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L’éthique comme nécessité

René Villemure

Dans le cadre de la semaine des professionnels 2013 René Villemure a accordé une entrevue au quotidien Le Devoir sur le thème de « l’éthique comme nécessité ».

Ces derniers mois, particulièrement depuis les débuts de la commission Charbonneau, le terme « éthique » est sur toutes les lèvres. En créant de nouvelles politiques et en formulant de plus stricts codes de conduite, le Québec tente d’effectuer un grand ménage dans ses organisations. Or René Villemure, éthicien, indique que la province fait fausse route si elle croit régler ses problèmes d’ordre moral en se contentant d’employer des solutions structurelles.

« Quand on nous parle de solutions à apporter aux manquements à l’éthique, tout ce dont on nous parle, c’est de structures, note René Villemure. Or l’éthique est un élément de culture et une affaire de sens. »

Confusion des genres

Définie par M. Villemure comme l’ensemble des conceptions morales dictant une conduite, l’éthique est un concept souvent mécompris. Alors que celle-ci se rapporte au sens et aux valeurs, on a tendance à lui attribuer une fonction déontologique.

D’après l’éthicien, il s’agit là d’un problème important. « Je dis souvent que l’éthique, c’est le sujet qui a la plus forte notoriété et le plus bas niveau de connaissance. En entreprise, dans les municipalités, au gouvernement, on demande à des juristes de se charger d’éthique, mais ce dont ils traitent en fait, c’est de déontologie. Ils créent des règles pour régir un exercice. Or les règles ne sont pas suffisantes. La déontologie, il faut y réfléchir en amont. »

Dans le même esprit, M. Villemure note que beaucoup d’entreprises confondent valeurs, motivations et objectifs. Aux dires de l’éthicien, trop d’organisations ont tendance à utiliser des vocables comme « productivité » ou « efficacité » pour cerner les valeurs qui guident leur mission, alors qu’en fait ceux-ci n’ont aucune teneur éthique.

« Je ne dis pas que ça n’a pas sa place en entreprise, mais ces termes-là font référence à la gestion, pas à l’éthique, souligne M. Villemure. La valeur doit m’indiquer un sens. Or, quand le sens, c’est la productivité, honnêtement, la corruption, c’est une bonne idée ! »

Même concept pour les si populaires « plaisir », « créativité » et « innovation » dont sont truffés les codes d’éthique d’entreprise : « Ce n’est pas utile, ça ! Une valeur, cela a deux caractéristiques impératives. Cela a un contenu moral nécessairement positif et ça contient sa propre raison d’être. Par exemple, l’honnêteté. C’est moralement positif, car il n’y a pas de façon malhonnête d’être honnête. Ça contient également sa propre raison d’être. L’éthique, ça se base sur ces valeurs-là. Pour parler d’éthique, il faut qu’il y ait des valeurs morales qui émanent de la mission et qu’on les rende claires, praticables, fortes et partagées », explique-t-il.

Pour répondre aux problèmes de manquement éthique que vit le Québec, M. Villemure estime qu’il y a encore beaucoup à faire. Loin d’être en défaveur des guides de bonne conduite ou des codes de déontologie, il souligne que ceux-ci doivent impérativement s’inscrire dans une démarche d’une plus grande réflexion.

« Ce qu’il faut parvenir à faire, c’est de réintroduire le sens, affirme l’éthicien. Le sens, c’est la direction. Sans direction, on s’égare. Et l’égarement, ça mène à la faute et à l’inconduite. Il est temps d’entamer une réflexion en profondeur. Au point où on en est, l’éthique, ce n’est plus un luxe, c’est une nécessité. Ramener une dose d’humanisme dans la société, ça ferait du bien à tous les niveaux. »

Facile à dire, mais comment faire pour y parvenir ? D’abord, en sensibilisant davantage les dirigeants en place aux réalités de l’éthique, croit l’éthicien. « Changer une culture, ça ne se fait pas en claquant des doigts. Ça prend des années de “faire autrement”. Il faut avoir un horizon humain. Il faut faire comprendre aux dirigeants que ce n’est pas à coups de formations de trois heures ou de codes d’éthique qu’ils vont transformer leurs façons de faire. Il faut leur pointer des entreprises exemplaires qui réussissent bien, susciter chez eux le désir de faire les changements nécessaires. »

Ensuite, en accordant une plus grande place à l’éthique dans le système scolaire, particulièrement au cégep et à l’université. « Je pense qu’on doit donner aux jeunes la chance de se poser des questions, dit M. Villemure. Pour bien des gens, le cégep, c’est le seul moment où on peut se questionner sur le pourquoi des choses. À l’université également, je crois qu’on ne devrait pas extraire les sciences humaines des programmes. Actuellement, on forme beaucoup de techniciens qui, avec leurs diplômes, sont capables de dire comment fonctionnent les choses, mais pourquoi elles fonctionnent comme ça, par contre, ça les embête ! »

Refonte électorale

En fin de compte, M. Villemure juge qu’on devrait également revoir notre système électoral. Il souligne que, lorsqu’on élit un parti pour quatre ans, il y a de grandes chances que les actions de celui-ci soient davantage guidées par des motivations électoralistes que par la poursuite du bien commun.

« Je crois qu’il va falloir mettre en place des modèles de confiance différents, confie l’éthicien. Je pense par exemple à la possibilité de rappeler des députés lorsqu’ils ne sont pas adéquats. Il faudra aussi faire plus de consultations publiques, donner plus souvent la parole à la population, etc. »

Si M. Villemure est d’avis que ce n’est pas demain la veille que seront résolus les problèmes du Québec en matière de manquements à l’éthique, il assure tout de même avoir confiance dans les générations à venir.

« L’autorité a migré d’un concept hiérarchique absolu vers le sens. Il y a toute une génération de jeunes actuellement qui disent non lorsqu’ils ne sont pas d’accord. Ce sont des jeunes qui se questionnent. Ils ont parfois l’air d’être désabusés, mais c’est parce qu’ils ont un idéal et que celui-ci a été éteint. Sauf que, contrairement à bien des adultes, il leur reste une petite étincelle qui ne demande qu’à être rallumée. J’ai une grande foi en eux. »

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Le monde en 2030

René Villemure

Comment anticiper un monde incertain?

Cellule de veille et d’intelloigence de la CIA, la NIC est une agence spécialisée dans la prospective géopolitique des États-Unis.

Ainsi, d’ici à 2030, quatre scénarios se trouveraient sur la table des décideurs. Premier scénario, le déclin de la domination occidentale se poursuit, la mondialisation s’essouffle et les conflits entre les Etats augmentent. Vision pessimiste mais plausible.

Deuxième scénario : le système se bipolarise de nouveau, cette fois autour du tandem formé par les Etats-Unis et la Chine, catalyseur d’une harmonie mondiale et d’une coopération économique rénovée. Une vision optimiste et plausible aussi.

Le troisième scénario est celui du grand écart, entre des Etats de plus en plus riches et d’autres de plus en plus pauvres ; des inégalités toujours plus criantes à l’intérieur des sociétés puissantes et sources de tensions sociales. Les Etats-Unis n’y seraient plus le gendarme d’un monde éclaté.

Enfin, dernier scénario, celui d’un monde moins institutionnalisé autour des Etats dépassés par la globalisation des problèmes, les sociétés se substituant aux pouvoirs publics.

Commen ces scénarios affecteront-ils votre entreprise ?

Serez-vous prêts ?

Qu’en pensez-vous ?

 À lire et à voir :

Quel monde en 2030 ?

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Comprendre l’éthique

René Villemure

Voir du sens là où les autres voient des choses

– Umberto Eco

Les scandales et les frasques politiques mettent l’éthique à mal.

L’éthique est partout. De tous les bulletins d’informations, de toutes les manchettes.

L’éthique est nulle part. On cite l’éthique pour ne rien dire, pour être dans l’air du temps, pour dire si peu ou, encore, pour l’avoir dit… On cite l’éthique sans en définir le sens, on cite l’éthique pour montrer des choses, brandir des codes ou dénoncer des malversations, alors qu’il faudrait mieux comprendre que citer…

« Comprendre » au sens strict, signifie « saisir l’ensemble; « comprendre » implique la capacité à faire des liens entre divers éléments.  Pour comprendre l’éthique, il faut savoir faire des liens entre celle-ci, la culture ambiante et les évènements qui surviennent dans la culture en question.

Saisir l’ensemble

La « notoriété d’un sujet » n’est pas synonyme de « connaissance d’un sujet ».

Dans l’espace public, on évoque des manquements à l’éthique, des codes d’éthique, des conflits d’intérêts, des fraudes mais, au fond, on ne parle pas d’éthique, ou, si peu. On évoque plutôt la non-éthique croyant ainsi dire l’éthique.  Force est de convenir que cela n’est pas la meilleure manière de clarifier une idée…

Aussi, et bien que plusieurs aimeraient qu’il en soit autrement, l’éthique est une partie de la philosophie et, à ce titre, implique nécessairement une réflexion plus poussée que ne le serait une opinion. IL faut le dire, l’éthique est affaire de réflexion et de hauteur de vue, pas d’opinion ou d’idées reçues.

En premier lieu, il faut savoir et comprendre que l’éthique est une des parties constituantes de la culture d’une organisation ou d’une société.

À ce titre, si une culture ne se démarque pas on ne la remarque pas, on n’en remarque alors que les manquements. Les nombreuses commissions d’enquêtes tenues au fil des ans nous ont d’ailleurs démontré que la non-éthique pouvait aussi faire partie de la culture d’une organisation ou d’une société…

En second lieu, il faut savoir qu’à titre de composante de la culture, l’éthique n’est pas une chose ou un élément quelconque à « gérer » au sens administratif du terme; elle est bien plus importante. L’éthique doit être la référence première d’une société, son inspiration ultime qui colore tant sa mission que sa vision.

