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L’éthique comme nécessité

René Villemure

Dans le cadre de la semaine des professionnels 2013 René Villemure a accordé une entrevue au quotidien Le Devoir sur le thème de « l’éthique comme nécessité ».

Ces derniers mois, particulièrement depuis les débuts de la commission Charbonneau, le terme « éthique » est sur toutes les lèvres. En créant de nouvelles politiques et en formulant de plus stricts codes de conduite, le Québec tente d’effectuer un grand ménage dans ses organisations. Or René Villemure, éthicien, indique que la province fait fausse route si elle croit régler ses problèmes d’ordre moral en se contentant d’employer des solutions structurelles.

« Quand on nous parle de solutions à apporter aux manquements à l’éthique, tout ce dont on nous parle, c’est de structures, note René Villemure. Or l’éthique est un élément de culture et une affaire de sens. »

Confusion des genres

Définie par M. Villemure comme l’ensemble des conceptions morales dictant une conduite, l’éthique est un concept souvent mécompris. Alors que celle-ci se rapporte au sens et aux valeurs, on a tendance à lui attribuer une fonction déontologique.

D’après l’éthicien, il s’agit là d’un problème important. « Je dis souvent que l’éthique, c’est le sujet qui a la plus forte notoriété et le plus bas niveau de connaissance. En entreprise, dans les municipalités, au gouvernement, on demande à des juristes de se charger d’éthique, mais ce dont ils traitent en fait, c’est de déontologie. Ils créent des règles pour régir un exercice. Or les règles ne sont pas suffisantes. La déontologie, il faut y réfléchir en amont. »

Dans le même esprit, M. Villemure note que beaucoup d’entreprises confondent valeurs, motivations et objectifs. Aux dires de l’éthicien, trop d’organisations ont tendance à utiliser des vocables comme « productivité » ou « efficacité » pour cerner les valeurs qui guident leur mission, alors qu’en fait ceux-ci n’ont aucune teneur éthique.

« Je ne dis pas que ça n’a pas sa place en entreprise, mais ces termes-là font référence à la gestion, pas à l’éthique, souligne M. Villemure. La valeur doit m’indiquer un sens. Or, quand le sens, c’est la productivité, honnêtement, la corruption, c’est une bonne idée ! »

Même concept pour les si populaires « plaisir », « créativité » et « innovation » dont sont truffés les codes d’éthique d’entreprise : « Ce n’est pas utile, ça ! Une valeur, cela a deux caractéristiques impératives. Cela a un contenu moral nécessairement positif et ça contient sa propre raison d’être. Par exemple, l’honnêteté. C’est moralement positif, car il n’y a pas de façon malhonnête d’être honnête. Ça contient également sa propre raison d’être. L’éthique, ça se base sur ces valeurs-là. Pour parler d’éthique, il faut qu’il y ait des valeurs morales qui émanent de la mission et qu’on les rende claires, praticables, fortes et partagées », explique-t-il.

Pour répondre aux problèmes de manquement éthique que vit le Québec, M. Villemure estime qu’il y a encore beaucoup à faire. Loin d’être en défaveur des guides de bonne conduite ou des codes de déontologie, il souligne que ceux-ci doivent impérativement s’inscrire dans une démarche d’une plus grande réflexion.

« Ce qu’il faut parvenir à faire, c’est de réintroduire le sens, affirme l’éthicien. Le sens, c’est la direction. Sans direction, on s’égare. Et l’égarement, ça mène à la faute et à l’inconduite. Il est temps d’entamer une réflexion en profondeur. Au point où on en est, l’éthique, ce n’est plus un luxe, c’est une nécessité. Ramener une dose d’humanisme dans la société, ça ferait du bien à tous les niveaux. »

Facile à dire, mais comment faire pour y parvenir ? D’abord, en sensibilisant davantage les dirigeants en place aux réalités de l’éthique, croit l’éthicien. « Changer une culture, ça ne se fait pas en claquant des doigts. Ça prend des années de “faire autrement”. Il faut avoir un horizon humain. Il faut faire comprendre aux dirigeants que ce n’est pas à coups de formations de trois heures ou de codes d’éthique qu’ils vont transformer leurs façons de faire. Il faut leur pointer des entreprises exemplaires qui réussissent bien, susciter chez eux le désir de faire les changements nécessaires. »

