Il faut faire du sentiment de soi la source de son style.
Même si plusieurs abusent du terme « éthique » et si, en conséquence, celui-ci est de plus en plus « connu », posons la question : Malgré sa notoriété, sait-on réellement ce qu’est l’éthique ou ne sommes-nous qu’en mesure d’en déplorer le manque ?
L’éthique, et c’est curieux, est l’un de ces sujets que tous semblent vouloir s’approprier sans pour autant en connaître le sens, en comprendre les exigences ou la portée. Écoutons les conversations et nous pourrons entendre parler de l’éthique du golf et même de l’éthique de celui qui travaille fort dans les coins. Tout dire sans rien dire…
Ainsi, et c’est incontestable, le sujet de l’éthique est connu mais, s’y arrête-t-on vraiment? Je ne crois pas.
L’éthique n’a pas la vie facile, elle est souvent masquée par tout ce qui se prend pour elle…
Ainsi, dans son sens le plus fréquemment rencontré, on utilise l’éthique pour justifier des normes, on parle alors de « codes d’éthique », c’est-à-dire d’impératifs à suivre absolument sous peine de sanctions. Cette conception, fort populaire, est cependant réductrice. Elle réduit le « Bien Faire » à l’obéissance…
Ces codes maladroitement appelés « codes d’éthique » relèvent, au sens strict, de la déontologie, c’est-à-dire d’un « discours sur le devoir ». La déontologie est une pratique normative qui se penche sur son passé, que l’on croit immuable, et qui, souvent, n’aime point son présent. C’est la raison pour laquelle elle propose d’ajuster le comportement présent au passé jugé « idéal ».
En situation de décision, le déontologue tente patiemment de rapprocher rigoureusement la situation en présence du texte original afin de restituer à la situation actuelle la perfection du texte original sans nécessairement tenir compte du contexte ou de l’irrégularité de la situation. La déontologie est une pratique patiente et mesurée de comparaison avec un texte figé.
Enfin la déontologie, pour qui n’existent que les cas les plus fréquemment rencontrés, relève de la logique du « surveiller et punir », elle inspire par la crainte, elle définit ce qui est « mal », ce qui est interdit, elle recherche la faute par rapport à un texte fondateur jugé parfait.
L’éthique, de son côté, est une pratique évaluative fondée sur des valeurs en vue de l’atteinte d’une finalité jugée « bonne »; elle est plus soucieuse du « bien dans les circonstances » que de la conformité à une règle figée. L’éthique se soucie de la décision à prendre avec justesse, dans un contexte irrégulier, malgré l’incertitude et tout en considérant que le juste, en soi, est une cible fuyante. « Que nous incombe-t-il donc de faire dans les circonstances » demande l’éthique.
L’éthique doit être comprise comme étant un exercice réflexif qui résulte d’une certaine prise de conscience collective, d’un désir de faire autrement, d’un ambition de faire « mieux » au niveau moral.
L’éthique peut-être comparée à une œuvre d’art qui appartient à une époque ou à un peuple; une décision éthique appartient à un contexte, à un moment spécifique dans l’espace et dans le temps. Et tout comme dans le domaine de l’art où les « connaisseurs », nombreux, évaluent la technique, l’éthique a ses faux experts, tout aussi nombreux, qui rédigent des codes standardisés tout en n’ayant peu de souci pour l’éthique en soi, pour le sentiment artistique de l’éthique.
* * *
L’éthique est affaire de culture, tant celle d’une organisation, d’une société ou celle d’un peuple. Elle doit s’appuyer sur des valeurs communes qui devront être claires et praticables; ces valeurs devront éclairer et éviter de recouvrir ce qui ce qui doit être fait par ce qui peut être dit.
L’éthique est affaire de culture et il faut rappeler qu’une culture ne se change pas, elle migre. Lentement.
La migration culturelle, la migration éthique, est la prise en compte d’un désir de transformation qui permettra de faire le lien entre « pas d’éthique », l’éthique déontologique et l’éthique en soi.
Il faut influencer la culture vers une culture « éthique plus » parce qu’actuellement la culture de plusieurs organisation, sociétés ou peuples ne se démarque pas, ainsi, on ne la remarque pas… on n’en remarque que les manquements. Ce qui est déplorable.
Et ce sont ces mêmes manquements qui font que l’on ne parle d’éthique qu’en termes de conflits, de fraude ou d’abus. Pas très inspirant, il faut l’avouer…
N’auriez-vous pas le goût que l’on fasse référence à l’éthique dans un contexte qui lui est propre plutôt qu’à titre de béquille destinée à surveiller et à punir? Bien Agir me semble plus inspirant que « ne pas mal faire ».
Cessons d’écouter les faiseurs de règles, les faiseurs d’images et les faiseurs tout court et réfléchissons sincèrement à l’éthique et aux valeurs; cessons de fonctionner par l’absurde en appelant « éthique » ce qui ne l’est pas. Faisons un effort afin de mieux connaître ce qu’est l’éthique, l’appréciation éthique, le développement durable éthique, la RSE éthique, les choix éthiques….
Au pouvoir du monde, je n’ai rien à opposer que moi-même.
Retrouvez sur Cultural Engineering Group les billets réflexifs de René Villemure, éthicien, conférencier, président fondateur de l’Institut québécois d’éthique appliquée notamment aux domaines de l’innovation, de la culture et de la communication.
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