Ainsi comprise, l’éthique est affaire de sens.

Le sens, c’est la direction, c’est la sensibilité, c’est le chemin.  L’absence de sens, c’est l’égarement, l’inconduite et la faute.

L’éthique est une réflexion qui propose de chercher à déterminer le sens à donner à une conduite.  Curieusement, dans cet effort de recherche de sens, plusieurs vident l’éthique elle-même de son sens en la réduisant à une structure, à un code, à un effort de surveillance ou de dénonciation.  Même si ces outils sont parfois nécessaires, ils ne sauraient à eux seuls constituer l’éthique d’une organisation. Il est impératif de distinguer les outils de l’éthique de l’éthique elle-même parce que, vidée de son sens, l’éthique n’est plus que du markethique ou de l’éthique d’apparat.

D’ailleurs, sans le sens, comment l’éthique peut-elle suggérer une direction?

Que faire alors d’un code d’éthique qui n’est souvent qu’un prétexte utilisé pour justifier des normes et des contrôles?

Les infrastructures ou les codes d’éthique, sans le nécessaire effort de sens et de migration culturelle qui doit les accompagner, demeureront vides de signification et ne pourront faire qu’illusion.  Ces infrastructures et codes donneront, à ceux qui aimeraient mieux ne pas en parler, le sentiment, faux, d’un monde éthique.

L’éthique est affaire de culture, ne l’oublions jamais. Un dispositif de surveillance ne saurait à lui seul assurer l’éthique d’une société.  « On ne peut rendre les gens bons par décret », disait avec justesse Oscar Wilde.  Il avait raison. Il a toujours raison.

Enfin, n’oublions jamais qu’il demeurera toujours plus facile ou moins exigeant de surveiller que de penser; sachons aussi que la conformité n’a jamais engendré un monde meilleur.

L’éthique résulte d’une certaine prise de conscience collective : il y a déjà beaucoup de codes, beaucoup et de normes, il y a toujours de l’injustice et des comportements inéthiques.

Pourquoi ? Parce qu’un code ou une norme ne sauraient remplacer l’éthique.

Puisque « nommer, c’est dire avec du sens », tentez de questionner et de comprendre l’éthique et les valeurs de votre société, organisation, ministère ou organisme.  Faites les efforts nécessaires pour comprendre le sens donné à l’éthique dans votre société parce que sans le sens, sans la direction qu’elles impliquent, l’éthique et les valeurs ne seront que des mots écrits sur la vitrine de l’indifférence

L’éthique est affaire de sens.



*  *  *

Ce ne sont pas tous les méchants qui font le plus de mal en ce monde.  Ce sont les maladroits, les négligents, les crédules.  Les méchants seraient impuissants sans une quantité de bons.

 – Paul Valéry

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Risquer la réflexion…

René Villemure

Dans la mesure où l’éthique naît du désir de dire quelque chose de la signification ultime de la vie, (…),

de ce qui a une valeur absolue, l’éthique ne peut pas être une science.

– Ludwig Wittgenstein

Nous l’avons dit et redit, écrit et publié sur plusieurs tribunes : l’éthique est une composante de la culture; elle représente le volet culturel du « vivre-ensemble ».  Les Grecs disaient que l’éthique avait comme objectif la vie bonne, l’harmonie entre les citoyens.

Qu’en est-il de l’éthique en 2013 où les seuls discours entendus à son sujet sont souvent ceux de la catastrophe, ceux qui disent le manque d’éthique ou encore ceux qui répètent les manquements à l’éthique? Comment se fait-il que l’éthique soit passée d’un élément aussi noble à un « problème » ou à un « risque »? Qu’est-il arrivé pour qu’une composante de la culture ait été réduite à un incident qui doit être géré?  Le parcours n’est pas simple.

Pour y voir plus clair, convenons dès le début que le « vivre-ensemble » et les concepts de « risque » ou de « problème » relèvent de lexiques différents.  Le premier est, dans son essence, social et interrogatif tandis que les deux autres appartiennent aux lexiques de l’entreprise ou du commerce.

Le lexique de l’entreprise est fondamentalement celui du « comment ». L’entreprise déteste l’imprévisibilité et a ainsi tendance à instrumentaliser son quotidien afin de le rendre prévisible.

Or, de son côté, l’éthique a comme visée de « Bien faire »; ce « Bien faire » étant sujet à de multiples interprétations, l’entreprise a donc décidé qu’en raison de son « imprévisibilité » celui-ci constituait un « risque » et pouvait même devenir un « problème », on tente donc de le « gérer »…

Contrairement à ce que l’on pourrait penser à première vue, le vice de ce raisonnement ne réside pas chez l’entreprise.  Celle-ci fonctionne selon sa logique propre de minimisation des risques et de maximisation des profits.  Le défaut de ce raisonnement est plutôt que l’ensemble de la société, incluant les gouvernements, a dorénavant choisi d’être évalué selon les seuls critères de l’entreprise.  De nos jours, on « gère » sa vie, on « gère » le gouvernement, on « gère » nos relations…

D’une collectivité d’idées, la société est lentement devenue une entité à risque, un problème qu’il convient de résoudre… Tous devraient pourtant savoir que le lexique de l’entreprise, celui du « comment », est insuffisant lorsqu’utilisé hors du champ de l’entreprise; il ne saurait répondre aux questionnements éthiques qui sont le propre de la société, de la culture et du « vivre-ensemble ».   C’est au fil du temps, lorsque l’on a décidé que « gérer » était un idéal, confondant ainsi le « comment » avec le « pourquoi » que l’éthique est devenue un « risque » ou un « problème »…

Le lexique social est dorénavant calqué sur celui de l’entreprise.  Le lexique social est, dorénavant, celui de l’entreprise. En conséquence le lexique social se vide de sa culture propre, se réduit lentement à un banal « comment » sans idéal, vide de sens et de culture.

Sachant que « nommer, c’est dire avec du sens » l’impact de ce changement de lexique n’est pas seulement celui du choix des mots; il s’agit d’un changement sans précédent dans la manière de voir et d’appréhender la vie et la société.

Alors que le « vivre-ensemble » cherchait à définir un idéal d’harmonie entre tous, le concept de risque engendre la méfiance.  Conséquemment, en instrumentalisant et institutionnalisant la méfiance plutôt que le « vivre-ensemble », la méfiance devient l’avenir… et cet avenir, risqué, est perçu comme étant constitué de « problèmes »…  Ce qui n’est pas très joli…

De plus, on réduit la nécessaire réflexion autour de l’éthique à un banal choix de moyens (lignes de dénonciation, codes, conformité).  Rien, ou si peu, pour soutenir, émanciper ou faire vivre une culture…

Une culture, comme une œuvre d’art, appartient à une époque, à un peuple ; une œuvre d’art est toujours une présentation de l’artiste qui la conçoit.  Faisons en sorte que notre culture puisse être vivante, que nous puissions nous présenter comme des citoyens préoccupés du « vivre-ensemble » plutôt que de simples gestionnaires de nos vies cherchant à gérer des risques et des problèmes.

Cessons de faire de mauvais emprunts lexicaux et de mauvais choix de lexiques.

Tous s’en porteront un peu mieux.

Comme on désire le bonheur, on devrait désirer l’éthique

R-G Laporte

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Entreprise socialement exemplaire : «au-delà de la RSE»

 René Villemure
L’exigence ultime

L’éthique des entreprises est souvent réduite à une version mineure de la «Responsabilité sociétale des entreprises» (RSE). Cette «RSE attendue» est soucieuse de conformité à des standards universels sans égard aux particularités culturelles des continents ou des pays où évolue l’entreprise. Cette «RSE attendue», réduite à la conformité et pensée par d’autres pour d’autres, n’offre pas à l’entreprise le plein potentiel de son devoir social. La «RSE attendue» est celle de la surveillance. Cette conception, fort populaire, est cependant réductrice. Elle réduit le «Bien Faire» à l’obéissance…

L’Entreprise Socialement Exemplaire (« ESE ») est celle qui a comme ambition d’agir de manière éthique au-delà de la simple conformité offerte par des programmes de «RSE attendue», conformité à des standards souvent aculturés. L’ »ESE » doit être imaginée et conçue en conjuguant les exigences internationales, la culture de l’entreprise et la culture locale où est implantée l’entreprise. Elle ne doit pas avoir comme moyen la reproduction ou l’adaptation facile de la «RSE attendue».

L’ »ESE » amènera ses acteurs à évoluer dans un cadre leur permettant d’élever leur regard et d’apprécier la complexité d’un monde en changement en misant sur une«articulation vertueuse globale» du développement durable éthique par les entreprises.

L’ »ESE » doit être comprise comme étant un exercice réflexif qui résulte d’une prise de conscience collective au sein de l’entreprise, d’un désir de «faire autrement», d’une ambition de faire «mieux» au niveau éthique. L’automatisme dans les gestes de gestion et de gouvernance a perdu de sa pertinence.

Dans le monde de l’ »ESE », Voir autrement et penser autrement ne sont plus des alternatives, ce sont des nécessités.

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L’éthique et la culture en 2013

 

 

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L’éthique : bien plus qu’une affaire de codes

Les règles sont utiles aux talents; nuisibles aux génies.

– Victor Hugo

Depuis quelques mois on peut noter le désir croissant, tant dans le monde politique que dans les sociétés commerciales d’invoquer la nécessité de codes d’éthique afin d’encadrer ou de baliser les preneurs de décisions et de punir les fautifs.  Cette invocation d’un code d’éthique, presque devenue une incantation, relève de la pensée magique et ne saurait à elle seule suffire à modifier les comportements déviants.

