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Casino à la Villa Méditerranée : reculer pour mieux sauter ?

C’était mercredi sur France Inter, à la 7ème minute de l’interview de Jean-Claude Gaudin : un rétropédalage qui en dit long sur la portée possible de l’affaire de la Villa Méditerranée, Villa que la Région veut vendre et que la ville de Marseille aurait  (au conditionnel…) bien aimé transformer en casino.

 

Un rétropédalage qui se garde bien de résoudre la question du devenir et de la mission de la Villa et qui en définitive met bien plus en évidence la prise en otage de la Villa dans la confrontation entre la droite et la gauche à la Ville comme à la Région.

Ce premier round laisse perplexe compte-tenu de la quantité de coups reçus par la Villa mais qui malgré tout n’est pas K.O. Le second round est incertain.

Même si cela ne pouvait assurément pas se faire à l’unanimité, le GIP portant le projet de la Villa aurait dû immédiatement opter pour une position commune plutôt que de lancer il y a quelques mois un énième audit du projet.

Quand on dit GIP, Groupement d’Intérêt Public, on pense nécessairement à une structure d’une certaine stature, d’un certain poids, une gouvernance en ordre de marche, avec la hauteur de vue nécessaire et le souci de servir la vocation et les missions de la Villa. Le GIP n’est pas un statut qu’on choisi à la légère et qui engage, quelles que soient les alternances et équilibres politiques issus des mandats désignant les personnes publiques qui y siègent. C’est notamment là que le bas blesse.

Des solutions issues de la vocation même de la Villa Méditerranée existent et elles ont soit à peine été regardées, soit été écartées, soit volontairement occultées pour maintenir la Villa dans la pire des positions, entre le marteau et l’enclume. C’est la stratégie du pourrissement des dossiers ou pour le dire autrement, du fruit qu’on laisse volontairement murir sur la branche pour qu’il tombe de lui-même. Difficile de faire plus irresponsable et au fond, tout cela n’a rien de typiquement marseillais, car partout on a vu des équipements publics nécessiter des investissements importants mais dont on ne s’est pas suffisamment soucié de leur fonctionnement, y compris au plan bâtimentaire.

Curiosité de la chose : un pouvoir adjudicateur demande toujours aux opérateurs privés de monter des business plans avec le plus haut niveau de robustesse financière possible sous peine de l’application de clauses contractuelles qui sanctionnent lourdement les titulaires de ces contrats, y compris lorsque l’équilibre économique du contrat est menacé par les actes, les décisions (ou leur absence) côté personne publique. Pourquoi ne pas s’appliquer à soi-même ce que l’on exige des autres ?

Un GIP ça se maintient, ça se réoriente, ça se réforme, ça se transforme, ça se dissout.

La question du casino est un foulard qu’on agite. La Provence parle de « rétropédalage » de Monsieur Gaudin sur la question de la Villa Méditerranée. C’est du rétropédalage en apparence. En fait c’est reculer pour mieux sauter.

Il est grand temps de siffler la fin de la récréation et il ne faut pas attendre les prochaines élections pour cela, ne serait-ce que par respect pour les personnels de la Villa qui sont aujourd’hui à bout, malgré toute l’énergie, le talent et l’abnégation dont ils ont fait preuve jusqu’à présent.

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De l’avenir de la Villa Méditerranée

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C’est un des feuilletons marseillais de l’été qui fera moins d’audience que « Plus Belle La Vie », hélas…

Depuis des années, la Villa Méditerranée pose question. Principal sujet : son coût de fonctionnement au regard de son « utilité ». Posé en ces termes, on situe le débat au niveau du café du commerce mais il faut bien admettre que cela n’a jamais volé beaucoup plus haut depuis la campagne des élections régionales de 2015.

Jusqu’à relativement récemment pourtant, le café du commerce faisait partie de la culture populaire, un débat politique citoyen qu’on regarde depuis l’étranger avec une ironie et curiosité, teintées d’une certaine envie. Cela ne pouvait pas faire de mal et au fond c’est la démocratie qui tourne à plein tube dans notre tradition révolutionnaire d’un peuple supposé « éclairé » par un recul historique suffisant pour savoir bien de se garder de verser dans le populisme.