Ensuite, en accordant une plus grande place à l’éthique dans le système scolaire, particulièrement au cégep et à l’université. « Je pense qu’on doit donner aux jeunes la chance de se poser des questions, dit M. Villemure. Pour bien des gens, le cégep, c’est le seul moment où on peut se questionner sur le pourquoi des choses. À l’université également, je crois qu’on ne devrait pas extraire les sciences humaines des programmes. Actuellement, on forme beaucoup de techniciens qui, avec leurs diplômes, sont capables de dire comment fonctionnent les choses, mais pourquoi elles fonctionnent comme ça, par contre, ça les embête ! »

Refonte électorale

En fin de compte, M. Villemure juge qu’on devrait également revoir notre système électoral. Il souligne que, lorsqu’on élit un parti pour quatre ans, il y a de grandes chances que les actions de celui-ci soient davantage guidées par des motivations électoralistes que par la poursuite du bien commun.

« Je crois qu’il va falloir mettre en place des modèles de confiance différents, confie l’éthicien. Je pense par exemple à la possibilité de rappeler des députés lorsqu’ils ne sont pas adéquats. Il faudra aussi faire plus de consultations publiques, donner plus souvent la parole à la population, etc. »

Si M. Villemure est d’avis que ce n’est pas demain la veille que seront résolus les problèmes du Québec en matière de manquements à l’éthique, il assure tout de même avoir confiance dans les générations à venir.

« L’autorité a migré d’un concept hiérarchique absolu vers le sens. Il y a toute une génération de jeunes actuellement qui disent non lorsqu’ils ne sont pas d’accord. Ce sont des jeunes qui se questionnent. Ils ont parfois l’air d’être désabusés, mais c’est parce qu’ils ont un idéal et que celui-ci a été éteint. Sauf que, contrairement à bien des adultes, il leur reste une petite étincelle qui ne demande qu’à être rallumée. J’ai une grande foi en eux. »

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d’éthique appliquée notamment aux domaines de l’innovation, de la culture, de la gouvernance et de la communication. Il est également le fondateur d’Ethikos pour son action à l’international.

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Pour repenser les enjeux culturels publics

Jjean-michel_lucas_opinionean-Michel Lucas s’est livré à un exercice de synthèse de l’ossature de l’argumentaire qu’il défend pour repenser les enjeux des politiques culturelles publiques, loin des approches actuelles repliées sur les enjeux particuliers du secteur comme des territoires.

Il en rappelle ici les balises universelles de la responsabilité culturelle publique dans une société soucieuse du développement des droits  humains.

 

A – Une éthique culturelle à quatre balises

Pour repenser les enjeux culturels publics, l’argumentaire développé ici repose sur le lien indissociable entre « culture » et « humanité ».

1 – Son point de départ est la Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948 pour laquelle l’idée même d’humanité impose que les êtres humains soient libres et égaux, en dignité et en droits, dotés de raison et faisant preuve de solidarité. Cette éthique publique universelle est la première balise indépassable : elle considère que pour faire humanité ensemble les personnes doivent être reconnues dans leurs droits fondamentaux à la liberté, à la dignité.

2 – La deuxième balise éthique s’en déduit : chaque être humain porte ses convictions, ses valeurs, ses croyances, sa manière de saisir le monde à travers son identité culturelle singulière. Nul ne peut lui dénier sa « culture » sans porter atteinte à sa liberté et à sa dignité, sans l’exclure de l’horizon commun de l’humanité. Chaque personne étant libre, elle échafaude son identité culturelle à sa façon, laquelle évolue au gré des relations avec les autres. Cela signifie que la personne n’est pas astreinte à une identité figée une fois pour toutes [1].

3 – La troisième balise impose que s’organise le maximum d’interactions entre toutes ces identités culturelles.