Il est impératif de réaliser, avant toute chose, que l’éthique relève de la culture d’une organisation ou d’une société et qu’une culture ne peut être « changée » en cliquant des doigts ou en faisant apparaître, comme par magie, un code d’éthique.  Une culture, organisationnelle, politique ou sociétale, est le résultat d’actions ou de non-actions posées au fil des ans par les décideurs et il est prévisible que la migration d’une culture « éthique moins » à une culture « éthique plus » prendra un certain temps et sera le résultat de meilleures décisions, prises pour de meilleures raisons.  Devant ces faits, le recours à un code d’éthique est-il la solution à tous les problèmes éthiques?

Avant tout, quelques éléments de définition s’imposent : rigoureusement parlant, selon notre définition de l’éthique, l’expression « code d’éthique » relève de l’oxymore : les deux mots (« code » et « éthique ») réfèrent en effet à des entités contradictoires. L’éthique, telle que nous la définissons, est une recherche et un questionnement sans cesse reconduits, qui se résument au fond à cette simple question : « Quoi faire pour bien faire ? » — quand le code, coupant court au questionnement, donne plutôt une réponse : « Vous devez (faire ceci) » ; « Vous ne devez pas (faire cela) ».

C’est pourquoi on préfère la dénomination « code de déontologie » à celle de « code d’éthique ». Si l’on se reporte à l’étymologie, le code de déontologie se définit comme l’énoncé des devoirs associés à l’exercice d’une profession ou d’une activité. Il s’accompagne généralement d’une structure permettant de sanctionner les éventuels contrevenants au code (de déontologie).

« Éthique » et « code d’éthique » (i.e. de déontologie) sont donc deux choses différentes ; ces choses sont-elles pour autant incompatibles ?

Non, bien sûr : l’effort éthique peut très bien s’articuler autour d’un code d’éthique, et le code d’éthique peut tout à fait être partie intégrante d’un effort éthique véritable.

Cependant, avant de se doter d’un code d’éthique, il convient de s’interroger sur sa finalité : Pourquoi veut-on un code ? Quel est l’objectif visé par ce code ?

Toute démarche d’éthicisation, quelle que soit l’organisation, procède d’un même constat : certaines des pratiques en cours dans l’organisation présentent le risque d’une possible incompatibilité avec les valeurs de celle-ci, qui représentent sa raison d’être et sa finalité dernière. L’effort éthique doit viser une rectification des façons de faire afin qu’elles puissent mieux s’arrimer avec la mission et les valeurs de l’organisation.

Une telle démarche suppose une réflexion approfondie sur les valeurs de l’organisation et sur les moyens appropriés à la poursuite de ces valeurs. Le code d’éthique n’est jamais qu’un moyen parmi d’autres moyens choisis pour s’assurer que les pratiques soient en belle harmonie avec les valeurs.

Quant survient un scandale, quand une frasque organisationnelle ou politique se trouve exposée au grand jour, on entend souvent les dirigeants dire : « On va se doter d’un code d’éthique, ces choses-là n’arriveront plus ». C’est là l’exemple parfait d’un mauvais recours au code d’éthique. Par ce geste, l’organisation veut dissuader et, espère-t-elle, bannir les comportements déviants en son sein. Il ne s’agit pas, ici, de changer les pratiques mais de punir les déviants. L’instauration d’un code ne procède pas d’une réflexion sur les valeurs et sur les façons de faire, mais plutôt d’un réflexe punitif excité par une exposition médiatique ou l’appréhension d’une telle exposition.

Dans ce cas précis, assez fréquent par ailleurs, l’instauration d’un code ne vise pas à instiguer des pratiques plus justes mais à baliser les pratiques existantes, supposant que ces dernières sont d’emblée éthiques – sous-entendant que ce sont les gens qui ne le sont pas.

Le code d’éthique peut être un bon moyen de véhiculer les valeurs, mais il faut prendre garde à ne pas remplacer l’éthique par un code. L’éthique ne peut faire l’économie d’une réflexion et, partant, d’une certaine remise en question. On peut faire l’économie du code, mais pas celle de la réflexion, qui est le fondement de l’éthique.

Quand à la question que nous posions en introduction, le code d’éthique est-il une solution à un problème éthique ?, la réponse ne saurait être parfaitement tranchée. Elle dépendra directement de la démarche réflexive entourant l’instauration du code d’éthique.  Il faut aussi savoir qu’une telle démarche ne saurait être accomplie dans la précipitation.

On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter.

– Emmanuel Kant

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L’obsession éthique

En tout, l’excès est un vice

– Sénèque

Certains choix valent mieux que d’autres.  Lesquels ? Pourquoi ?

Cette interrogation, simple à énoncer, se situe pourtant au fondement de l’éthique appliquée.  Depuis toujours, le temps passe, demain devient hier, la technologie évolue mais l’Homme reste le même avec ses désirs, ses envies et ses espoirs.  Ainsi, considérant que nous ne sommes pas seuls, que convient-il de faire dès lors que l’on veut Bien Faire?

Au fil des années, on a pu voir le législateur se préoccuper d’éthique en promulguant des lois et des règlements, des sociétés privées ont décidé de rédiger des codes de déontologie souvent appelés « codes d’éthique » pour faire plus joli puis ensuite donner des formations en éthique sur la déontologie contenue dans le code; les médias ont dénoncé ou mis à jour des situations jugées (par eux) inacceptables.  Certains, nombreux, se sont même autoproclamés experts en éthique estimant qu’il y avait là une opportunité d’affaires…

Où se situe la juste appréciation entre « l’éthique » et le « non-éthique »?  Bien que plusieurs l’exigent tous les jours, convient-il de tracer une ligne entre « éthique » et « non-éthique »?

Quotidiennement, on ne compte plus le nombre de personnes qui me demandent dans la rue ou au magasin : « cette situation est-elle éthique »?  Pourtant, dit-on, l’éthique devrait aller de soi. Néanmoins, on continue à évoquer l’éthique en terme de manquements tout en continuant à mal comprendre ce qu’est réellement l’éthique.

Il est bien certain que si l’on n’évoque le sujet de l’éthique qu’en vue de souligner des manquements on ne peut que déprimer ou perdre ses illusions sans nécessairement apprendre grand-chose sur l’éthique puis conclure trop rapidement ou facilement que le monde est « mauvais » ou qu’il est vide d’éthique.  On ne peut apprendre beaucoup sur l’éthique parce que l’on n’en parle pas, on ne parle que du manque et des manquements… En affaire d’éthique, la réflexion est pourtant préférable à la conclusion.

Soyons clairs : d’une certaine manière, l’éthique fait peur.  Les gens sont tellement à craindre les manquements à l’éthique que l’éthique elle-même semble devenir une obsession et, comme toute obsession, la peur irraisonnée de la non-éthique n’est pas saine.  L’obsession éthique, parce qu’il convient dorénavant de la nommer ainsi, empêche d’agir, elle paralyse l’action puis, et c’est le plus terrifiant, elle paralyse la pensée.  L’obsession éthique empêche de penser, elle empêche d’appréhender le monde à partir de la culture et des connaissances de l’individu; l’obsession éthique est à l’opposé de la responsabilité que tous invoquent chaque jour.   À voir tourner le monde, on dirait qu’il n’y a plus personne pour prendre une décision sans qu’il n’y ait un règlement ou un code pour dédouaner ou déresponsabiliser le décideur ou, pire encore, pour lui permettre de justifier que la conséquence d’une mauvaise décision n’était « pas de sa faute » parce que c’était écrit…  La peur n’a jamais fait croître une société; la peur de la non-éthique relève de la même logique.

Afin de réduire cette peur, les gouvernements et les chefs d’entreprises devraient cesser de promouvoir le manque d’éthique ou d’enseigner « comment ne pas mal faire » et plutôt diriger leurs enseignement sur le « pourquoi Bien Faire ».  Cessez de faire peur, d’avoir peur, inspirez par le Bien plutôt que par la crainte de la sanction.  L’éthique sera toujours affaire de « Bien Faire », elle ne saurait être réduite à une obsession de « ne pas mal faire » ou à une dynamique de « surveiller et punir ».

Ainsi, à la demande de « tracer une ligne entre mal faire et Bien Faire » il faut plutôt répondre par la nécessité de construire un espace entre les pôles « Bien faire » et « mal faire ».  Devant la complexité de la société moderne, tracer une ligne est illusoire.  Décider « Quoi Faire pour Bien Faire » est affaire de réflexion, pas de traçage de ligne.

Dans cet esprit, cessez de penser « à tracer la ligne », cessez de vous demander « si c’est déjà écrit »; délimitez l’espace éthique et occupez-le.  Cet espace, à construire, se situera entre l’obsession et la négligence éthique, entre un « trop » et un « trop peu », qui sont tous deux des fautes.

En affaire d’éthique, c’est la justesse de la pensée et celle de l’action qui comptent.  Pas l’obsession, ni la négligence…même si elles sont éthique…

N’en déplaise à certains.

*  *

*

 

Le sublime n’est pas le fruit du hasard.

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« Bof » n’est pas un signe de culture…

Le désir est la moitié de la vie. L’indifférence est la moitié de la mort.

– Khalil Gibran

Ils savaient si bien ce qu’ils avaient à se dire qu’ils se taisaient, de peur de l’entendre.

–  Benjamin Constant

De déboires en scandales l’éthique, ou ce que l’on appelle « éthique », ne quitte pas la première page des journaux.

Bien évidemment, et nous l’avons affirmé maintes fois, lorsqu’une culture ne se démarque pas on ne la remarque pas, on n’en remarque que les manquements.  Force est de constater que, depuis déjà trop longtemps, ces manquements vont croissants au point de devenir impossible à inventorier. Ces manquements, en plus d’être des dommages à l’éthique, sont aussi des manquements à la culture politique ou au pacte social. C’est dire ici qu’afin de remédier aux manquements éthiques il faudra avant tout poser un regard sur la culture actuelle, sur cette culture qui fait primer l’individu sur la société, sur celle culture qui privilégie le court au long termes, sur la culture qui prends soin de l’autre et sur celle qui s’en fout. Lorsqu’il n’y a plus de culture, on appelle « culture » que ce qu’il y a.

