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Un secteur en transition

archeologie preventiveL’archéologie préventive relève de missions de service public et est partie intégrante de l’archéologie, c’est un fait et c’est ainsi qu’elle se définit.

Ce secteur d’activité qui consiste à réaliser des diagnostics et des fouilles archéologiques en amont des futurs chantiers, s’est fortement développé à partir de la fin des années 1970, ce qui est relativement récent, avec l’intensification des opérations d’aménagement du territoire, des grands travaux et constructions d’équipements et d’infrastructures.

Historiquement, c’est l’AFAN qui conduisit à partir de 1973 la majorité des fouilles préventives, à l’issue d’une initiative conjointe de l’Etat (ministères du budget et de la culture) mais son statut loi 1901 a finalement conduit à la création de l’INRAP en 2001, aujourd’hui principal acteur de l’archéologie préventive.

Son intervention est traditionnellement déclenchée de deux manières :

  • à la demande de l’Etat, il réalise les diagnostics sur l’emprise des travaux prévus par un aménageur public ou privé afin d’évaluer le potentiel archéologique du sous-sol,
  • il peut être choisi par l’aménageur pour mener des fouilles préventives si l’intérêt scientifique est jugé suffisant par l’Etat et que celui-ci prescrit une fouille.

Or depuis 2003, les collectivités locales ou les entreprises privées peuvent demander à l’Etat un agrément pour être habilités à réaliser la phase de fouille, les diagnostics étant entrepris exclusivement par l’INRAP ou les services archéologiques agréés par les collectivités locales.

De ce fait, la multiplication des demandes et des situations d’urgence a fini par poser la question du coût de la prise en charge des opérations, au point que l’archéologie préventive traverse aujourd’hui une crise de son financement.

Le financement des opérations d’archéologie préventive se fait de deux manières :

  • la redevance d’archéologie préventive : elle ne concerne pas spécifiquement une opération d’archéologie préventive donnée mais elle est due par toute personne projetant de travaux d’aménagement affectant le sous-sol ;
  • le prix des fouilles : il s’agit de la rémunération versée par l’aménageur et perçue directement par l’opérateur (INRAP, service archéologique territorial agrée ou toute personne morale agréée par l’Etat) en contrepartie des fouilles qu’il réalise.

On le sait, ces modes de financement ne permettent pas actuellement de couvrir le coût des opérations, notamment en raison des insuffisances de la redevance et des nombreuses possibilités d’exonérations.

Il convient de noter qu’il existe principalement quatre verrous économiques à prendre en considération, du plus technique au plus général :

  • la non-dissociation des opérations de diagnostic et des opérations de fouilles dans le calcul de la redevance,
  • l’indexation de la redevance sur la valeur de l’ensemble immobilier (ce qui n’est pas sans poser de problème compte-tenu de l’impact de la crise financière sur ce marché, malgré un relèvement progressif du taux de la redevance, fixé par la loi du 17 février 2009 : 0,4% de l’ensemble de la valeur de l’ensemble immobilier en 2009, déterminée en référence à la TLE, puis 0,5% en 2010),
  • l’absence de modalités supplémentaires de financement dans le dispositif de la redevance,
  • la difficulté de trouver des leviers supplémentaires et de nouvelles sources de financement.

En France, la richesse et la diversité des sous-sols sont telles que le nombre de sites archéologiques est estimé à plusieurs millions. Malgré l’absence de statistiques complètement fiables, l’INRAP a établi le ratio d’un site d’intérêt archéologique tous les 4 hectares.

Si nous prenons en compte le fait qu’on évalue à 60000 hectares par an la superficie cumulée des chantiers en France, nous comprenons immédiatement que la demande potentielle est considérable au niveau national. Répondre aux besoins et dans la durée devient donc un véritable casse-tête chinois.

On constate toutefois, à quelques exceptions près, un sous dimensionnement des moyens des structures existantes.

Les collectivités locales étant au premier rang de l’administration de la gestion et de l’aménagement du territoire, nous mesurons dans ce contexte la dimension stratégique (pour ne pas dire dramatiquement stratégique) que revêt l’activité d’un service d’archéologie préventive à la hauteur de l’enjeu pour son territoire (rappelons que la non-concurrence entre les territoire est la règle).

Rien donc d’étonnant à ce que sur les 64 opérateurs agréés pour la réalisation d’opérations archéologiques préventives qui existent aujourd’hui, 78% sont intégrés aux collectivités locales ou territoriales. Pourquoi faut-il encore et toujours que le service public finance ce qui coûte cher et que le privé investisse dans ce qui rapporte beaucoup ? N’y a-t-il pas de nouvelles dynamiques à faire surgir ou à inventer ? La question est faussement naïve, vous l’aurez compris.

Le secteur culturel est largement confronté aux problématiques de maîtrise des coûts, marqué par cette difficile équation qui concentre des travaux difficiles, complexes, la plupart du temps de grande ampleur, avec le souci de la gestion de la mission de service public ; cela vaut aussi pour l’archéologie préventive.

Récemment le département de l’Eure s’est lancé dans la réalisation d’un plan d’affaires permettant de développer son service existant, la MADE (Mission Archéologique du Département de l’Eure). Cette approche dite de « business plan » laisse entrevoir une volonté de plus en plus partagée au sein des collectivités d’aller au-delà des budgets qui appellent trop souvent des financements compensatoires en fin d’exercice. Les logiques anticipatrices et les logiques de développement viennent donc rejoindre les logiques de gestion des risques. Cela semble relever selon nous du principe de précaution.

Dans de nombreux domaines, l’Etat ayant parfois fait subir aux collectivités ce qu’ont peut appeler au fond un transfert d’une partie dette, les collectivités s’organisent de mieux en mieux pour tenter d’en atténuer les effets. Mais ce n’est pas une tâche aisée et des choix parfois difficiles sont à faire. Ce n’est pas le chantier initié par le comité Balladur qui viendra nous démentir : l’enjeu est considérable, y compris pour le devenir du secteur de l’archéologie préventive et de facto pour la préservation d’une partie de notre patrimoine.

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