La légitimité accordée aux identités culturelles ne vaut que si les relations entre les personnes conduisent à la reconnaissance réciproque des unes par les autres. C’est la condition du vivre ensemble qui nécessite que la personne ajuste sa liberté et sa dignité culturelles à la liberté et la dignité culturelles des autres personnes. C’est en ce sens que la politique culturelle publique doit inévitablement considérer que « faire culture », c’est faire humanité ensemble, selon la définition de la culture de la Déclaration de Fribourg sur les droits culturels [2] : la première responsabilité culturelle publique est de favoriser ces interactions réciproques entre les identités culturelles des personnes pour progresser vers une meilleure humanité [3]. Les politiques culturelles de l’Etat comme des collectivités devraient donc résister à leur enfermement dans une approche sectorielle des offres et des besoins de produits fabriqués par les professionnels des disciplines artistiques !

4 – La quatrième balise est celle de l’accès à plus d’autonomie. Certes, chaque identité culturelle singulière puise dans les références des groupes qui ont vu naître et grandir la personne ; mais l’espace public, par les interactions de reconnaissance qu’il suscite entre les identités culturelles, doit permettre à chacun de devenir un peu plus autonome dans ses choix culturels. L’enjeu public universel est de préserver « l’attachement » des personnes à leurs cultures d’origine pour mieux favoriser leurs « arrachements » nécessaires pour qu’elle s’affirment comme des personnes singulières [4]. La finalité est l’émancipation de la personne en humanité, au delà de son épanouissement individuel. Cet argumentaire conduit à affirmer que la politique publique doit renoncer à penser en terme d’identités culturelles collectives (identité du territoire, du groupe ethnique, de la religion..) comme si la personne était condamnée à subir le référentiel culturel des collectifs qui l’ont vu naître. Au mieux, on parlera « d’identifications » multiples de la personne aux collectifs qui nourrissent son identité, en veillant que soit respectée la balise de la liberté.

B – Ces balises de l’éthique publique de la culture étant posées, quelle est leur portée dans la pratique politique ?

1- Aucune réalité pratique ne pouvant être conforme aux principes, il y a TOUJOURS à discuter. Toujours à débattre sur ce qui est « bien » pour une identité culturelle et « mauvais » pour l’autre ! Les quatre balises doivent être considérées comme des points d’appui partagés (universels) pour guider les discussions publiques vers une décision qui permettra de faire un peu mieux humanité ensemble. Il s’agit d’organiser la « palabre » en confrontant les identités culturelles des personnes. La palabre est impérative pour accéder aux nécessaires interactions réciproques, bien au delà des formules simplistes de la participation citoyenne au bien commun. Les 4 balises sont les points de repère qui permettent d’apprécier si les compromis partiels issus de la discussion collective permettent le développement des droits humains. En ce sens un bon compromis devra être porteur de plus de droits humains conduisant les personnes à accéder à plus de liberté, plus de dignité, plus de relations de reconnaissance réciproque avec les autres, plus de capacités à agir et réagir pour plus d’humanité ensemble. Cette vision de l’humanité (approche ABDH [5]) a des conséquences immédiates sur la conception du développement de la planète. Elle met la personne et ses libertés au premier rang pour bâtir l’avenir et ne se contente pas de penser le développement en terme de réponses à de simples besoins. Comme le dit SEN : « si l’importance des vies humaines tient aussi à la liberté dont nous jouissons, l’idée de développement durable est à reformuler en conséquence » [6]. En ce sens, le respect des 4 balises impose de concevoir le développement durable comme un développement humain durable. [7]

C’est une quête éthique à ré-affirmer chaque jour et partout, puisque l’idéal des Droits Humains restera toujours un horizon à conquérir. D’où l’importance stratégique de la politique culturelle en démocratie.

2 – La palabre doit être correctement organisée. Elle doit être acceptée comme forme de négociation fondée sur la discussion « libre, ouverte et documentée » [8] sur la base d’arguments aussi rationalisés que possible. Chacun doit pouvoir disposer des outils permettant l’expression de ses « bonnes raisons » d’affirmer sa liberté, sa dignité et ses intérêts ! La polémique entre les identités et les différentes formes d’expression des conflits doit laisser place à la discussion démocratique et raisonnée entre les personnes (seules ou en groupes). Loin d’être une perte de temps pour l’action, cette démocratie, comme gouvernement par la discussion, est la condition d’une meilleure reconnaissance réciproque des identités culturelles, donc, du Mieux Vivre ensemble dans une société aspirant à devenir plus juste. Même s’il restera toujours de situations de conflits qui devront se résoudre autrement.

