Comme je l’évoquais dans mon précédent article, les Business Improvement Districts (BIDs) peuvent être des réponses très efficaces aux besoins locaux, complémentaires à l’action publique dans de très nombreux domaines.
En se demandant si la culture peut pleinement s’approprier le modèle, je voulais mettre en exergue le fait que l’écosystème culturel public et privé aurait beaucoup à y gagner.
Les BIDs sont souvent décriés pour leur approche néo-libérale, et si il est impossible d’éviter les questions éminemment dogmatiques qu’ils soulèvent, je ne vois pas pourquoi il en serait autrement pour la culture. Mais je suis convaincu que la culture plus que n’importe quel autre domaine peut fixer un cap bien plus profitable (au sens noble du terme) et bien moins dogmatique.
En effet, on reproche notamment à certains BIDs de créer des déséquilibres dans les quartiers, de renforcer les plus forts au détriment des plus faibles et de dénaturer certains quartiers en les « boboïsant ». Cette question ne peut être éludée mais la meilleure réponse se trouve dans la compréhension de ce qui différencie un BID (et des adaptations qu’on peut en faire) des phénomènes déjà bien établis de gentrification.
A la différence de la gentrification, où c’est d’abord la dimension immobilière qui est le principal moteur dé-régulateur et excluant qui prend le pas sur le vivre ensemble, les BIDs sont des dispositifs qui peuvent être régulés et qui dépendent d’abord de celles et ceux qui vivent au présent sur le territoire (et pas ceux qu’on veut y installer, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, au détriment des autres). Ils peuvent donc être bien plus inclusifs !
Le territoire concerné par un BID part de son tissu socio-économique existant en vue de le renforcer et de le dynamiser dans une logique d’amélioration du cadre de vie.
C’est là que la culture a plus que son mot à dire et a en réalité tout à y gagner. En effet, les BIDs sont une opportunité quasi unique pour la culture de conduire l’économique et non pas l’inverse.
L’action culturelle se fonde sur les droits culturels, des droits humains fondamentaux, et ne peut par essence exclure quiconque. Dans ces conditions, faire en sorte que la culture s’approprie pleinement le modèle des BIDs et en fasse sa propre déclinaison constitue une alternative plus qu’opportune 1) à la clusterisation plus ou moins heureuse des territoires 2) aux tentatives plus ou moins réussies de marketing territorial et 3) au pire visage de la gentrification.
Définir une stratégie culturelle pour conduire l’économie d’un territoire (c’est-à-dire le contraire de ce qui est généralement fait) a au moins quatre principaux avantages :
- façonner le profil et la croissance soutenable du territoire concerné ;
- replacer l’humain et le bien commun au centre des préoccupations ;
- créer de la valeur ajoutée matérielle et immatérielle pour tous, sans discrimination ;
- libérer la culture son instrumentalisation et de son cloisonnement habituels.
Si la culture s’appropriait pleinement le modèle et le détournait à dessein en se fondant sur les principes des droits culturels, c’est une autre relation entre le public et le privé qui pourrait voir le jour autour d’une approche renouvelée de l’espace public et du bien commun, par opposition à la privatisation de l’espace public et de la prédominance des intérêts particuliers qui sont les causes de bien des inégalités.
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