L’oublie en guise de culture ?

Avant d’aller plus loin, il faut prendre garde à ne pas confondre les acceptions du mot « culture »; on ne parle pas ici de « l’industrie culturelle » ou de celle du divertissement, on parle de la culture au sens strict et des éléments qui caractérisent une population ou un peuple.  Nous proposons de réfléchir sur les éléments qui nous permettraient ou nous donneraient envie de mieux vivre-ensemble mais, surtout, sur ces éléments qui permettraient d’envisager de  répondre à la question : « pourquoi tenir demain une promesse faite aujourd’hui »?  Soyons réalistes, en 2012, le plus grand manquement à l’éthique est celui de l’usage et de  la banalisation du mensonge dans l’espace public par les personnalités publiques. Lorsque tous mentent, rien ne va plus… Lorsque ceux qui devraient servir de phares, d’exemples, mentent, l’indifférence et le cynisme s’installent…

Éclairons un peu cette situation en la mettant en perspective.

Le mensonge, pour le définir en peu de mots, est une affirmation qui permet au menteur de faire croire au menti un énoncé en lequel il ne croirait pas lui même.  Le mensonge amène sa victime à faire ce qu’elle n’aurait pas choisi de faire si elle avait su.  En empêchant de savoir, le mensonge ronge inexorablement le socle de la confiance nécessaire au maintien et à la cohésion du groupe social.  De plus, la banalisation du mensonge entraîne dans son sillage une méfiance collective qui réduit le groupe à un assemblage d’individus, le mensonge accélère la marche vers l’individualisme.  Le rassemblement que constituait autrefois le groupe social se mue en un assemblage d’individus qui, bien que constituant un groupe, n’est plus qu’un ensemble flou d’individus sans structure morale collective. Les risques sont grands à confondre assemblage et rassemblement.

Et c’est justement dans le cadre de cet assemblage hétéroclite, dans cet assemblage d’individus, que l’on ne trouve plus pertinent ou que l’on oublie même de se demander : « est-ce que ma décision est bonne pour le groupe »?  Malheureusement, trop de gens, trop de citoyens répondent trop souvent à cette question en se disant « tant que c’est bon pour moi, ça va »,  ou, pire encore, répondent par un « bof… » sonore. Et ce sont ces trois lettres mises ensemble, ce « bof… », cette insouciance de l’autre qui résulte en de nombreux manquements à l’éthique. On manque à l’éthique, on manque à la culture parce que l’on choisit d’oublier, d’oublier les autres et, parfois même, de s’oublier. Si l’erreur est une faute, l’oubli l’est tout autant.   « Les individus sont-ils « plus mauvais » ou « moins éthiques » qu’auparavant? », me demande t-on souvent.  Pas forcément.  Il y a cependant un nombre croissant de gens qui répondent « bof » sans réfléchir (pourquoi réfléchir?) et passent à la prochaine question sans s’interroger davantage… La somme de ces absences d’interrogations, de ces oublis sont tragiques en société.

Ce sont notamment les conséquences de cette « bofisation » de la société, de ces non-interrogations et de ces oublis qui contribuent à l’accroissement de l’individualisme pervers et qui empêche de répondre adéquatement à la question « pourquoi tiendrais-je demain une promesse faite aujourd’hui ?» On ne répond plus à cette question parce que l’on ne se la pose plus…on a oublié…

« Ëtre bon, c’est les autres », semble-t-on dire dorénavant…

Il faut comprendre que cette « bofisation » de la société, ce désintérêt pour l’autre et cet oubli sont intenables et que ce n’est pas avec une loi sur l’éthique, qui n’énonce, après tout qu’un seuil minimal, ni avec quelques formations en éthique données furtivement aux élus ou encore par la dénonciation sans fin d’actes répréhensibles ou insignifiants par quelques uns que la situation va d’elle-même s’améliorer.  Ce serait rêver… Pour que la situation s’améliore, il faudra y mettre du « soi », il faudra choisir de cesser d’oublier.  La solution à cette problématique passe nécessairement par la conviction que « vivre-ensemble » est important et que dans l’état actuel des choses, ce « vivre-ensemble » est compromis ou en danger.  Il faut que chacun réinvestisse, se réinvestisse et réintègre la société.

Par où commencer?

Saluez votre voisin, écoutez votre collègue de travail, écrivez à votre député, refusez les explications toutes faites et les idées reçues qui vous sont présentées chaque jours, exercez votre esprit critique, intéressez-vous à ce qui se passe en société, lisez mais, surtout, souvenez-vous et cessez de dire « bof » à la vie… qui est parfois si belle…

L’indifférence est l’antichambre du cynisme…

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La RSE Nord-Africaine

Ceci est le texte de l’allocution d’un de nos membres les plus émérites, René Villemure, présentée le 27 mars 2012  à Tunis lors du  1er Forum International sur la RSE en Tunisie.

La RSE et son importance dans le contexte mondial actuel

La RSE ? Certes. Mais quelle RSE ?

Il n’y a jamais eu, et il n’y aura jamais, de RSE sans réflexion.

Si cela va sans dire…cela ira encore mieux en le disant…

Bien que le sujet soit sur toutes les lèvres, on utilise la RSE et l’éthique plus souvent qu’autrement afin de justifier des normes.  Au lieu d’inspirer, on tente de contrôler le comportement en surveillant, en comparant les conduites avec des textes figés et en punissant, ce qui ne constitue pas, d’emblée, des gestes éthiques.  De fait, l’éthique et la RSE, malgré leur notoriété, demeurent mal connues et mal comprises.

Considérant que la notoriété du sujet n’égale pas sa connaissance, j’aimerais vous présenter, en quelque minutes, ce qu’est réellement l’éthique, ce qu’elle n’est pas, puis, enfin de faire le lien avec la RSE, tant la RSE « attendue » que la RSE à inventer dans le cadre de ce Forum.

Même si plusieurs abusent du terme « éthique » et si, en conséquence, celui-ci est de plus en plus « connu », posons la question : malgré sa notoriété, sait-on réellement ce qu’est l’éthique ou ne sommes-nous qu’en mesure d’en déplorer le manque?

L’éthique, et c’est curieux, est l’un de ces sujets que tous semblent vouloir s’approprier sans pour autant en comprendre les exigences ou la portée.  Écoutons les conversations et nous pourrons entendre parler de l’éthique du football et même de l’éthique de ceux qui travaillent fort…  Tout dire sans rien dire…

Ainsi, et c’est incontestable, le sujet de l’éthique est connu mais, s’y arrête-t-on vraiment ?

L’éthique n’a pas la vie facile, elle est souvent masquée par tout ce qui se prend pour elle…c’est la raison pour laquelle on entend plus souvent parler  de « codes d’éthique », c’est-à-dire d’impératifs à suivre absolument sous peine de sanctions.  La RSE « attendue » relève de la même logique, celle de la surveillance.  Cette conception, fort populaire, est cependant réductrice. Elle réduit le « Bien Faire » à l’obéissance…

Ces codes maladroitement appelés « codes d’éthique » relèvent, au sens strict, de la déontologie, c’est-à-dire d’un « discours sur le devoir ».  La déontologie est une pratique normative qui se penche sur son passé, que l’on croit immuable, et qui, souvent, n’aime point son présent.  C’est la raison pour laquelle elle propose d’ajuster le comportement présent au passé jugé « idéal ».  La RSE « classique » dit la même chose…

En situation de décision, le déontologue ou le spécialiste de la RSE « attendue » tentent patiemment de rapprocher rigoureusement la situation en présence du texte original afin de restituer à la situation actuelle la perfection du texte original sans nécessairement tenir compte du contexte ou de l’irrégularité de la situation.  La déontologie est une pratique patiente et mesurée de comparaison avec un texte figé…figé dans le passé, bien sur… La RSE « classique » aussi…

Enfin la déontologie, pour qui n’existent que les cas les plus fréquemment rencontrés, elle inspire par la crainte, elle définit ce qui est « mal », ce qui est interdit, elle recherche la faute par rapport à un texte fondateur jugé parfait. La RSE « attendue »  aussi…

L’éthique, de son côté, est une pratique évaluative fondée sur des valeurs en vue de l’atteinte d’une finalité jugée « bonne »; elle est plus soucieuse du « bien dans les circonstances » que de la conformité systématique à une règle figée.  L’éthique se soucie de la  décision à prendre avec justesse, dans un contexte irrégulier, malgré l’incertitude et tout en considérant que le juste, en soi, est une cible fuyante.  « Que nous incombe-t-il donc de faire dans les circonstances » demande l’éthique.

L’éthique doit être comprise comme étant un exercice réflexif qui résulte d’une certaine prise de conscience collective, d’un désir de faire autrement, d’un ambition de faire « mieux » au niveau moral.  On pourrait parler ici « d’articulation vertueuse » du développement durable par les entreprises.

L’éthique peut-être comparée à une œuvre d’art qui appartient à une époque ou à un peuple; une décision éthique appartiendra toujours à un contexte, à un moment spécifique dans l’espace et dans le temps.  Et tout comme dans le domaine de l’art où les « connaisseurs », nombreux, évaluent la technique, l’éthique a ses faux experts, tout aussi nombreux, qui rédigent des codes standardisés tout en n’ayant peu de souci pour l’éthique en soi ou pour le sentiment artistique de l’éthique. On parle alors « d’éthique irresponsable ».

La RSE qui doit être imaginée et conçue au cours de ce forum devra donc être une « RSE Nord-Africaine » et non pas la reproduction ou une adaptation facile de la RSE « attendue »  concept pensé par d’autres, pour d’autres.