3 – Dans cette approche, les personnes sont alors « parties prenantes » des multiples délibérations de compromis qui forgent les règles de vie, formelles et informelles, de nos quotidiens. La société civile – notamment la vie associative – devient essentielle pour élaborer ensemble les standards du Vivre ensemble entre les identités culturelles des personnes – du pas de sa porte à son quartier, de sa ville à l’Europe ou au monde. Le plus d’humanité n’est pas seulement une affaire d’Etat car aucune personne n’est dispensée d’être un acteur du Vivre ensemble comme enjeu du développement des droits humains de chacun.

4 – Dans cette dynamique collective de relations entre les personnes, seules ou en groupes, la politique culturelle devra se préoccuper au premier chef des processus qui conduisent les uns et les autres à accéder à plus de reconnaissance de leur identité culturelle. Sa responsabilité sera de favoriser les trois formes concrètes de la reconnaissance : les gains de confiance en soi, liés aux relations d’empathie entre les personnes; les gains de respect de soi, liés au renforcement de droits à égalité de tous les autres ; les gains d’estime de soi, liés à la valeur particulière que les autres accordent aux activités de la personne.

5 – Une politique publique qui ignorerait les trois volets de la reconnaissance de la personne ouvrirait la voie à la société du mépris avec son cortège de « luttes pour la reconnaissance » par lesquelles les personnes s’affirment dans leurs identités culturelles à travers leur puissance d’agir ensemble. Cette dynamique des luttes pour la reconnaissance impose souvent des terrains de négociations inédits que la politique publique soucieuse du développement des droits humains doit savoir prendre en compte pour accéder à des compromis partiels, …. jusqu’aux prochaines tensions de reconnaissance.

 6 – Cette approche des enjeux culturels pour l’humanité accorde un rôle fondamental aux professionnels des arts.

a ) D’abord en application de la balise universelle de la liberté.

Les balises de la bonne humanité évoquée plus haut fixent les règles de réciprocité auxquelles chacun doit se conformer pour vivre ensemble. Mais par définition, ce compromis est inhumain car il fige l’expression de la liberté : s’il fallait que ces règles d’humanité demeurent inchangées, l’humanité ne le serait plus car elle poserait des interdits définitifs à l’expression des imaginaires. Or, la balise de la liberté d’appréhender le monde est universelle alors que les règles de la vie collective sont relatives aux circonstances.

Ainsi, la liberté d’expression artistique est là pour déplacer les bornes des compromis que la société humaine se donne à chaque moment, sur chaque territoire. C’est une responsabilité politique fondatrice des droits humains que de la garantir sous peine de sclérose de l’humanité.

b) En second lieu, l’enjeu de l’action collective est le développement des capabilités pour progresser vers une société plus juste où chaque personne peut, librement, mieux choisir « ce qu’elle a de bonnes raisons de valoriser ». (SEN) Si la personne se réfère toujours aux mêmes ressources culturelles, ses choix seront figés et réduits à la reproduction de l’identité culturelle stéréotypé des groupes auxquels elle se rattache. Pour faire toujours un peu mieux humanité ensemble, il est d’enjeu universel que les personnes puissent accéder à d’autres références, multiplier les interactions pour ouvrir de nouveaux parcours aux imaginaires et favoriser une plus grande puissance d’agir pour une meilleure reconnaissance. Pour pouvoir emprunter ces parcours d’émancipation, l’espace public (marchand ou non marchand) doit offrir aux personnes des opportunités de reconnaître le meilleur des disciplines artistiques. Il ne faut pourtant pas se tromper : si les professionnels du secteur artistique sont indispensables, seule la personne est légitime à débattre de ce qui accroît sa liberté et sa dignité de personne humaine SINGULIERE, sous peine de voir la politique culturelle « réifier » la personne en objet de marketing, en « public fidèle », en « habitant » ou « population éloignée de la culture.

c) Enfin, les responsables culturels publics devraient nécessairement s’assurer que les échanges marchands de produits culturels sont bien conformes aux enjeux de développement des droits humains des personnes. Ils ne devraient pas se contenter d’agir pour le développement des fréquentations des publics et des chiffres d’affaires des industries du secteur. En conséquence, ils devraient privilégier les organisations culturelles de l’économie solidaire qui garantissent le respect des quatre balises dans leurs relations aux personnes, en interne et en externe. Le développement des droits humains ne peut se contenter de la rentabilité marchande, même lorsqu’elle est répartie de manière plus juste.

