Le 21 mai est la Journée mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement, mais saviez-vous qu’elle a vraiment eu lieu mardi dernier ? Si vous avez regardé la plupart des médias nationaux ce jour-là, il fallait être devin.
Pire encore, si vous faites partie de la majorité des français qui regardent le journal télévisé : rien absolument rien.
On ne s’étonne hélas plus de voir les grands médias (y compris l’audiovisuel public) vouloir/devoir faire de l’audience et dire en même temps (études à l’appui) que ce qui est diffusé correspond à ce que les téléspectateurs veulent voir ou à ce dont on se doit de les informer.
Mais là, trop c’est trop. Petit florilège des journaux de 20h mardi dernier :
- la météo, pas d’amélioration en vue avant quinze jours, il pleut, de l’eau, de l’eau qui déborde, de la grisaille, des températures inférieures à la normale, on remet le chauffage, on n’a pas vu ça depuis des années, l’été est en retard, il n’y a plus de saisons, etc.
- la tornade dans l’Oklahoma, l’horreur climatique, sommes-nous exposés à ce type de catastrophe en France et nos habitations sont-elles bien protégées ? les dernières tornades en France, la plus destructrice, etc.
- le mauvais temps en France a des conséquences sur de nombreux domaines d’activité, les récoltes sont compromises, les agriculteurs dépriment et certains vont mettre la clé sous la porte, le temps ne donne pas envie d’acheter des crudités, les conséquences de toutes ces pluies sur les prix sur les marchés et sur nos factures d’énergie, les professionnels du tourisme se désespèrent, on se rabat sur les centres de bronzage et de luminothérapie pour tenir le coup car sans soleil on déprime, tout cela ne va pas aider à faire baisser le chômage, cela en ajoute à la crise, etc.
Pléthore de sujets de ce type pendant les 20-25 premières minutes selon les chaînes, dans un journal qui dure entre 30 et 35 minutes.
On enlève les 5 dernières minutes réservées au festival de Cannes, au sport ou aux célébrités populaires et il reste 5 à 10 minutes pour parler de ce qui se passe par ailleurs en France et dans le monde. Quel luxe !
Alors comment imaginer qu’il ne reste ne serait-ce qu’une minute pour parler de la Journée mondiale de la diversité culturelle, des missions et des programmes de l’Unesco qui soutiennent et encouragent partout dans le monde et toute l’année des initiatives toutes plus utiles et nécessaires les unes que les autres ?
Comment imaginer que… :
- en pleine période où la question de l’exception culturelle fait l’objet de toutes les tentatives de récupérations possibles dans le cadre de l’accord de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis ;
- en plein débat parlementaire sur la tenue de cours en anglais dans les universités françaises qui ravive la querelle des anciens et des modernes ;
- au moment où viennent d’être publiés les statistiques sur l’illettrisme et le rapport de la Cour des comptes sur l’état du système éducatif ;
- au moment où les extrêmes (les partis ET les idées) n’ont jamais été aussi populaires depuis 25 ans,
…on puisse considérer en France qu’on peut désormais se dispenser de (re)dire aux téléspectateurs (même en 1 minute !), en s’arrêtant un instant sur cette Journée mondiale du 21 mai, que la diversité culturelle est l’héritage commun de l’humanité, que tous ceux qui œuvrent au quotidien et qui font de sa sauvegarde un impératif concret et éthique inséparable du respect de la dignité humaine méritent d’être mis à l’honneur, que nous devons approfondir nos réflexions et redoubler nos efforts pour que la diversité culturelle nous aide plus encore à mieux « vivre ensemble »…
… on puisse considérer qu’il n’est plus nécessaire que l’Unesco fasse appel aux Etats membres et à la société civile pour célébrer cette Journée en y associant le plus grand nombre pour mieux connaître et apprécier ce que nous devons aux autres cultures, et, à prendre la mesure de la diversité de leurs apports, de leur unicité, de leur complémentarité et de leur solidarité…
… on puisse se passer de rappeler que connaître et reconnaître nos différences, les respecter en ce qu’elles fondent notre propre identité, c’est donner la chance aux siècles qui s’annoncent de s’épanouir enfin hors des conflits identitaires de tous ordres…
…nous n’ayons plus besoin d’affirmer et de partager collectivement que la diversité culturelle est un droit humain fondamental et que lutter pour sa promotion c’est lutter contre les stéréotypes et les fondamentalismes …
Le comble du comble, c’est que ce jour est vraiment arrivé, c’était le 21 mai 2013. Mais rassurez-vous, ce n’est que de la télévision. La fiction dépasse largement la réalité ou bien est-ce l’inverse ?
Pour celles et ceux qui n’ont pas oublié, qui auraient bien voulu ne pas oublier ou qui auraient voulu qu’on leur en parle un peu, vous pouvez si vous le souhaitez cliquer au moins ici, ici, ici, ici et ici.
Espérons que ce 21 mai 2013 ne soit qu’un rendez-vous manqué. Mais la situation financière très grave que connaît l’Unesco à l’approche de l’élection pour le poste de directeur/directrice général(e) nous invite d’autant plus à nous mobiliser pour qu’il y ait une Journée mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement plus largement relayée en France le 21 mai 2014 mais aussi et plus dramatiquement : qu’il y ait une nouvelle Journée mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement le 21 mai 2014, tout court.
Nous y reviendrons très prochainement sur CEG.
Filed under: Analyses, Evénements, Gouvernances, Politiques culturelles, Dialogue interculturel, Diversité culturelle, Gouvernance culturelle, Politiques culturelles, UNESCO
Recent comments