Jusque-là, Marseille était Marseille, avec sa propre histoire, sa propre identité, tellement incroyable, si passionnée et si passionnante. Cela ne pouvait pas faire de mal de s’entendre dire au quotidien « ah mais tu comprends à Marseille, c’est particulier, on fait pas comme ailleurs, ici c’est Marseille ». Cette fierté fait au fond partie de l’identité de Marseille dans laquelle chacun peut se reconnaître avant même tout parti-pris.

Mais depuis la reconfiguration issue des dernières élections régionales où les planètes s’alignent à droite sur fond de cache-cache plus que malsain avec le Front National, la situation de la Villa Méditerranée s’est progressivement et de plus en plus fortement tendue, écrivant à l’encre la plus acide qui soit, une histoire bien différente de l’idée originale.

Le dernier épisode de cette histoire bat son plein depuis cet été, période pendant laquelle les rumeurs d’entente entre la région et la ville sur le devenir de la Villa se sont faites persistantes, faisant monter la tension et la pression d’un cran. Septembre aura été le mois révélant publiquement le souhait de vendre la Villa Méditerranée et d’en faire… un casino, oui vous ne rêvez pas, un casino.

Si vous n’êtes pas Marseillais ou de la région, vous en avez à peine entendu parlé. A cette heure, c’est-à-dire pratiquement trois semaines après la parution de l’article dans La Provence qui annonçait le sort qui serait réservé à la Villa, l’absence de débat est sidérante. Tout semble aller dans un seul et même sens, avec le Front National qui se pose en arbitre (!) et même un Jean Viard qui y voit une « idée stimulante ».  Bref, on nage en plein cauchemar.

Aucune réaction audible ou presque, Elisabeth Guigou et Michel Vauzelle sont parmi les rares personnalités à faire entendre leur voix haut et fort mais à ce jour, même pas une pétition pour se mobiliser contre l’idée du Casino et contre la façon dont se déroule cette chronique d’une mort annoncée.

Personne ou presque pour se soucier du devenir de la mission de diplomatie économique sensée faire de Marseille une capitale majeure de l’Union pour la Méditerranée, dont la mission touche pourtant à tous les domaines d’activités sur un espace et un territoire de rayonnement où la France est pourtant sensée être parmi les leaders, si ce n’est le leader.

Peut-on se satisfaire de voir un tel niveau de résignation, pour ne pas dire d’entente droitière pour exploiter plus encore le populisme ambiant ? Certainement pas mais c’est avant tout à la gouvernance du GIP qui porte la Villa Méditerranée de tout faire pour ne pas finir en Casino, même si l’on sait que de nombreux obstacles techniques et juridiques entravent assurément une telle entreprise (mais pendant combien de temps ?).

En attendant, les plus optimistes diront que c’est dans les moments de crise que nous sommes les plus créatifs et imaginatifs mais peu osent prendre la parole publiquement, peu osent dire qu’à tout le moins deux pistes peuvent être envisagées : une nouvelle dynamique ou une nouvelle vocation.

  • Une nouvelle dynamique signifierait que l’on sache vraiment comment relancer la machine, et des solutions existent !
  • Une nouvelle vocation signifierait des usages en lien avec des pratiques et des besoins avérés tout en trouvant les conditions de poursuite de la mission originelle sous une autre forme.

Dans tous les cas, il faut sauver le soldat Villa Méditerranée de cette prise en otage absolument insupportable. Elle a un avenir.

 

 

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Le réseau des cités de la gastronomie : un dénouement qui en dit long sur l’indépendance sur la formule d’appel à projets « à la française »

Résumons l’épisode précédent. 3 ministres, ceux de la Culture, de l’agriculture et de l’agroalimentaire, embarrassés de choisir entre 5 dossiers de villes concurrentes : Beaune, Dijon, Lyon, Paris-Rungis, Tours, décident en première phase début 2013…de ne rien décider et désignent plusieurs lauréats pour la Cité de la Gastronomie…en inventant le concept curieux, abscons et dispendieux de réseau des Cités de la Gastronomie.

