Parmi les nouveautés croustillantes de la rentrée, c’est avec un grand plaisir que nous allons désormais publier les « billets réflexifs » de René Villemure. Ethicien, conférencier, président fondateur de l’Institut québécois
d’éthique appliquée notamment aux domaines de l’innovation, de la culture et de la communication, René Villemure est membre de CEG depuis près de deux ans et il nous fait l’honneur de partager ses réflexions et ses publications. A savourer sans la moindre modération.
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Le monde est si corrompu que l’on acquiert la réputation d’homme de bien seulement en ne faisant point le mal. - Duc de Lévis
Alors que l’actualité est occupée par les membres de la Commission Bastarache qui sont pris dans une redoutable reprise de « Qui dit vrai ?», qu’est devenu le concept de réputation? Ce concept est-il encore pertinent dans un monde de nouvelles en continu ou dans une société où tous Twittent tout et rien à s’en faire mal aux doigts? La réputation est-elle encore utile alors que tous ont accès à l’univers et peuvent jouer à l’éditeur ou au journaliste en publiant leur propre blogue?
Comme à l’habitude, quelques clarifications pourront éclairer la compréhension de ce concept.
La réputation est le nom associé au verbe « réputer », c’est-à-dire « calculer, compter, examiner, méditer ». Réputer contient en son sens strict une nécessité de réflexion marquée par le « re », un doublon linguistique qui marque l’intensité, et par « putare », qui signifie « supputer » ou « estimer ». La réputation est, elle-même, dérivée de reputatio, c’est-à-dire « réflexion, examen, considération ». Selon l’étymologie, « réputer » signifie « considérer comme », un peu à la manière de Corneille qui écrivait « Bien que vaincu, je me répute heureux ». La réputation, à laquelle on réfère souvent comme étant « la bonne réputation », implique en son sein même un embryon d’honorabilité et contient en son cœur une composante morale qui résulte d’une appréciation personnelle.
La réputation c’est être reconnu.
Force est cependant de constater que la réputation est souvent confondue avec sa cousine la notoriété. Cette dernière est issue directement de notorietas qui signifie « l’action d’être connu de tous »; la notoriété est aussi souvent associée à l’opinion que tous ont de quelque chose ou de quelqu’un.
La notoriété, c’est être connu.
La différence entre la réputation et la notoriété est illustrée par l’incontournable durée nécessaire à la construction de la réputation versus l’instantanéité ou la spontanéité offerte, par exemple, par les médias sociaux.
La réputation implique une réflexion, alors que la notoriété est parfois simplement affaire de retweet ; la réputation nécessite une profondeur alors que la notoriété n’a pas cette exigence. Au fond, on arrive assez rapidement à la différence entre la crédibilité et la popularité. Hubert Reeves est crédible, sa réputation a été construite au fil du temps ; les participants à « Occupation Double » sont populaires, leur notoriété repose sur bien peu de choses…
Tout comme il existe une éthique de vitrine, qui a l’air de Bien Faire plutôt que de Bien Faire, il existe une réputation de vitrine. On l’appelle notoriété.
Au fond, la notoriété n’est qu’une réputation sans exigence… Malheureusement, pour certains, ce n’est que cette notoriété qui leur tiendra lieu de réputation.
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La popularité c’est d’éternuer à l’écran et de recevoir le lendemain des centaines de cartes postales avec écrit : « À vos souhaits ». - Léon Zitrone
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