Le 16 juin dernier un point presse était organisé par le Forum pour la gestion des villes afin de présenter les résultats de l’étude réalisée par l’observatoire SFL-FORUM pour le Ministère de la Culture et de la Communication : « Les dépenses culturelles des collectivités territoriales en 2006 : près de 7 milliard d’euros pour la culture », menée en 2008 auprès de tous les départements et régions, des échantillons représentatifs des communes de plus de 10 000 habitants et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
Au moment de la publication de l’étude en avril dernier, le Ministère de la Culture et de la Communication avait indiqué que si, en 2006, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait encore une incidence limitée sur les transferts de compétences aux différents échelons territoriaux, elle a pu favoriser le transfert des compétences culturelles aux groupements de communes. La commande et le calendrier de l’étude ne permettaient pas en effet de couvrir la période la plus récente mais les indications sont tout de même extrêmement significatives. En résumé :
- Les collectivités locales sont les premières sources de financement public de la culture (4,4 milliards d’euros pour les communes, 1,3 milliard pour les départements, 840 millions pour les groupements à fiscalité propre et 556 millions pour les régions) ; à titre de comparaison, le budget 2009 du Ministère de la Culture s’élève à environ 3 milliards d’euros.
- L’intercommunalité culturelle monte en puissance dans les domaines traditionnels d’action des communes (bibliothèques, théâtres…).
- Les dépenses départementales restent assez stables (+3% par an entre 2002 et 2006).
- Les dépenses régionales sont en augmentation (+12% par an entre 2002 et 2006).
- Les communes et les intercommunalités s’imposent comme des acteurs de proximité (école de musique et de danse, bibliothèque et médiathèque, musée…). Il s’agit essentiellement de dépenses culturelles directes (dépenses de personnel et charges à caractère général).
- Les départements et régions sont les principales sources de financement d’équipements culturels via leur politique de subventionnement avec des volumes de subventions identiques pour les deux niveaux de collectivités.
Afin de valoriser les résultat de cette étude, le Forum devrait également entreprendre à l’automne un Tour de France (8 étapes prévues dans toute la France) dans le but d’engager le débat au sein des collectivités sur le rôle de la Culture et des politiques qui y sont consacrées.
D’un point de vue plus général, il convient de noter que la comparaison est intéressante avec le premier dossier qui avait été publié en 2000 par le Ministère. En termes d’évolution, l’analyse comparée est très parlante.
Il convient d’ajouter quelques éléments par rapport au contexte dans lequel se publie cette étude.
S’il n’est pas étonnant d’un point de vue quantitatif que les dépenses culturelles des collectivités soient près de deux fois supérieures à celles du Ministère, les perspectives sont tout de même relativement incertaines dans un terme de 3 à 4 ans. En effet, depuis fin 2007 et tout au long de l’année 2008, les transferts de compétences se sont fortement accélérés. La relative accalmie pour les Communes, due au lancement effectif des projets de début des mandats municipaux, ne doit pas occulter que les transferts de compétence correspondent à des transferts de charges dont l’impact ne tardera pas à se faire sentir sur les capacités d’investissement des collectivités, à moins qu’une meilleure redistribution des compétences et des moyens ne s’opère dans de nouvelles logiques où le partenariat devient une mécanique incontournable.
Il est également important de ne pas négliger que la plupart des Communes ont engagé des réductions importantes de dépenses qui se répercutent aussi sur leur dépense culturelle. Pour ne prendre que l’exemple de Paris, c’est une économie de 400 millions d’euros qui doit être faite pour boucler la mandature. Toutes les directions y compris la culture sont évidemment appelées à contribuer à l’effort. Mais point de défaitisme car la culture est une source de dynamique territoriale dont la valeur ajoutée est de mieux en mieux prise en compte.
En tout état de cause, la récente crispation des dépenses culturelles des collectivités ne doit pas occulter les trois enjeux majeurs se profilent :
- le renforcement de la dimension intercommunale (dont le transfert de la compétence « culture » est optionnel et pose tout de même la question de la gouvernance d’un point de vue technique comme d’un point de vue politique) ;
- le retour en force attendu de certains Conseils Généraux (il est évident qu’en matière de politique culturelle, il s’agit probablement de l’échelon administratif, territorial et politique le plus délicat et le plus menacé. Ceux qui ont une tradition forte dans ce domaine vont prendre des initiatives significatives et ambitieuses dans un très court terme, pour les autres il est à craindre qu’il soit trop tard) ; n’oublions pas tout de même que sur la période de cette étude le flux le plus important part des départements en direction des communes : 93,7 millions d’euros, soit 40,60% des 230 millions de subventions intercollectivités ;
- l’impact de la RGPP sur la réorganisation du Ministère, de ses orientations, de ses moyens et de son action, quels que soient les choix futurs du nouveau ministre.
Même si cette étude remarquable fera date, notamment par la qualité de la mission du Forum pour la gestion des villes et du travail de Nicolas Laroche et David Pereira, on ne peut s’empêcher (effet psychologique de la crise oblige) de craindre qu’elle constitue le témoignage d’une situation donnée à un instant t que beaucoup regrettent déjà. En revanche, elle tombe à pic car elle confirme pour l’Etat que la réforme engagée va dans le bon sens, à condition que les nouveaux paradigmes qui s’annoncent soient bien ceux visés et assumés. Or la concrétisation de ceux-ci n’est pas encore aboutie.
Certains hurleront à la manipulation politique de l’Etat pour légitimer certains choix mais nous nous garderons de commenter ces aspects là pour le moment. L’histoire, le contexte et la genèse des réformes sont à la fois plus complexes et plus simples que cela, nous aurons l’occasion d’y revenir.
Ce qui est certain, c’est que cette étude est un instrument salutaire, une contribution importante qui vient combler un manque en la matière. L’Etat et les Collectivités sauront en faire bon usage. Indubitablement, il conviendrait d’en faire un baromètre plus récurrent, à l’heure où la contribution de la culture dans l’économie nationale et locale est de plus en plus grande (et souhaitée comme telle). Il pourrait ainsi être mis en comparaison avec les études sur l’impact économique et social des politiques culturelles, sujet sur lequel nous aurons également l’occasion de revenir prochainement.
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