Néanmoins, ils semblent éliminer deux des 5 impétrants, Beaune d’une part qui, parmi les 5, est la seule ville de droite (qui plus est pouvant faire de l’ombre au dossier de la capitale bourguignonne, sa voisine) et Lyon, d’autre part, dirigée par un « baron » du PS, qui a rendu un dossier indigent (avec 2 à 4 fois moins de budget d’investissement que les autres), croyant que sa ville était « hors compétition ».

J’avais salué sur ce même blog par un article en début d’année, ce début de « lucidité ». Mais on apprend, deuxième épisode et dénouement, le 19 juin 2013, par un communiqué commun des 3 ministres, que Lyon est « repêchée » contre toute attente, résultats d’un lobbying éhonté du maire de Lyon, qui non content de traiter publiquement le responsable de la mission pour le repas gastronomique des français, M Pitte, de tous les « noms d’oiseau », se répand urbi et orbi dans la presse pour dire tout le mal qu’il pense de cette décision et pour affirmer que quoiqu’il arrive la Cité de la gastronomie à Lyon se fera.

Pourtant, le dossier présenté est le même, avec son petit investissement de 18 Millions d’euros (pour comparaison, Bordeaux met le triple dans sa cité des civilisations du vin), dont 3 du partenaire privé Eiffage, dans le prestigieux Hôtel dieu (signant au passage la mort du premier projet de musée de la santé et de la médecine auquel Gérard Collomb n’a jamais cru). Craignant la colère de l’élu de la capitale des gaules, qui pourrait se répandre en haut lieu, les courageux ministres susvisés décident de choisir Lyon sur « la thématique « nutrition et santé »…qui…prendra une place prépondérante dans les politiques de développement engagées par la Cité de la Gastronomie de Lyon, au sein de l’Hôtel dieu » (in communiqué de presse du 19 juin 2013).

Devant une telle incompétence et désinvolture de la part de l’Etat, on en oublierait même que « gouverner, c’est choisir » et non pas céder aux caprices des grands élus locaux. Par ailleurs, les autres maires retenus semblent tous cautionner le dispositif et M Pitte désavoué (avant peut être d’être « dégradé/démissionné » sait-on jamais, pour avoir osé défier Gérard Collomb), ne dit mot.

En forme de pirouette à cette fable, je suggère désormais au député-maire de Beaune, M. Suguenot, le seul « recalé » de ce réseau, de réclamer sa réintégration dans cette « brochette de Cités de la Gastronomie », projet quadruplement coûteux en ces temps de crise (dont je vous laisse imaginer ce que doivent en penser nos amis étrangers, quant aux méthodes de gouvernance « transparentes » à la française) !!!

Jean-Michel Puydebat*

Du même auteur :

*Jean-Michel Puydebat est consultant spécialisé en management de la culture et du tourisme, directeur de PV2D, président du réseau de consultants CPIP et membre de CEG.

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Cité de la Gastronomie : dénouement provisoire

cité, gastronomie

Si on peut se réjouir que sur 5 villes candidates, 2 aient été éliminées :

  • Lyon, d’une part, qui avait pourtant tout pour gagner, en raison d’un dossier mal ficelé, peu ambitieux (18 M euros d’investissement en grande partie privés – Eiffage -)  et venant substituer dans l’Hôtel Dieu au thème initial de la santé celui de la nutrition,
  • Beaune, d’autre part, avec un dossier surdimensionné à l’échelle de ce territoire (60 M euros), rejeté en périphérie du centre-ville et sans synergie avec le futur centre culturel des vins de Bourgogne…

…il n’en demeure pas moins que le fait de proposer l’idée « d’un réseau de Cités de la Gastronomie, dont le socle serait constitué par Tours, Paris-Rungis et Dijon », est l’exemple même de ces « décisions Tartuffe », dont les missions émanant des administrations publiques ont le secret…, sous prétexte de contenter tout le monde et de ne fâcher personne !

