Dans notre souci d’apporter des contributions et des regards nouveaux sur l’avenir de la culture et les politiques culturelles dans notre société, et dans le cas où vous auriez manqué sa diffusion sur lemonde.fr il y a quelques semaines, nous souhaitons (re)porter à votre attention le manifeste pour l’économie mauve. Ce texte propose une approche qui milite clairement pour faire de la culture le quatrième pilier du développement durable. Mais contrairement à de nombreux textes issus du secteur culturel, cette initiative propose un angle de vue totalement neuf à travers la notion d’empreinte culturelle. A méditer et sans aucun doute à débattre !
—
En ce début de XXIe siècle, le monde bouge, plus vite et plus fort que prévu, l’histoire se remet en marche. Les vieilles structures craquent, les équilibres anciens se rompent sous l’effet conjugué des mutations géopolitiques, démographiques, technologiques et des aspirations toujours renaissantes des peuples à la liberté et au bien-être. La richesse moyenne des nations progresse, même si persistent d’immenses poches de misère. L’éducation et la connaissance se diffusent, même si subsistent trop de zones déshéritées. On ne peut pas penser ce monde-là, qui émerge sous nos yeux, avec les seuls concepts d’hier. On ne peut pas y agir efficacement avec les seules méthodes de nos pères.
C’est à la lumière de ces bouleversements que la relation culture/économie doit être revisitée. La culture a cessé d’être un luxe de riches ou un divertissement d’oisifs. Elle irrigue tous les processus de production modernes. Elle comble le besoin de sens qui habite la communauté humaine. La culture telle que nous l’entendons, c’est à la fois un levier pour l’action et un écosystème vital. Elle constitue un outil sans pareil de déchiffrage d’un monde complexe et d’adaptation à un environnement volatil. Pas de vraie créativité, qu’elle soit artistique, économique voire politique, sans un vrai substrat culturel.
Elle est aussi un écosystème hypersensible à l’action humaine, dont elle enregistre tous les impacts. À l’ère technologique, cette activité foisonnante peut affecter les équilibres délicats qui font la richesse culturelle : unité et diversité, matériel et immatériel, patrimoine et création, avant-gardes et grand public.
Il est temps d’inventer, entre ces deux activités fondamentales que sont la culture et l’économie, une articulation vertueuse qui ne se réduise pas à une pure instrumentalisation de la première et à une vaine stigmatisation de la seconde.
Il est temps de proposer un discours de la méthode grâce auquel toutes les potentialités agissantes de la culture seront valorisées et toutes les valeurs humaines de l’économie seront privilégiées.
Il est temps de jouer le durable contre le court terme, la création de valeur contre le gaspillage des ressources, la synergie contre le chacun-pour-soi, l’éthique contre l’irresponsabilité.
C’est ce territoire en friche, celui d’une mondialisation à visage humain et enracinée, que se propose d’explorer l’économie mauve.
Mauve, couleur de la créativité et de l’imaginaire, dont les nuances signent le reflet d’une adaptation aux spécificités de chacun, pour autant qu’elles respectent les libertés fondamentales.
De chaque opération de l’homme découle une empreinte culturelle, c’est-à-dire un impact qui façonne l’environnement culturel.
L’économie mauve représente la part des activités humaines qui concourent à améliorer cette empreinte, afin de favoriser en toute chose la richesse et la diversité culturelles. Cette économie est transversale et, relevant surtout de l’immatériel, s’avère peu consommatrice de ressources naturelles.
Elle porte les germes d’une nouvelle croissance, liée à une meilleure adaptation des entreprises au marché et à une plus grande efficacité dans leur fonctionnement, par la compréhension des ressorts des gens pour lesquels et avec lesquels on travaille.
Parce que nous avons tous intérêt à valoriser ce potentiel économique, il convient d’organiser dès maintenant la révolution mauve.
Signataires
- Jean-Jacques Aillagon, président de l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles
- Bruno Bourg-Broc, président de la Fédération des maires de villes moyennes
- Bernard Cerquiglini, recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie
- Gilles Ciment, directeur général de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image
- José Luís Dicenta, secrétaire général de l’Union Latine
- Renaud Donnedieu de Vabres, ancien ministre
- Mercedes Erra, présidente d’Euro RSCG Monde et directrice générale d’Havas
- Pierre-Antoine Gailly, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris
- Joëlle Garriaud-Maylam, sénateur membre de la Commission française pour l’UNESCO
- Jérôme Gouadain, secrétaire général et fondateur de diversum
- Claudie Haigneré, présidente d’Universcience (Cité des sciences et de l’industrie et Palais de la Découverte)
- Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes
- Jean Musitelli, ancien ambassadeur de France auprès de l’UNESCO
- Alain Dominique Perrin, président de la Fondation Cartier pour l’art contemporain
- Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes
- Odile Quintin, ancien directeur général à la Commission européenne
- Bernard Ramanantsoa, directeur général d’HEC Paris
- Jean-François Rial, président-directeur général de Voyageurs du monde
- Pierre Simon, président de Paris-Île-de-France Capitale Économique
Pour plus d’informations, cliquez ici.
Filed under: Analyses, Expériences, Gouvernances, Politiques culturelles, Ressources, Développement durable, Développement soutenable, Economie de la culture, Gouvernance culturelle, Ingénierie culturelle, Politique culturelle
Enfin un peu d’ouverture…
En complément et pour votre curiosité, voici une tribune que j’ai écrit récemment sur comment renouer l’art et la culture à toutes les problématiques d’innovation, économique, urbaine, académique, etc. dans un contexte d’économie de l’immatériel : http://www.metropolitiques.eu/Innovation-le-role-de-l-art-dans.html
Cordialement,
Raphaële Bidault-Waddington