On en sait désormais un peu plus sur le devenir du Palais de Tokyo. Nous évoquions en juin dernier les enjeux de la méthode fixée par Christine Albanel début 2009 pour ce lieu en quête d’une nouvelle dynamique et d’une nouvelle envergure. C’est un travail considérable qui a été accompli par Olivier Kaeppelin et ses équipes, pour que dans deux ans un nouveau Palais de Tokyo ouvre ses portes au public. Depuis l’installation du « Site de création contemporaine » en 2002 au premier niveau du Palais de Tokyo, un manque se faisait sentir, tout particulièrement pour la scène française : il fallait un nouveau lieu pour mieux rendre compte et montrer au public la diversité, la vitalité et la maturité de la création en France dans sa dimension cosmopolite, sans distinction de génération, de genre ou de notoriété. Fini donc le tiraillement permanent entre création « émergente » et marché de l’art ? C’est en tout cas un des paris que le nouveau Palais de Tokyo ambitionne de remporter et tous les ingrédients semblent avoir été réunis cette fois-ci.
Le projet d’Olivier Kaeppelin est un modèle d’opiniâtreté (il y songe depuis son arrivée à la DAP), avec une approche d’une pertinence rare à cette échelle d’équipement culturel. Mais c’est l’adéquation entre le projet et le programme architectural qui est sans aucun doute la première des conditions de réussite de l’opération. La consultation des architectes est en cours, trois équipes vont être retenues jusqu’en mai 2010, moment où sera désignée l’équipe lauréate. Les travaux devraient débuter fin 2010 pour une ouverture prévue fin 2011.
Ensuite, il conviendra de mettre à l’épreuve l’idée d’un lieu dédié à la scène française comme garant de la diversité et de la liberté face à l’uniformisation de la mondialisation culturelle, mondialisation face à laquelle de nombreux pays ont opté pour cette même posture (notamment en Allemagne, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Inde, Chine, Brésil, Pakistan, Thaïlande et Corée du Sud) en créant des institutions dédiées à leur scène nationale.
Un des atouts du projet d’Olivier Kaeppelin pour éviter toute forme de chauvinisme, d’art national et ne pas perpétuer la défense de l’exception culturelle française à l’ancienne, c’est sa logique d’assimilation à la scène française des artistes étrangers qui sont venus vivre et travailler en France à un moment donné. C’est la reconnaissance d’une réalité qui ne plaît peut-être pas à tout le monde mais qui est parfaitement justifiée. C’est la reconnaissance d’un modèle français qui ne cherche plus à affirmer d’abord ses principes ou ses valeurs mais sa maturité, ses évolutions, sa mixité, sa réalité multiculturelle d’hier et d’aujourd’hui qui au fond a bien souvent été reléguée au rang des sujets qui divisent alors que dans d’autres pays on assume pleinement ce qui unit une société dans toutes ses composantes, dans toute sa diversité et bien au-delà des discours sur la diversité culturelle.
Dans ces conditions, c’est un tout autre discours sur l’art contemporain qui est ENFIN possible.
Côté modèle de gestion, l’association actuellement chargée de porter la préfiguration du projet (qui rassemble notamment, excusez du peu, Marc-Olivier Wahler, Mark Alizart et Pierre Cornette de Saint-Cyr son président) tient par-dessus tout à ce que le nouvel équipement soit un seul ensemble architectural qui permette de construire des offres multiples et non pas une cohabitation entre plusieurs espaces et plusieurs entités. C’est pourquoi le « Site de création contemporaine » originel sera totalement intégré, jusque dans l’entité juridique qui portera l’ensemble.
Pour cela, une SAS présidée par Olivier Kaepplin (avec Marc-Olivier Wahler comme directeur, Mark Alizart comme directeur délégué et Pierre Cornette de Saint-Cyr comme président du conseil d’administration) permettra de consolider les missions et les équipes du « Site de création contemporaine » tout en bénéficiant d’une grande souplesse de gestion. Ce statut également choisi pour la Salle Pleyel, l’agence France-Museum ou Versailles-spectacles, permet aussi de bénéficier des mesures fiscales favorables au mécénat et de développer des synergies public/privé qui font de ces équipements de vrais atouts pour un rayonnement culturel français qui a plus que besoin d’un second souffle. Au Palais de Tokyo, on se dirige donc vers un équipement performant en tout point. A l’heure où de nouvelles places fortes naissent sur le marché de l’art contemporain, comme Dubaï récemment, il est de bon ton de se douter des outils qui malgré la crise créent les conditions d’une dynamique de développement porteuse de perspectives pour la scène artistique française et notre fameux « soft power ».
Philippe Gimet
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