* * *

Lorsqu’on évoque l’éthique dans le cadre d’une réflexion sur une RSE Nord-Africaine il faut savoir que l’éthique est affaire de culture, tant celle d’une organisation, d’une société, d’un mouvement ou d’un peuple.  Elle doit s’appuyer sur des valeurs communes qui devront être claires, praticables et partagées; ces valeurs devront éclairer et éviter de recouvrir ce qui doit être fait par ce qui peut être dit.

L’éthique et la RSE sont affaire de culture et il faut rappeler qu’une culture ne se change pas, elle ne peut que migrer. Lentement.

La migration culturelle, la migration éthique, ou la migration vers une RSE Nord-Africaine est la prise en compte d’un désir de transformation qui permettra de faire le lien entre « pas de RSE », la RSE « attendue », sans liens culturels réels et la RSE Nord-Africaine. C’est cette RSE Nord-Africaine qui permettra de faire le lien entre le durable et le court terme, la création de valeurs et le gaspillage, le collectif et l’individuel.

Il faut influencer la culture actuelle de vos environnements  vers une culture RSE Nord-Africaine parce qu’actuellement la culture de plusieurs organisation ou sociétés présente en Afrique du nord ne se démarque pas, ainsi, on ne la remarque pas… on n’en remarque que les manquements. Ce qui est déplorable et insuffisant pour permettre à vos environnements d’éclore sur le plan éthique.

Et ce sont ces mêmes manquements qui font que l’on ne parle d’éthique qu’en termes de conflits, de fraude ou d’abus; ce sont ces mêmes manquements qui font que l’on parle de RSE en termes de non-conformité, d’abus ou de problème.

Pas très inspirant, il faut l’avouer…

N’auriez-vous pas le goût que l’on fasse référence à la RSE  dans un contexte qui lui est propre plutôt qu’à titre de béquille destinée à surveiller et à punir ?  Bien Agir me semble plus inspirant que « ne pas mal faire ».

La RSE Nord-Africaine exigera de ses acteurs qu’ils puissent évoluer dans un cadre plus large, qu’ils puissent élever leur regard et apprécier la complexité d’un monde en changement.  Le réflexe traditionnel d’automatisme dans les gestes de gestion ou de gouvernance perdra de sa pertinence. Dans le monde de la RSE Nord-Africaine, Voir autrement et penser autrement ne seront plus des alternatives, ce seront des nécessités.

Dans cet effort, plusieurs dangers nous guettent. Je ferai mention du principal danger, celui de la récupération de la RSE par les opportunistes qui seront tentés d’en faire une « RSE de vitrine »… Une éthique de vitrine, une esthétique qui préfèrera le confort de Bien paraître aux exigences de Bien faire.  En matière d’éthique et de RSE Nord-Africaine, la vigilance sera de mise.

L’éthique et la RSE Nord-Africaine ne seront jamais l’aboutissement logique de bonnes intentions.  Elles seront le résultat de réflexion et de proposition fondées sur le sens et sur des valeurs telles la justesse, le respect et la vigilance.

Ces trois valeurs représentent un horizon moral souhaitable d’une RSE à visage humain, d’une RSE Nord-Africaine…

Les ingrédients mystères ? Le temps et la réflexion… ce que nous sommes à faire ici ce matin…

Nous sommes non ce que nous choisissons d’être une fois pour toutes mais ce que nous choisissons de faire à chaque instant

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Certains concepts nous suivent de si près que l’on oublie parfois, d’en préciser le sens…

Plusieurs d’entre vous m’ont écrit suite à la publication du Bulletin Réflexif « La RSE Nord-Africaine » afin de me demander ce qu’était la « RSE ».

Il est vrai que le terme est surtout utilisé en Europe, en Afrique et très peu au Québec.  Les pays anglo-saxons font référence au « CSR », « corporate social responsibility ».

Selon Wikipedia :

« La responsabilité sociétale (ou sociale) des entreprises (RSE) est un « concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire ».

Énoncé plus clairement et simplement, c’est « la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable ». À noter qu’en 2010 le Ministère français de l’Ecologie, de l’Energie et du Développement Durable emploie le terme de responsabilité « sociétale », jugé plus large et plus pertinent que « responsabilité sociale ».

(…)

La RSE est donc la déclinaison pour l’entreprise des concepts de développement durable, qui intègrent les trois piliers environnementaux, sociaux, et économiques. Elle a été à l’ordre du jour du sommet de la Terre de Johannesburg en 2002, auquel ont participé de grandes entreprises, en particulier françaises, des secteurs de l’environnement et de l’énergie.

En Belgique, le terme responsabilité sociétale des entreprises est utilisé plutôt que responsabilité sociale des entreprises (traduction directe de l’anglais corporate social responsibility) qui pourrait omettre le pilier environnemental ».

Le Premier forum international sur la RSE en Tunisie a fait l’objet d’une importante couverture média, tant électroniques qu’écrits.  Parmi les articles intéressants :

Tunisie : Qu’en est-il de la responsabilité sociétale des entreprises?

Tunisie : Vers la création d’un label « Responsabilité sociale des entreprises ».

Je remercie tous ceux qui ont pris le temps de me demander ces précisions.

René Villemure

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Comprendre et croire comprendre

Croire comprendre est un état bien dangereux – Paul Valéry.

Toute l’appréciation d’une situation, tant politique, professionnelle que personnelle provient de la distinction entre les concepts de « comprendre » et de « croire comprendre »…

Celui qui comprend est celui qui peut saisir l’ensemble (cum et prehende, en latin), celui qui sait sage de prendre une distance, celui qui sait, parce qu’il recherche l’ensemble, qu’il doit prendre un pas de recul afin d’admirer la perspective, l’ensemble du panorama, afin de le saisir, de le comprendre.

La vue d’ensemble d’une situation permet d’apprécier chaque détail et lui donnant sa juste place.  Sans excès.  Sans insuffisance. La juste place (dans l’ensemble) est celle de l’équilibre, celle où les pièces prennent sens et donnent un sens.

À l’opposé, celui qui croit comprendre regarde les pièces pêle-mêle, sans savoir ou sans pouvoir apprécier le fait que les pièces composent un camion, un édicule ou un arbre. La personne qui croit comprendre se demande sans cesse « comment » arranger les pièces sans égard à la finalité de l’ensemble, qui lui est étrangère.

La personne qui comprend sait « pourquoi » les pièces s’agencent, elle peut apprécier la finalité du projet et ainsi le réaliser.  Sans comprendre, sans la capacité à saisir l’ensemble, la personne qui croit comprendre ne saura jamais si son projet est en cours ou s’il est surachevé.  La personne qui croit comprendre ne comprend pas.

La distinction entre « croire comprendre » et « comprendre » est la même que celle qui existe entre le technicien de l’art et l’artiste.  Le premier sait « comment faire », le second sait, en plus, « pourquoi faire »…

Ceux qui comprennent donnent du sens au monde et le rendent plus beau…

Chercher à comprendre, c’est commencer à désobéir – Jean-Michel Wyl.

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Code éthique de la Ville de Montréal

C’est sans tambour ni trompette que la Ville de Montréal adoptera discrètement lundi prochain la nouvelle mouture de son code d’éthique et de conduite à l’intention des membres du conseil.

C’est dans le sillage de la loi 109 sur l’éthique et la déontologie dans le milieu municipal, qui oblige les municipalités à adopter ou à réviser leur code d’éthique, que la ville de Montréal a choisi de suivre la lettre de la loi et a procédé à quelques améliorations à son code précédent adopté en 2009.
Il est étonnant que la Ville de Montréal, qui ne cesse de clamer haut et fort son caractère unique, qui tente de convaincre qu’elle est une métropole de la culture et qui rabâche constamment sa volonté d’innovation se soit simplement satisfaite d’un code qui n’a d’éthique que le nom, qui est tout à fait semblable aux autres codes des autres municipalités québécoises, qui ne reflète en rien sa culture propre et qui n’innove pas.  À sa lecture, le code d’éthique de la Ville de Montréal pourrait tout aussi bien être celui de n’importe quelle municipalité.
De plus le code proposé, fort en interdictions de toutes sortes, réduit l’éthique à l’obéissance tout en négligeant que celle-ci a comme ambition de « Bien faire » et dépasse largement le seuil de « ne pas mal faire ».  Certes, on y mentionne bien quelques valeurs en introduction mais force est de constater que celles-ci sont traitées comme des lieux communs sans aucune précision et qu’elles n’influencent en rien les nombreuses interdictions du code.  Il importe de savoir que l’éthique est une recherche et un questionnement sans cesse reconduits, qui se résument au fond à cette simple question : « Quoi faire pour bien faire ? » – quand le code, coupant court au questionnement, donne plutôt une réponse : « Vous devez (faire ceci) » ; « Vous ne devez pas (faire cela) ».
L’éthique est affaire de culture et il faut rappeler qu’une culture ne se change pas seulement par la publication d’un code.  L’éthique a comme tâche de favoriser l’éclosion d’une culture qui inspirera les élus, pas de les infantiliser.

Actuellement, la culture éthique de la Ville de Montréal ne se démarque pas, ainsi, on ne la remarque pas… on n’en remarque que les manquements. Ce sont d’ailleurs ces mêmes manquements qui font que l’on ne parle d’éthique qu’en termes de conflits, d’allégations de fraudes ou d’abus.

Dans son état actuel, le code d’éthique de la Ville de Montréal lui permettra d’affirmer qu’elle a bien suivi les recommandations imposées par la loi 109.  Mais, soyons honnêtes, ce n’est pas en se satisfaisant de simplement  « suivre » qu’une ville peut grandir.

L’éthique sans les valeurs, c’est de la pub…

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L’économie mauve, par René Villemure

Ceci est le texte de l’allocution de René Villemure sur l’économie mauve, présentée le 11 octobre 2011 à l’Espace Pierre-Cardin à Paris dans le cadre du 1er Forum international sur l’économie mauve, événement pionnier et fondateur auquel nous participions et dont nous nous sommes déjà fait l’écho à plusieurs reprises.

