coups » de la politique d’ouverture (qui est loin d’être finie vue la liste des prétendants) et la conjoncture qui nécessite chaque jour un peu plus d’ « union nationale », le Comité doit conserver sa sérénité tant la pression autour de lui est importante.

Les grandes manœuvres ont effet débuté et l’article du monde d’aujourd’hui dresse déjà une liste bien conséquente de prises de position plus ou moins heureuses sur les trois grands objectifs du Comité.

Si dans un premier temps on peut s’étonner que cette question de la réforme des collectivités locales ne fasse pas l’objet d’un « Grenelle » (le Président de la République justifie lui-même l’ouverture de ce « chantier d’une grande difficulté » par l’intérêt que les Français, selon lui, y porteraient), il y a fort à penser que ce soit justement la difficulté du chantier qui oblige à une très grande prudence avant de réellement entamer le débat. Car il s’agit d’un sujet susceptible de générer de nombreux conflits. Depuis 2000 en particulier, les Présidents des Conseils Régionaux et Généraux se sont toujours fortement mobilisés et ont même court-circuité le gouvernement à de nombreuses reprises en exerçant une pression saine pour la démocratie.

Face au tôlé qu’avait déclenché il y a quelques mois le rapport Attali en préconisant notamment la suppression des Départements (reprenant ainsi un des fers de lance de Jean-Pierre Raffarin lors de son arrivée à Matignon), il eut été de bon ton de ne pas répéter les même erreurs de communication. Cette fois-ci, c’est le débat des élus qui occupe le terrain de la communication et pendant ce temps, le Comité travaille. C’est habile, il faut bien l’admettre. Le Comité n’a pas encore rendu ses travaux, aucun projet de loi n’est esquissé mais les élus s’approprient déjà la chose et donnent l’impression subtile de faire des propositions utiles en se faisant l’écho des préoccupations des citoyens.

Où en sommes-nous sur le plan des politiques culturelles et vers où allons-nous ? Les professionnels de la culture et des arts ont une idée très claire de la situation sectorielle mais sur le plan structurel, c’est-à-dire celui qui est tributaire de l’organisation des collectivités, ils sont beaucoup plus perplexes voire démunis. Ils relaient cette impression décidément très partagée ces jours-ci qui ne sait pas trop de quoi demain sera fait. Il faut dire qu’ils y sont préparés à leurs dépends depuis qu’est amorcée la fin de l’ère des subventions. Il n’y a qu’à voir les chiffres de la participation de l’Etat aux dépenses culturelles des Conseils Régionaux pour comprendre qu’il est plus que temps de trouver des solutions nouvelles pour financer la culture et les arts.

Le premier réflexe a été de se tourner vers les collectivités et dans ces conditions il est difficile d’avoir une vision de moyen terme. L’Etat jouait un rôle d’input, d’arbitre, d’expert, de pilote, de partenaire et d’accompagnateur. Ce ne sera plus le cas sur l’ensemble des ressorts de la politique culturelle et si les DRAC devraient survivre aux travaux de la rue de Valois dans le cadre de la RGPP, cela ne sera pas à n’importe quel prix sans que l’on sache non plus pour combien de temps. Une loi sur la réforme de l’organisation des collectivités arriverait à point nommé dans quelques mois pour mettre tout le monde au pied du mur des doublons de compétences que l’on rencontre en matière culturelle (et dans d’autres domaines) sur les différents échelons territoriaux de l’organisation des collectivités. La rationalisation des dépenses viendrait alors tout nettoyer de son panache blanc.

La réalité aujourd’hui se pose à travers un double problème : il faut d’abord mettre fin au double régime de décentralisation culturelle qui est fondé sur les prises de compétence (lois de 1982 et de 2004), où l’Etat considère que des compétences peuvent être attribuées à d’autres acteurs tout en mettant par ailleurs en place une décentralisation culturelle de coopération. Que dire des fameuses agences régionales par exemple ? Il faut ensuite assumer le fait que nous ne savons plus aujourd’hui où nous en sommes réellement des responsabilités de chacun. Cette cacophonie était pourtant prévisible.

Il est donc urgent, maintenant que le Comité pour la réforme de l’organisation des collectivités est en place, de faire émerger des réflexions qui puissent servir de support et de levier pour préserver l’avenir des politiques culturelles.

Nous sommes confrontés pour cela à deux principaux modèles de recomposition. Le premier dédoublonne les deux décentralisations avec leurs deux réseaux administratifs et rationalise leur coopération par des pilotages et des coordinations contractualisées. Le second s’inspire de l’approche anglo-saxonne, considérant que la culture n’a pas à faire l’objet d’une politique culturelle, elle est une dimension de la vie et à ce titre elle est un volet de chaque politique (sociale, internationale, économique, urbaine, etc.). Une approche transversale et globale de la politique en somme. C’est le modèle que l’on connaît déjà avec l’Europe et c’est celui que certaines régions ont commencé à mettre en place.

Nous sommes passés de l’exception culturelle à la diversité culturelle dans un moment où règne sans partage la subjectivité, où le concept de civilisation a été transformé d’abord en objet de communication avant d’être un rite de passage. Il faut espérer que le Comité pour la réforme de l’organisation des collectivités n’entende pas le même chant des sirènes.

Filed under: Analyses, Gouvernances, Ingénieries, Politiques culturelles, , ,

One Response

  1. ep2c dit :

    J’ai déjà signalé ici

    http://ep2c.neufblog.com

    l’excellent Cultural Engineering Group Weblog qui publie très régulièrement des informations qu’on ne trouve pas ailleurs, qui maintient une intéressante veille sur l’actualité extra hexagonale et s’ouvre sur des horizons qui vont au delà du microcosme du « monde de la culture ».

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