Ainsi, l’enjeu culturel public ne relève pas d’une « exception » à la vie normale des êtres humains : il consiste à se mettre au service d’une humanité qui trouve plus juste que les personnes disposent de plus de libertés, de plus de dignité, de plus de capabilités, de plus de responsabilités pour faire un peu mieux « humanité ensemble ».

Jean-Michel LUCAS / Doc Kasimir Bisou* le 15/10/2013

Président de Trempolino, docteur d’Etat ès sciences économiques et maître de conférences à l’université Rennes 2 Haute-Bretagne dont il fut le vice-président de 1982 à 1986, Jean-Michel Lucas fut également conseiller technique au cabinet du ministre de la Culture Jack Lang de 1990 à 1992, où il y impulsa notamment le programme « Cafés Musiques ». Nommé Directeur régional des affaires culturelles d’Aquitaine en 1992, il mit en place une politique culturelle d’État en étroit partenariat avec les collectivités locales, et avec comme préoccupation de valoriser la place de la culture dans les politiques de la ville et des territoires ruraux. Ce « militant de l’action culturelle », connu sous le pseudonyme de Doc Kasimir Bisou, a participé à plusieurs projets sur le devenir des politiques culturelles et sur les légitimités dans lesquelles elles s’inscrivent. En Bretagne comme en Aquitaine, il fut par ailleurs à l’origine de nombreuses réalisations concernant les musiques amplifiées (RAMA, festival d’Uzeste, Rencontres Trans Musicales de Rennes…).

 

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Notes

[1] On doit considérer que les identités des personnes sont « variées, plurielles et dynamiques », comme le dit la Déclaration universelle sur la diversité culturelle de 2001.

Voir site Unesco :

http://portal.unesco.org/fr/ev.php- URL_ID=13179&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html

[2] Voir la déclaration sur le site http://www.unifr.ch/iiedh/fr/publications/declaration

[3] Ce qui est étonnant c’est que le législateur français continue en 2013 à réduire la culture à des offres de produits sur les territoires (voir par exemple la commission des affaires culturelles sur la loi de décentralisation :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r1207.asp)

[4] Voir le précieux enseignement d’Alain Renaut dans « l’Humanisme de la diversité » éditions Flammarion.

[5] Voir l’Approche Basée sur les Droits de l’Homme en développement, http://unifribourg.ch/iiedh/assets/files/DS/DS19- ABDH-3.pdf

[6] Amartya SEN « L’idée de justice » Flammarion, page 306.

[7] Pour une démonstration détaillé voir JM Lucas et Doc Kasimir Bisou « Culture et développement durable » éditions IRma 2012

[8] Selon l’expression d’Amartya Sen dans « L’idée de justice » , (disponible en collection poche Champs).

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Comprendre l’éthique

René Villemure

Voir du sens là où les autres voient des choses

– Umberto Eco

Les scandales et les frasques politiques mettent l’éthique à mal.

L’éthique est partout. De tous les bulletins d’informations, de toutes les manchettes.

L’éthique est nulle part. On cite l’éthique pour ne rien dire, pour être dans l’air du temps, pour dire si peu ou, encore, pour l’avoir dit… On cite l’éthique sans en définir le sens, on cite l’éthique pour montrer des choses, brandir des codes ou dénoncer des malversations, alors qu’il faudrait mieux comprendre que citer…

« Comprendre » au sens strict, signifie « saisir l’ensemble; « comprendre » implique la capacité à faire des liens entre divers éléments.  Pour comprendre l’éthique, il faut savoir faire des liens entre celle-ci, la culture ambiante et les évènements qui surviennent dans la culture en question.

Saisir l’ensemble

La « notoriété d’un sujet » n’est pas synonyme de « connaissance d’un sujet ».