Il n’y a jamais eu, et il n’y aura jamais, d’éthique sans réflexion.

Si cela va sans dire…cela ira encore mieux en le disant…

Bien que le sujet soit sur toutes les lèvres, on utilise l’éthique plus souvent qu’autrement afin de justifier des normes.  Au lieu d’inspirer, on tente de contrôler le comportement en surveillant en en punissant, ce qui ne constitue pas des gestes éthiques.  De fait, l’éthique est mal connue et mal comprise.

Considérant que la notoriété du sujet n’égale pas sa connaissance, j’aimerais vous présenter, en quelque minutes, ce qu’est réellement l’éthique, ce qu’elle n’est pas, puis, enfin de faire le lien avec les enjeux et les responsabilités de l’économie mauve.

Même si plusieurs abusent du terme « éthique » et si, en conséquence, celui-ci est de plus en plus « connu », posons la question : malgré sa notoriété, sait-on réellement ce qu’est l’éthique ou ne sommes-nous qu’en mesure d’en déplorer le manque ?

L’éthique, et c’est curieux, est l’un de ces sujets que tous semblent vouloir s’approprier sans pour autant en connaître le sens, en comprendre les exigences ou la portée.  Écoutons les conversations et nous pourrons entendre parler de l’éthique du football et même de l’éthique de ceux qui travaillent fort…  Tout dire sans rien dire…

Ainsi, et c’est incontestable, le sujet de l’éthique est connu mais, s’y arrête-t-on vraiment ? Je ne crois pas.

L’éthique n’a pas la vie facile, elle est souvent masquée par tout ce qui se prend pour elle… c’est la raison pour laquelle on entends plus souvent parler  de « codes d’éthique », c’est-à-dire d’impératifs à suivre absolument sous peine de sanctions.  Cette conception, fort populaire, est cependant réductrice. Elle réduit le « Bien Faire » à l’obéissance…

Ces codes maladroitement appelés « codes d’éthique » relèvent, au sens strict, de la déontologie, c’est-à-dire d’un « discours sur le devoir ».  La déontologie est une pratique normative qui se penche sur son passé, que l’on croit immuable, et qui, souvent, n’aime point son présent.  C’est la raison pour laquelle elle propose d’ajuster le comportement présent au passé jugé « idéal ».

En situation de décision, le déontologue tente patiemment de rapprocher rigoureusement la situation en présence du texte original afin de restituer à la situation actuelle la perfection du texte original sans nécessairement tenir compte du contexte ou de l’irrégularité de la situation.  La déontologie est une pratique patiente et mesurée de comparaison avec un texte figé…figé dans le passé, bien sur…

Enfin la déontologie, pour qui n’existent que les cas les plus fréquemment rencontrés, relève de la logique du « surveiller et punir », elle inspire par la crainte, elle définit ce qui est « mal », ce qui est interdit, elle recherche la faute par rapport à un texte fondateur jugé parfait.

L’éthique, de son côté, est une pratique évaluative fondée sur des valeurs en vue de l’atteinte d’une finalité jugée « bonne »; elle est plus soucieuse du « bien dans les circonstances » que de la conformité à une règle figée. L’éthique se soucie de la décision à prendre avec justesse, dans un contexte irrégulier, malgré l’incertitude et tout en considérant que le juste, en soi, est une cible fuyante.  « Que nous incombe-t-il donc de faire dans les circonstances » demande l’éthique.

L’éthique doit être comprise comme étant un exercice réflexif qui résulte d’une certaine prise de conscience collective, d’un désir de faire autrement, d’un ambition de faire « mieux » au niveau moral.  L’économie mauve parle ici « d’articulation vertueuse ».

L’éthique peut-être comparée à une œuvre d’art qui appartient à une époque ou à un peuple; une décision éthique appartiendra toujours à un contexte, à un moment spécifique dans l’espace et dans le temps.  Et tout comme dans le domaine de l’art où les « connaisseurs », nombreux, évaluent la technique, l’éthique a ses faux experts, tout aussi nombreux, qui rédigent des codes standardisés tout en n’ayant peu de souci pour l’éthique en soi, pour le sentiment artistique de l’éthique. On parle alors « d’éthique irresponsable ».

Lorsqu’on évoque l’éthique dans le cadre de l’économie mauve, il faut savoir que l’éthique est affaire de culture, tant celle d’une organisation, d’une société, d’un mouvement ou d’un peuple.  Elle doit s’appuyer sur des valeurs communes qui devront être claires, praticables et partagées; ces valeurs devront éclairer et éviter de recouvrir ce qui doit être fait par ce qui peut être dit.

L’éthique est affaire de culture et il faut rappeler qu’une culture ne se change pas, elle migre. Lentement.

La migration culturelle, la migration éthique, ou la migration vers une économie mauve est la prise en compte d’un désir de transformation qui permettra de faire le lien entre « pas d’éthique », l’éthique déontologique et l’éthique en soi; qui permettra de faire le lien entre « le durable et le court terme, la création de valeurs et le gaspillage, le collectif et l’individuel, l’éthique et l’irresponsabilité ».

Il faut influencer la culture vers une culture « éthique plus » (ou une culture plus mauve) parce qu’actuellement la culture de plusieurs organisation, sociétés mouvements ou peuples ne se démarque pas, ainsi, on ne la remarque pas… on n’en remarque que les manquements. Ce qui est déplorable.

Et ce sont ces mêmes manquements qui font que l’on ne parle d’éthique qu’en termes de conflits, de fraude ou d’abus.  Pas très inspirant, il faut l’avouer…

N’auriez-vous pas le goût que l’on fasse référence à l’éthique dans un contexte qui lui est propre plutôt qu’à titre de béquille destinée à surveiller et à punir ?  Bien Agir me semble plus inspirant que « ne pas mal faire ».

Cessons d’écouter les faiseurs de règles, les faiseurs d’images et les faiseurs tout court et réfléchissons sincèrement à l’éthique et aux valeurs; cessons de fonctionner par l’absurde en appelant « éthique » ce qui ne l’est pas.  Faisons un effort afin de mieux connaître ce qu’est l’éthique, l’appréciation éthique, le développement durable éthique, la RSE éthique, les choix éthiques… et l’économie mauve éthique…

La société de l’économie mauve exigera de ses acteurs qu’ils puissent évoluer dans un cadre plus large, qu’ils puissent élever leur regard et apprécier la complexité d’un monde en changement.  Le réflexe traditionnel d’automatisme dans les gestes de gestion ou de gouvernance perdra de sa pertinence. Dans le monde de l’Économie mauve, Voir autrement et penser autrement ne seront plus des alternatives, ce seront des nécessités.

Dans cet effort, plusieurs dangers nous guettent. Je ferai mention du principal danger, celui de la récupération de l’économie mauve par les opportunistes qui seront tentés d’en faire une « économie mauve pâle »… Une éthique de vitrine, une esthétique qui préférera le confort de Bien paraître aux exigences de Bien faire.  En matière d’éthique et d’économie mauve, la vigilance est de mise.

L’éthique et l’économie mauve ne seront jamais l’aboutissement logique de bonnes intentions.  Elles seront le résultat de réflexion et de proposition fondées sur le sens et sur des valeurs telles l’impartialité, le respect et la vigilance.

Ces trois valeurs représentent un horizon moral souhaitable d’une mondialisation à visage humain.


Les ingrédients mystères ? Le temps et la réflexion… ce que nous sommes à faire ici ce soir…

Nous sommes non ce que nous choisissons d’être une fois pour toutes mais ce que nous choisissons de faire à chaque instant

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Là où les autres passent, je m’arrête

Il faut faire du sentiment de soi la source de son style.

Même si plusieurs abusent du terme « éthique » et si, en conséquence, celui-ci est de plus en plus « connu », posons la question : Malgré sa notoriété, sait-on réellement ce qu’est l’éthique ou ne sommes-nous qu’en mesure d’en déplorer le manque ?

L’éthique, et c’est curieux, est l’un de ces sujets que tous semblent vouloir s’approprier sans pour autant en connaître le sens, en comprendre les exigences ou la portée. Écoutons les conversations et nous pourrons entendre parler de l’éthique du golf et même de l’éthique de celui qui travaille fort dans les coins. Tout dire sans rien dire…

Ainsi, et c’est incontestable, le sujet de l’éthique est connu mais, s’y arrête-t-on vraiment? Je ne crois pas.

L’éthique n’a pas la vie facile, elle est souvent masquée par tout ce qui se prend pour elle…

Ainsi, dans son sens le plus fréquemment rencontré, on utilise l’éthique pour justifier des normes, on parle alors de « codes d’éthique », c’est-à-dire d’impératifs à suivre absolument sous peine de sanctions. Cette conception, fort populaire, est cependant réductrice. Elle réduit le « Bien Faire » à l’obéissance…

Ces codes maladroitement appelés « codes d’éthique » relèvent, au sens strict, de la déontologie, c’est-à-dire d’un « discours sur le devoir ». La déontologie est une pratique normative qui se penche sur son passé, que l’on croit immuable, et qui, souvent, n’aime point son présent. C’est la raison pour laquelle elle propose d’ajuster le comportement présent au passé jugé « idéal ».

En situation de décision, le déontologue tente patiemment de rapprocher rigoureusement la situation en présence du texte original afin de restituer à la situation actuelle la perfection du texte original sans nécessairement tenir compte du contexte ou de l’irrégularité de la situation. La déontologie est une pratique patiente et mesurée de comparaison avec un texte figé.

Enfin la déontologie, pour qui n’existent que les cas les plus fréquemment rencontrés, relève de la logique du « surveiller et punir », elle inspire par la crainte, elle définit ce qui est « mal », ce qui est interdit, elle recherche la faute par rapport à un texte fondateur jugé parfait.

