Promouvoir la culture auprès du plus grand nombre ; trouver les clés de la démocratisation de la culture : telles sont les ambitions des politiques culturelles françaises depuis plus de 50 ans.
De plus en plus, nous voyons naître sous de nouvelles formes des initiatives visant à inviter le citoyen à s’engager dans la vie culturelle locale : manifestations grand public, journées de gratuité dans les musées et centres d’art, villes – capitales de la culture, projets participatifs, etc. D’une certaine manière, c’est à une « événementialisation » des arts plastiques que nous assistons pour maintenir et faire valoir l’engagement de la France en matière de culture.
Mais développer l’économie culturelle et, par la même, l’accès à la culture en période d’austérité, n’est pas chose aisée.
A l’heure où les coupes budgétaires sont de rigueur avec une baisse des subventions de 2,8% en 2013, les institutions culturelles ont besoin de repenser leur modèle économique et diversifier leurs sources de financement pour non seulement garantir un niveau de fréquentation stable leur permettant d’envisager une situation économique pérenne mais également car l’État n’est plus le seul à pouvoir porter la notion d’intérêt général et de démocratisation de l’art chère à André Malraux.
L’essor du mécénat en France, au début des années 60, ainsi que la fiscalité avantageuse de 2003 ajoutent des acteurs supplémentaires dans la promotion des Arts et du Patrimoine.
Si les politiques culturelles œuvrent toujours dans le sens d’une diffusion des arts plastiques au plus grand nombre, ces dernières années ont été marquées par une « privatisation » du secteur culturel. Avec près de 25 000 entreprises et 5 millions de foyers mécènes, ce sont près de 3,2 milliards d’euros de dons que l’on recense en 2012.
Si financements privés et financements publics cohabitent désormais, il est de la responsabilité des deux parties, acteurs privés et publics, de trouver un équilibre entre développement de nouvelles infrastructures culturelles, entretien et sauvegarde de notre Patrimoine, et concentration de nos moyens sur les structures existantes pour une meilleure adaptation de l’offre aux publics.
La contraction des budgets privés et publics amène alors chacun à repenser ses marges de manœuvre et fait apparaître de nouvelles pistes à explorer en matière de financements : mécénat de compétence, social ou de particuliers, fonds de dotation, leasing, participation au capital d’un financeur culturel, etc. Ces méthodes, déjà ancrées dans le système économique d’autres pays (comme par exemple les Etats-Unis), font leur apparition en France depuis quelques années.
Mais le mécénat n’étant pas là pour se substituer à l’engagement de l’État, la question de la démocratisation est donc, avant tout, intimement liée à l’orientation de nos politiques culturelles publiques ; car c’est d’abord aux lieux et aux acteurs culturels de savoir capitaliser sur ce qu’ils peuvent vraiment apporter en la matière. De fait, afin de répondre aux nouveaux enjeux économiques des établissements culturels et attirer toujours plus de visiteurs, des partenariats public-privé voient le jour. Des entreprises privées sont désormais mandatées pour gérer musées et monuments confiés par les institutions publiques.
Ces entreprises expertes disposant de compétences spécifiques accompagnent les établissements dans leur gestion propre et proposent des services allant de la mise en place d’équipes spécialisées jusqu’à la dynamisation de projets culturels, éducatifs et touristiques.
Car, comme beaucoup d’établissements l’ont compris, la « popularisation » de manifestations culturelles connait ses limites si elle n’est pas accompagnée d’une politique d’accueil et d’accompagnement des publics dans la durée ou de programmes éducatifs adaptés. Repenser le mode de fonctionnement des établissements culturels pour être davantage en phase avec le marché de l’art et les attentes du public : voici la réflexion à engager entre acteurs culturels et contributeurs privés.
Marlène Dejean*
*Titulaire d’une licence en histoire de l’art et d’un Master 2 en communication, Marlène Dejean a travaillé en tant que Responsable de projet dans le secteur de l’événementiel BtoB et BtoC pour le Groupe LVMH et le Groupe Starwood.
Sa quête permanente de sens l’amène au poste de Responsable de projet Brand Content chez BETC où elle prend en charge la définition de stratégies éditoriales et la création de contenus print et vidéo pour les marques suivantes : Accor, Club Med, Crédit Agricole, Total…
« Aimantée » de tout temps par la culture, elle rédige en 2012 un mémoire sur les relations entre démocratisation de l’art et politiques culturelles.
