« Nous entrons dans une phase majeure pour le projet de musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM) à Marseille » a déclaré Christine Albanel le 19 mai dernier. Le MUCEM est confirmé dans sa double mission culturelle et scientifique. « Grand projet inscrit dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée, il constituera un lieu culturel ouvert et multidisciplinaire, explorant les liens qui unissent l’Europe aux pays méditerranéens. Il jouera également le rôle de tête de réseau sur les questions d’anthropologie, grâce à une politique active de prêts et de dépôts de ses collections ».
« Afin que ce musée puisse ouvrir d’ici 2012, j’ai confié à Bruno Suzzarelli, inspecteur général des affaires culturelles et ancien directeur de l’administration générale du ministère de la Culture et de la Communication, la direction de la mission de préfiguration, qui s’installera à Marseille dans les prochaines semaines pour assurer la mise en oeuvre du projet ».
La mission sera chargée de préparer la création de l’établissement public gestionnaire du musée et de mener à bien les opérations préalables à son ouverture. Durant cette phase, et jusqu’à leur transfert à Marseille, les futures collections du musée demeureront sous la responsabilité des équipes du service à compétence nationale installé dans le bâtiment du Bois de Boulogne.
La mission sera l’interlocuteur opérationnel des collectivités territoriales, partenaires du projet de réalisation du musée et de son financement.
Elle se voit également confier la définition des axes de la programmation culturelle du musée et la préparation des expositions inaugurales. Ces dernières seront présentées en 2013, année d’un grand rendez-vous pour Marseille qui sera alors capitale européenne de la culture.
La ministre confirme l’engagement, dès 2009, des travaux de restauration et d’accessibilité du fort Saint Jean, du chantier de réalisation du musée sous la maîtrise d’oeuvre de Rudy Ricciotti ainsi que la création du centre de conservation des collections, conçu par Corinne Vezzoni.
Autour de ce bref communiqué, les interrogations restées jusqu’alors au sein de la sphère muséale s’exposent aujourd’hui au grand jour. Le Journal des Arts s’en fait l’écho.
Bruno Suzzarelli, auteur par ailleurs d’un rapport récent sur le centre de réserves des musées parisiens, aura donc les coudées franches en matière tant administrative que scientifique. En filigrane, son arrivée peut être interprétée comme une mise à l’écart de l’actuel directeur du Mucem, Michel Colardelle.
« Le Mucem est une aventure extraordinaire qui doit tout à Michel Colardelle « , rappelle ainsi Alain Bourdy, président de l’Association des amis du Mucem. Depuis juillet 2007, les services de la Rue de Valois n’ont pourtant cessé de jeter le discrédit sur la validité de son projet scientifique et culturel. À la fin 2007, Christine Albanel commandait à Stéphane Martin, président du Musée du quai Branly, un rapport sur le sujet. Pensant ainsi provoquer la démission du directeur du Mucem ? Remis discrètement en juillet 2008, alors que Marseille n’avait pas encore été désignée au titre de « Capitale européenne de la culture » pour 2013, le rapport Martin a donné un satisfecit global au projet Colardelle – jugé néanmoins très ambitieux –, regrettant que son directeur ne dispose pas de tous les moyens nécessaires pour mettre en œuvre la programmation culturelle du futur musée.
Le rapport insiste par ailleurs sur l’importance de la construction du centre de réserves à la Belle-de-Mai, un choix un temps mis en doute. Or ce rapport n’a jamais été rendu public et la ministre n’en a évoqué qu’un point : l’idée de réserver les espaces du fort Saint-Jean à l’organisation d’activités festives, soit des privatisations pourvoyeuses de recettes. Pour Alain Bourdy, qui déplore n’avoir obtenu de la part de la direction des Musées de France aucune réponse à ses interrogations, la situation est claire. « Il existe Rue de Valois un lobby anti-Mucem et anti-Colardelle », estime-t-il.
Toujours selon les très bien informé Journal des Arts, une enquête sur la gestion du musée aurait été diligentée par l’inspection générale de l’administration. Or le temps presse pour ce projet qui doit être achevé impérativement avant 2013. Quitte à en sacrifier le fondement scientifique ? Cette première expérience de délocalisation d’un musée national risquerait alors de laisser un goût amer aux équipes qui ont porté le projet à bout de bras depuis près de dix ans.
Sources : Ministère de la Culture et de la Communication, Journal des Arts.
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