L’éthique, de son côté, est une pratique évaluative fondée sur des valeurs en vue de l’atteinte d’une finalité jugée « bonne »; elle est plus soucieuse du « bien dans les circonstances » que de la conformité à une règle figée. L’éthique se soucie de la décision à prendre avec justesse, dans un contexte irrégulier, malgré l’incertitude et tout en considérant que le juste, en soi, est une cible fuyante. « Que nous incombe-t-il donc de faire dans les circonstances » demande l’éthique.

L’éthique doit être comprise comme étant un exercice réflexif qui résulte d’une certaine prise de conscience collective, d’un désir de faire autrement, d’un ambition de faire « mieux » au niveau moral.

L’éthique peut-être comparée à une œuvre d’art qui appartient à une époque ou à un peuple; une décision éthique appartient à un contexte, à un moment spécifique dans l’espace et dans le temps. Et tout comme dans le domaine de l’art où les « connaisseurs », nombreux, évaluent la technique, l’éthique a ses faux experts, tout aussi nombreux, qui rédigent des codes standardisés tout en n’ayant peu de souci pour l’éthique en soi, pour le sentiment artistique de l’éthique.

* * *

L’éthique est affaire de culture, tant celle d’une organisation, d’une société ou celle d’un peuple. Elle doit s’appuyer sur des valeurs communes qui devront être claires et praticables; ces valeurs devront éclairer et éviter de recouvrir ce qui ce qui doit être fait par ce qui peut être dit.

L’éthique est affaire de culture et il faut rappeler qu’une culture ne se change pas, elle migre. Lentement.

La migration culturelle, la migration éthique, est la prise en compte d’un désir de transformation qui permettra de faire le lien entre « pas d’éthique », l’éthique déontologique et l’éthique en soi.

Il faut influencer la culture vers une culture « éthique plus » parce qu’actuellement la culture de plusieurs organisation, sociétés ou peuples ne se démarque pas, ainsi, on ne la remarque pas… on n’en remarque que les manquements. Ce qui est déplorable.

Et ce sont ces mêmes manquements qui font que l’on ne parle d’éthique qu’en termes de conflits, de fraude ou d’abus. Pas très inspirant, il faut l’avouer…

N’auriez-vous pas le goût que l’on fasse référence à l’éthique dans un contexte qui lui est propre plutôt qu’à titre de béquille destinée à surveiller et à punir? Bien Agir me semble plus inspirant que « ne pas mal faire ».

Cessons d’écouter les faiseurs de règles, les faiseurs d’images et les faiseurs tout court et réfléchissons sincèrement à l’éthique et aux valeurs; cessons de fonctionner par l’absurde en appelant « éthique » ce qui ne l’est pas. Faisons un effort afin de mieux connaître ce qu’est l’éthique, l’appréciation éthique, le développement durable éthique, la RSE éthique, les choix éthiques….

Au pouvoir du monde, je n’ai rien à opposer que moi-même.

 

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Bien faire ou bien paraître ?

Les volontés faibles se traduisent par des discours; les volontés fortes par des actes.

– Gustave Lebon

Monsieur Jacques St-Laurent est récemment devenu le premier Commissaire à l’éthique et à la déontologie du Québec. Sa mission est d’appliquer le code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée Nationale du Québec. Le poste de commissaire est réputé être indépendant et neutre. Je crois qu’il est essentiel de bien comprendre par rapport à « quoi » le commissaire est indépendant et par rapport à « qui » sa neutralité devra être évaluée.

La multiplication des fonctions de commissaires, de surveillance ou de contrôle dans l’administration publique prend son origine dans les années 1980 en Amérique. Certains affirment que c’est la faiblesse des administrations et leur volonté de changement qui a présidé à leur apparition. À cette époque, déjà, les citoyens étaient devenus méfiants des élus, soupçonnant ces derniers de partialité indue, brisant de cette manière le socle de la légitimité des parlementaires. Les fonctions de « surveillants » sont ainsi nées du désir du législateur de solidifier le fondement de sa légitimité mise à mal au fil des années. Au Québec, l’adoption du code d’éthique et de déontologie puis la nomination subséquente du commissaire à l’éthique s’inscrit dans ce mouvement de renforcement de légitimité des parlementaires et du gouvernement.

Ceci étant dit, quelques questions importantes s’imposent. Que pourra faire le commissaire à l’éthique alors que le citoyen est de plus en plus cynique devant les initiatives gouvernementales, surtout celles en matière d’éthique? Comment le commissaire pourra-t-il justifier l’existence même de sa fonction? Comment le commissaire pourra-t-il augmenter la confiance des citoyens envers les politiciens? Car, c’est bien de la confiance et de la légitimité dont il s’agit ici… Examinons quelques pistes de solutions.

Sachons, avant tout, que le commissaire à l’éthique est réputé être indépendant des pouvoirs publics. Cette indépendance s’illustre par la relative inamovibilité du commissaire et par l’absence de redevabilité quant à sa nomination qui a été approuvée à l’unanimité par les parlementaires. L’inamovibilité et l’absence de redevabilité représentent les garanties d’indépendance du commissaire. Cependant, il faut bien comprendre que c’est la fonction de commissaire qui est indépendante des pouvoirs publics et que cette indépendance de fonction ne représente pas une garantie d’impartialité des actions ou des décisions prises par le commissaire. L’impartialité (des décisions prises) doit être distinguée de l’indépendance (de fonction). Au fil du temps, l’impartialité du commissaire devra s’illustrer par sa capacité, devant une problématique, à choisir une voie ou une autre sans avoir les mains liées par une partie ou une autre. La personne impartiale est libre et possède la capacité de choisir en fonction du Bien public alors que la personne partiale choisira plutôt en fonction d’autres intérêts ou critères, quels qu’ils soient.

Dans le cas du commissaire à l’éthique où les attentes sont élevées, son impartialité devra s’exercer de manière pratique, réelle, et devra être démontrable dans le traitement qu’il fera des cas qui lui seront soumis. L’impartialité, contrairement à la neutralité, est une affaire de contexte, d’appréciation et de jugement. Le commissaire à l’éthique devra démontrer de manière incontestable que ses décisions favorisent le Bien public.

Le commissaire à l’éthique devra donc construire sa propre légitimité par sa capacité, ou non, à inspirer la conduite des parlementaires et à obliger ses derniers à se conformer au propre code d’éthique et de déontologie qu’ils se sont donné. Le commissaire devra enfin être en mesure de démontrer la rigueur de son argumentation de manière transparente afin que les citoyens puissent retrouver cette confiance qui fait actuellement cruellement défaut. Ce n’est qu’à ce prix, celui de la confiance retrouvée, que la fonction de commissaire à l’éthique deviendra elle-même légitime. On ne saurait mieux dire que Pierre Rosanvallon qui, dans l’ensemble de son œuvre, appelle cette exigence « l’extériorisation d’exemplarité », c’est-à-dire l’apparence de justice au-delà de la justice elle-même.

Ainsi comprise, l’impartialité du Commissaire à l’éthique deviendra elle-même une forme de « Bien public » qu’il conviendra de protéger.

Le défi est de taille. Mais rien n’est impossible.

 

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L’impartialité, la neutralité et l’illusion de justice

La neutralité est un mensonge. Il n’y a pas d’État sans doctrine d’État.

– Charles Maurras

Dans une rencontre entre collègues, demandez lequel des mots « partialité » ou « impartialité » leur semble le plus « éthique ».

Vous entendrez fuser les réponses disant que l’impartialité est préférable à la partialité. Poursuivez l’exercice en demandant aux mêmes collègues « qu’est-ce que l’impartialité » et, de manière prévisible, vous les entendrez énoncer la définition de la neutralité… On dit habituellement de l’impartialité qu’elle est l’absence de partis pris. Bien que valable, cette affirmation est incomplète. Voyons pourquoi.

Comme l’éthique en général, l’impartialité est un concept connu mais qui demeure mal compris, on le confond souvent avec la neutralité, c’est une des raisons pour laquelle l’impartialité est mise à mal depuis quelques mois. La rumeur et le bruit ambiant suggèrent que les décisions prises par nos gouvernants ne sont pas impartiales, qu’elles sont plutôt partiales et, conséquemment, injustes, confondant de fait la partialité avec la partisanerie. Qu’en est-il des concepts de partialité, d’impartialité et de justice? Ces concepts sont-ils conciliables ou s’opposent-ils de manière absolue? Est-il approprié que l’impartialité soit élevée au rang de critère premier d’une décision? Avant de répondre, quelques clarifications s’imposent.

Débutons notre analyse en précisant que la partialité est une extension du mot « parti » qui, lorsque pris au sens politique ou social, désigne un groupe organisé qui partage des idées communes. Au fil du temps, le mot « parti » a été lié au concept de « parti politique ». La personne « partiale » était celle qui était attachée à un parti politique et à ses idées, concevant et mettant de l’avant une certaine idéologie et, parfois certains préjugés. C’est d’ailleurs ce dernier ajout, celui de « préjugés », qui est venue teinter le concept de partialité en lui accolant une facette sombre, factieuse et injuste. Selon cette vision étroite du concept de partialité, un personne partiale est injuste parce qu’elle représente les idées d’un parti. Est-ce, dès lors, approprié de dire que toutes les idées des partis sont injustes? Bien sûr que non. Cependant, à l’ère du citoyen-surveillant-cynique, les idées de tous les partis sont suspectes et sont assimilées systématiquement à des préjugés ou à des partis pris indus, créant de cette manière un sentiment négatif autour du concept de partialité. Pourtant, pour le dire avec Stanislaw Jerzy Lec, même un juge n’est pas impartial, il a un préjugé favorable envers la justice …C’est dans l’administration de la justice que le juge doit pouvoir œuvrer sans partis pris… La même chose peut être dite pour un administrateur : un administrateur est partial, c’est son devoir, il doit protéger l’actionnaire. L’administrateur partial exerce ses compétences en faisant des choix en vue de protéger l’actionnaire et réaliser la mission de sa société. Protéger l’actionnaire est le parti pris du dirigeant. Ne pas protéger l’actionnaire ne relèverait pas de l’impartialité, ce serait plutôt de l’incompétence… Sachons ainsi que toute compétence implique d’office une partialité « juste »; précisons toutefois que cette partialité ne devrait jamais être indue ou manipulatrice.