Dans l’espace public, on évoque des manquements à l’éthique, des codes d’éthique, des conflits d’intérêts, des fraudes mais, au fond, on ne parle pas d’éthique, ou, si peu. On évoque plutôt la non-éthique croyant ainsi dire l’éthique.  Force est de convenir que cela n’est pas la meilleure manière de clarifier une idée…

Aussi, et bien que plusieurs aimeraient qu’il en soit autrement, l’éthique est une partie de la philosophie et, à ce titre, implique nécessairement une réflexion plus poussée que ne le serait une opinion. IL faut le dire, l’éthique est affaire de réflexion et de hauteur de vue, pas d’opinion ou d’idées reçues.

En premier lieu, il faut savoir et comprendre que l’éthique est une des parties constituantes de la culture d’une organisation ou d’une société.

À ce titre, si une culture ne se démarque pas on ne la remarque pas, on n’en remarque alors que les manquements. Les nombreuses commissions d’enquêtes tenues au fil des ans nous ont d’ailleurs démontré que la non-éthique pouvait aussi faire partie de la culture d’une organisation ou d’une société…

En second lieu, il faut savoir qu’à titre de composante de la culture, l’éthique n’est pas une chose ou un élément quelconque à « gérer » au sens administratif du terme; elle est bien plus importante. L’éthique doit être la référence première d’une société, son inspiration ultime qui colore tant sa mission que sa vision.

Ainsi comprise, l’éthique est affaire de sens.

Le sens, c’est la direction, c’est la sensibilité, c’est le chemin.  L’absence de sens, c’est l’égarement, l’inconduite et la faute.

L’éthique est une réflexion qui propose de chercher à déterminer le sens à donner à une conduite.  Curieusement, dans cet effort de recherche de sens, plusieurs vident l’éthique elle-même de son sens en la réduisant à une structure, à un code, à un effort de surveillance ou de dénonciation.  Même si ces outils sont parfois nécessaires, ils ne sauraient à eux seuls constituer l’éthique d’une organisation. Il est impératif de distinguer les outils de l’éthique de l’éthique elle-même parce que, vidée de son sens, l’éthique n’est plus que du markethique ou de l’éthique d’apparat.

D’ailleurs, sans le sens, comment l’éthique peut-elle suggérer une direction?

Que faire alors d’un code d’éthique qui n’est souvent qu’un prétexte utilisé pour justifier des normes et des contrôles?

Les infrastructures ou les codes d’éthique, sans le nécessaire effort de sens et de migration culturelle qui doit les accompagner, demeureront vides de signification et ne pourront faire qu’illusion.  Ces infrastructures et codes donneront, à ceux qui aimeraient mieux ne pas en parler, le sentiment, faux, d’un monde éthique.

L’éthique est affaire de culture, ne l’oublions jamais. Un dispositif de surveillance ne saurait à lui seul assurer l’éthique d’une société.  « On ne peut rendre les gens bons par décret », disait avec justesse Oscar Wilde.  Il avait raison. Il a toujours raison.

Enfin, n’oublions jamais qu’il demeurera toujours plus facile ou moins exigeant de surveiller que de penser; sachons aussi que la conformité n’a jamais engendré un monde meilleur.

L’éthique résulte d’une certaine prise de conscience collective : il y a déjà beaucoup de codes, beaucoup et de normes, il y a toujours de l’injustice et des comportements inéthiques.

Pourquoi ? Parce qu’un code ou une norme ne sauraient remplacer l’éthique.

Puisque « nommer, c’est dire avec du sens », tentez de questionner et de comprendre l’éthique et les valeurs de votre société, organisation, ministère ou organisme.  Faites les efforts nécessaires pour comprendre le sens donné à l’éthique dans votre société parce que sans le sens, sans la direction qu’elles impliquent, l’éthique et les valeurs ne seront que des mots écrits sur la vitrine de l’indifférence

L’éthique est affaire de sens.



*  *  *

Ce ne sont pas tous les méchants qui font le plus de mal en ce monde.  Ce sont les maladroits, les négligents, les crédules.  Les méchants seraient impuissants sans une quantité de bons.

 – Paul Valéry

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Risquer la réflexion…

René Villemure

Dans la mesure où l’éthique naît du désir de dire quelque chose de la signification ultime de la vie, (…),

de ce qui a une valeur absolue, l’éthique ne peut pas être une science.