Car le propre d’un appel à projets est de sélectionner, donc d’éliminer, mais encore faudrait-il disposer de critères objectifs et surtout pondérés, ce qui n’était pas le cas à en juger par le rapport rendu public par la Mission Française des Patrimoines et des Cultures Alimentaires …ce 11 janvier 2013, qui en ces pages 6 et 9 (l’appel à projet n’étant d’ailleurs pas annexé au rapport) liste pèle mêle :

  • valorisation du patrimoine gastronomique dans le cadre du plan de gestion Unesco (classement du repas gastronomique des français)
  • vitrine des métiers et formation
  • vitrine des savoir-faire
  • attractivité et aménagement du territoire
  • développement de l’offre touristique
  •  ambition nationale et internationale
  • viabilité du modèle économique
  •  faisabilité du calendrier proposé et de son phasage

Page 9 de ce rapport, à peine s’est t-on risqué à cette petite phrase qui donne un aperçu des critères mis en avant par la mission : « Il convient d’attirer l’attention sur le fort ancrage territorial de chacune des candidatures qui a souvent conduit à une mise en avant un peu trop poussée des produits, des acteurs et des savoir-faire locaux au détriment de l’ambition nationale et internationale du projet envisagé ». C’est ce qui permet par exemple à la mission de retenir la candidature de Rungis, du fait de sa portée nationale et internationale inhérente (produits du marché de Rungis s’entend) alors qu’aucune tradition touristique, encore moins de gastronomie régionale ne s’attache à ce lieu…dont on imagine mal pourquoi un touriste étranger viendrait s’y perdre ! (critère qui n’a pas l’air d’intéresser la mission, qui relève quand même les difficultés de transport qui ne peuvent se résoudre que dans le plan transports du Grand Paris !). Et ce n’est pas en intitulant cette candidature Paris-Rungis que cela changerait quelque chose !

Mais peu importe, ce volontarisme politique (aménagement du territoire sur le modèle du Louvre-Lens) est sur-pondéré par rapport à la dimension touristique et de gastronomie régionale incontournable, que Dijon et Tours (mais aussi les deux recalées Lyon et Beaune) possédaient indéniablement. Il est symptomatique que la seule candidature dont l’investissement ne soit pas précisé dans le rapport soit Rungis (car non finalisé) : Tours et Dijon étant respectivement à 35,6 M euros et 55 M euros (pour Lyon et Beaune voir en début d’article).

De même, et on le voit dans le rejet de Lyon, un « modèle économique classique à la française », fait de beaucoup de subventions, tant en investissement qu’en fonctionnement, et « d’un zeste de privé » (à l’exemple de Tours dont l’autofinancement est de 47 % sur un budget de fonctionnement de 4 M euros) est préféré au modèle du « tout privé » (avec Eiffage en co-investisseur et un autofinancement total de fonctionnement) proposé par Lyon, que la mission écorne par cette phrase assassine « Il n’en demeure pas moins que le ratio entre les espaces à vocation pédagogique, culturelle et scientifique et les superficies allouées aux activités marchandes (commerces, boutiques, hôtel, divers restaurants, …) apparaît particulièrement disproportionné ».

Ainsi, le critère d’ambition nationale et internationale, que la mission a plus relevé à Tours qu’à Dijon du fait d’Euro Gusto notamment, aurait mérité d’être plus finement analysé, alors que par exemple, Dijon était la seule candidate à s’appuyer sur un pôle de compétitivité de niveau national et international, Vitagora.

Enfin, en termes de faisabilité financière et de phasage, il apparaît surprenant qu’aient été mis sur le même plan deux dossiers prévoyant une ouverture en 2016, Dijon et Tours, avec celui de Rungis, dont l’ouverture est conditionnée au calendrier d’aménagement du Grand Paris, de toutes façons pas avant 2017 ou 2018.

Si la mission a pu apparaître courageuse en ne retenant pas Lyon (et Beaune s’entend), elle aurait pu aller plus loin en éliminant Rungis (reste de centralisation étonnant quand on veut mettre en avant la diversité gastronomique des régions françaises, et de plus choix trop marqué en terme d’aménagement) et en permettant à deux capitales régionales touristiques et gastronomiques majeures, Dijon et Tours, de disposer d’équipements structurants complémentaires – qui leur font aujourd’hui en grande partie défaut – à même de renforcer leur notoriété touristique, notamment à l’international, objectif principal dans cette démarche Unesco.

Jean-Michel Puydebat*

Du même auteur :

*Jean-Michel Puydebat est consultant spécialisé en management de la culture, directeur de PV2D, président du réseau de consultants CPIP et membre de CEG.

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