L’incompréhension ou les hésitations autour de l’articulation du concept d’impartialité résultent de sa malheureuse confusion avec le concept de neutralité. Une personne neutre cherchera constamment à être en équilibre entre le côté gauche et le droit. La personne neutre prendra des décisions avec le seul souci d’être en équilibre et de ne pas pencher ou de ne pas sembler pencher. Ses décisions seront sans saveur, incolores, inodores et ne serviront probablement pas la mission de l’organisation. La personne impartiale, elle, devra exercer ses compétences et faire les choix qui s’imposent. L’impartialité est une position de surplomb qui exige une capacité de discernement. La personne impartiale est celle qui sera en mesure de choisir d’aller à gauche ou d’aller à droite, sans partisanerie indue, en fonction de la mission et des valeurs de la société qui l’emploie. La personne impartiale n’est pas neutre, elle n’a pas les mains liées; la personne impartiale est libre d’exercer ses choix au nom de la mission de sa société ou du Bien Commun. Pour démontrer sa compétence, il est impératif que la personne impartiale exerce les choix attendus d’elle et qu’elle prenne le parti de son employeur; la personne neutre, elle, n’exercera aucun choix et ne démontrera aucune compétence. Neutre, sans saveur, incolore, inodore… et incompétente…

C’est la raison fondamentale pour laquelle l’impartialité est un concept clef en éthique. L’éthique exige que le décideur ait une vision du monde et qu’il la mette en œuvre; l’éthique exige de prendre parti, au nom de la finalité ou de la mission de sa société, tout en laissant au décideur le choix des moyens de prendre ce parti.

Ainsi comprise, l’impartialité peut être le critère premier d’une décision.

Ayons le courage de nos idées et prenons parti.

On ne peut jamais être neutre. Le silence est une opinion.

–       Henri Moret

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Desembuelto

Retrouvez sur Cultural Engineering Group « Desembuelto », le tout dernier billet réflexif de René Villemure, éthicien, conférencier, président fondateur de l’Institut québécois
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En prolongation de « Desembuelto », nous vous invitons également découvrir la remarquable présentation sur l’éthique et la déontologie en milieu municipal.

« Jeter ce sac, quelle sottise! » dit Lebret.  « Mais, quel geste! » répond Cyrano.

Depuis longtemps déjà, la désinvolture a bonne réputation, Rostand l’attestait en en faisant un attribut clef de la personnalité de Cyrano.  De nos jours les politiciens, tant au niveau fédéral, provincial, municipal ou encore en participant aux nombreuses commissions d’enquêtes font un usage excessif de la désinvolture.  Certain le font en haussant le menton, d’autres en lançant un regard à l’assistance façon Marlon Brando, d’autres encore, en se versant tranquillement un verre d’eau alors que le procureur les martèle de questions embêtantes.  Oui, la désinvolture est toujours actuelle et semble être devenue une attitude indispensable à un politicien lorsqu’il doit éviter de répondre aux questions qui lui sont posées.

Outre une certaine forme de morgue et bien que le terme soit connu, qu’est-ce que la désinvolture?

La désinvolture est une attitude dont l’origine linguistique est espagnole.  Le désinvolte, le desembuelto était une personne très dégagée dans ses manières, dans ses mouvements et allait même jusqu’à exercer une liberté inconvenante.

De nos jours, la personne désinvolte interviendra dans une discussion ou lors d’une comparution devant une commission d’enquête, en démontrant le moins d’effort possible tout en visant à développer un argument subtil ou à désenvelopper l’argument de la personne qui l’interroge.  Le désinvolte démontre un sang froid destiné à le placer, croit-il, au-dessus de la mêlée.  De fait, le désinvolte fait étalage de sa puissance, qui est le fondement de sa légitimité dans les circonstances.  Pas de désinvolture sans puissance ni de désinvolture sans légitimité. C’est ainsi cette puissance, alliée à sa légitimité, qui permet au désinvolte d’apparaître dégagé dans ses manières et d’accomplir des gestes anodins qui parlent fort sans pour autant ouvrir la bouche ni répondre.

Même hors de l’enceinte du Parlement ou d’une commission d’enquête, lorsqu’interrogés sur les affaires de l’État, il semble que nos élus n’hésitent pas à faire les desembueltos et à éviter de répondre ou de se commettre préférant lancer un regard implorant vers le ciel ou replacer une mèche de cheveux rebelle.  Le regard ou la mèche de cheveux replacée devant tenir lieu de réponse…  Pourtant ce que les citoyens exigent de leurs élus n’est pas une pose destinée à faire la page people d’un hebdomadaire à potins, c’est une réponse, tout simplement… Ce qui s’oppose directement à la manière de voir du désinvolte pour qui seul le silence est efficace.

Malheureusement, la désinvolture et ses silences ne sont pas sans effets : ils contribuent directement au renforcement du cynisme et de la piètre estime qu’ont les citoyens envers les membres de la classe politique.  Il est à prévoir que cette estime ne saurait augmenter tant que le niveau de désinvolture ne diminuera pas et que les politiciens continueront à n’offrir que des pirouettes destinées à éviter de répondre plutôt que des réponses aux questions qui leur sont légitimement posées.

En faisant les désinvoltes, les desembueltos, les politiciens se considèrent peut- être « cool » mais, ce faisant, ils déconsidèrent les citoyens en les rabaissant au niveau de simples spectateurs.   Cette attitude est indigne d’une classe politique digne de ce nom et ne saurait être exercée à long terme sans endommager de manière irrémédiable la confiance des citoyens envers leurs dirigeants.

En cultivant la désinvolture, les politiciens choisissent eux-mêmes de perdre la partie en dévalorisant leurs propres actions. Préférer le silence n’est pas sans conséquences car, comme l’écrivait si bien Roland Barthes, « seuls les gangsters et les dieux ne parlent pas, ils bougent la tête et tout s’accomplit ».

Comment devrions-nous alors interpréter les silences de nos politiciens?

Par les temps qui courent le « oui » et le « non » sont des monnaies bien dévaluées

–    François Mitterrand

Pour découvrir le billet réflexif précédent « Réputation et notoriété », cliquez ici.

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Réputation et notoriété

Parmi les nouveautés croustillantes de la rentrée, c’est avec un grand plaisir que nous allons désormais publier les « billets réflexifs » de René Villemure. Ethicien, conférencier, président fondateur de l’Institut québécois 
d’éthique appliquée notamment aux domaines de l’innovation, de la culture et de la communication, René Villemure est membre de CEG depuis près de deux ans et il nous fait l’honneur de partager ses réflexions et ses publications. A savourer sans la moindre modération.

*

Le monde est si corrompu que l’on acquiert la réputation d’homme de bien seulement en ne faisant point le mal.

- Duc de Lévis

Alors que l’actualité est occupée par les membres de la Commission Bastarache qui sont pris dans une  redoutable reprise de « Qui dit vrai ?», qu’est devenu le concept de réputation?  Ce concept est-il encore pertinent dans un monde de nouvelles en continu ou dans une société où tous Twittent tout et rien à s’en faire mal aux doigts? La réputation est-elle encore utile alors que tous ont accès à l’univers et peuvent jouer à l’éditeur ou au journaliste en publiant leur propre blogue?

Comme à l’habitude, quelques clarifications pourront éclairer la compréhension de ce concept.

La réputation est le nom associé au verbe « réputer », c’est-à-dire « calculer, compter, examiner, méditer ».  Réputer contient en son sens strict une nécessité de réflexion marquée par le « re », un doublon linguistique qui marque l’intensité, et par « putare », qui signifie « supputer » ou « estimer ». La réputation est, elle-même, dérivée de reputatio, c’est-à-dire « réflexion, examen, considération ».  Selon l’étymologie, « réputer » signifie « considérer comme », un peu à la manière de Corneille qui écrivait « Bien que vaincu, je me répute heureux ». La  réputation, à laquelle on réfère souvent comme étant « la bonne réputation », implique en son sein même un embryon d’honorabilité et contient en son cœur une composante morale qui résulte d’une appréciation personnelle.

La réputation c’est être reconnu.

Force est cependant de constater que la réputation est souvent confondue avec sa cousine la notoriété.  Cette dernière est issue directement de notorietas qui signifie « l’action d’être connu de tous »; la notoriété est aussi souvent associée à l’opinion que tous ont de quelque chose ou de quelqu’un.

La notoriété, c’est être connu.

La différence entre la réputation et la notoriété est illustrée par l’incontournable durée nécessaire à la construction de la réputation versus l’instantanéité ou la spontanéité offerte, par exemple, par les médias sociaux.

La réputation implique une réflexion, alors que la notoriété est parfois simplement affaire de retweet ; la réputation nécessite une profondeur alors que la notoriété n’a pas cette exigence.  Au fond, on arrive assez rapidement à la différence entre la crédibilité et la popularité. Hubert Reeves est crédible, sa réputation a été construite au fil du temps ; les participants à « Occupation Double » sont populaires, leur notoriété repose sur bien peu de choses…

Tout comme il existe une éthique de vitrine, qui a l’air de Bien Faire plutôt que de Bien Faire, il existe une réputation de vitrine. On l’appelle notoriété.

Au fond, la notoriété n’est qu’une réputation sans exigence… Malheureusement, pour certains, ce n’est que cette notoriété qui leur tiendra lieu de réputation.

*

La popularité c’est d’éternuer à l’écran et de recevoir le lendemain des centaines de cartes postales avec écrit : « À vos souhaits ».

-    Léon Zitrone

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