– Ludwig Wittgenstein

Nous l’avons dit et redit, écrit et publié sur plusieurs tribunes : l’éthique est une composante de la culture; elle représente le volet culturel du « vivre-ensemble ».  Les Grecs disaient que l’éthique avait comme objectif la vie bonne, l’harmonie entre les citoyens.

Qu’en est-il de l’éthique en 2013 où les seuls discours entendus à son sujet sont souvent ceux de la catastrophe, ceux qui disent le manque d’éthique ou encore ceux qui répètent les manquements à l’éthique? Comment se fait-il que l’éthique soit passée d’un élément aussi noble à un « problème » ou à un « risque »? Qu’est-il arrivé pour qu’une composante de la culture ait été réduite à un incident qui doit être géré?  Le parcours n’est pas simple.

Pour y voir plus clair, convenons dès le début que le « vivre-ensemble » et les concepts de « risque » ou de « problème » relèvent de lexiques différents.  Le premier est, dans son essence, social et interrogatif tandis que les deux autres appartiennent aux lexiques de l’entreprise ou du commerce.

Le lexique de l’entreprise est fondamentalement celui du « comment ». L’entreprise déteste l’imprévisibilité et a ainsi tendance à instrumentaliser son quotidien afin de le rendre prévisible.

Or, de son côté, l’éthique a comme visée de « Bien faire »; ce « Bien faire » étant sujet à de multiples interprétations, l’entreprise a donc décidé qu’en raison de son « imprévisibilité » celui-ci constituait un « risque » et pouvait même devenir un « problème », on tente donc de le « gérer »…

Contrairement à ce que l’on pourrait penser à première vue, le vice de ce raisonnement ne réside pas chez l’entreprise.  Celle-ci fonctionne selon sa logique propre de minimisation des risques et de maximisation des profits.  Le défaut de ce raisonnement est plutôt que l’ensemble de la société, incluant les gouvernements, a dorénavant choisi d’être évalué selon les seuls critères de l’entreprise.  De nos jours, on « gère » sa vie, on « gère » le gouvernement, on « gère » nos relations…

D’une collectivité d’idées, la société est lentement devenue une entité à risque, un problème qu’il convient de résoudre… Tous devraient pourtant savoir que le lexique de l’entreprise, celui du « comment », est insuffisant lorsqu’utilisé hors du champ de l’entreprise; il ne saurait répondre aux questionnements éthiques qui sont le propre de la société, de la culture et du « vivre-ensemble ».   C’est au fil du temps, lorsque l’on a décidé que « gérer » était un idéal, confondant ainsi le « comment » avec le « pourquoi » que l’éthique est devenue un « risque » ou un « problème »…

Le lexique social est dorénavant calqué sur celui de l’entreprise.  Le lexique social est, dorénavant, celui de l’entreprise. En conséquence le lexique social se vide de sa culture propre, se réduit lentement à un banal « comment » sans idéal, vide de sens et de culture.

Sachant que « nommer, c’est dire avec du sens » l’impact de ce changement de lexique n’est pas seulement celui du choix des mots; il s’agit d’un changement sans précédent dans la manière de voir et d’appréhender la vie et la société.

Alors que le « vivre-ensemble » cherchait à définir un idéal d’harmonie entre tous, le concept de risque engendre la méfiance.  Conséquemment, en instrumentalisant et institutionnalisant la méfiance plutôt que le « vivre-ensemble », la méfiance devient l’avenir… et cet avenir, risqué, est perçu comme étant constitué de « problèmes »…  Ce qui n’est pas très joli…

De plus, on réduit la nécessaire réflexion autour de l’éthique à un banal choix de moyens (lignes de dénonciation, codes, conformité).  Rien, ou si peu, pour soutenir, émanciper ou faire vivre une culture…

Une culture, comme une œuvre d’art, appartient à une époque, à un peuple ; une œuvre d’art est toujours une présentation de l’artiste qui la conçoit.  Faisons en sorte que notre culture puisse être vivante, que nous puissions nous présenter comme des citoyens préoccupés du « vivre-ensemble » plutôt que de simples gestionnaires de nos vies cherchant à gérer des risques et des problèmes.

Cessons de faire de mauvais emprunts lexicaux et de mauvais choix de lexiques.

Tous s’en porteront un peu mieux.

Comme on désire le bonheur, on devrait désirer l’éthique

R-G Laporte

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