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Une petite question question technique : sur les 3,2 milliards d’euros de dons que vous recensez en 2012 : quelles sont vos sources ? Quelle part a fait l’objet d’une défiscalisation ? Selon que l’on parle de dons privés ou d’entreprises, cette part peut aller jusqu’à 66% du don. Ce qui reviendrait à dire que l’Etat a contribué à hauteur de 2 milliards environ par la réduction d’impôt. On peut alors dire en effet que « …le mécénat [n’est] pas là pour se substituer à l’engagement de l’État », et qu’au contraire l’Etat a bien contribué à privatiser la décision d’aide financières aux initiatives artistiques.
Les chiffres cités sont tirés du dossier de presse publié par le Ministère de la Culture à l’occasion des 10 ans de mécénat 2003/2013.
http://www.culturecommunication.gouv.fr/Espace-Presse/Dossiers-de-presse/Lancement-du-timbre-celebrant-le-dixieme-anniversaire-de-la-loi-mecenat
La part de défiscalisation n’est en effet pas communiquée mais dans la mesure où la réduction d’impôt est égale à 66% du montant du don pour les particuliers et 60% pour les entreprises, l’apport de l’Etat est bien sûr remarquable.
Le recul du gouvernement concernant la révision de ces pourcentages à la baisse témoigne d’ailleurs d’une prise de conscience des effets positifs sur l’économie et les emplois.
Je vous remercie de m’avoir indiqué la référence de l’anniversaire des 10 ans du mécénat qui m’a permis de trouver le lien vers le document que vous citiez :
Cliquer pour accéder à Mag%20210%20dossier%20m%C3%A9c%C3%A9nat.pdf
Voici en effet la citation complète :
« Plus de 25 000 entreprises de toutes tailles et plus de 5 millions de foyers fiscaux en utilisent aujourd’hui les dispositions, au profit d’œuvres et d’organismes d’intérêt général auxquels ils apportent un montant global qui s’élève à environ 3,2 milliards d’euros, alors qu’il n’était en 2004 que de l’ordre de 1 milliard d’euros en 2004. »
Permettez-moi de considérer que la formulation est assez floue, car nulle part dans ce document n’est mentionné le taux de réduction d’impôts. Et donc, soit ce sont bien les 25 000 entreprises et les 5 millions de foyers fiscaux qui donnent 3,2 milliards d’euro, et alors l’Etat abonde de trois fois ce montant, soit – et c’est le plus probable, les donateurs donnent effectivement 1 milliards d’euros et ce sont les autres contribuables qui « donnent » de manière automatique les 2 milliards complémentaires.
[…] Partenariat public-privé : vers un nouveau modèle de développement culturel (Cultural Engineering Weblog) […]
Les 3,2 milliards représentent en effet le montant des dons des entreprises et foyers fiscaux avant déduction fiscale.
La partie fiscalité reste assez floue dans la mesure où les réductions d’impôt varient en fonction des « causes » & organismes (ex. de la loi Coluche qui permet de déduire entre 66% et 75% des sommes données, etc…)
Après pas mal de démarches auprès des institutions concernées, je n’ai pour ma part par réussi à obtenir de document détaillé à ce sujet.
[…] L’essor du mécénat en France, au début des années 60, ainsi que la fiscalité avantageuse de 2003 ajoutent des acteurs supplémentaires dans la promotion des Arts et du Patrimoine. Si les politiques culturelles œuvrent toujours dans le sens d’une diffusion des arts plastiques au plus grand nombre, ces dernières années ont été marquées par une « privatisation » du secteur culturel. Avec près de 25 000 entreprises et 5 millions de foyers mécènes, ce sont près de 3,2 milliards d’euros de dons que l’on recense en 2012. Si financements privés et financements publics cohabitent désormais, il est de la responsabilité des deux parties, acteurs privés et publics, de trouver un équilibre entre développement de nouvelles infrastructures culturelles, entretien et sauvegarde de notre Patrimoine, et concentration de nos moyens sur les structures existantes pour une meilleure adaptation de l’offre aux publics. […]