Au cœur mais en réalité présentée en amont de la réforme des collectivités territoriales, la suppression annoncée de la taxe professionnelle soulève de nombreuses interrogations et inquiétudes, malgré les explications de l’Etat sur les mécanismes de compensation, comme nous l’avions déjà évoqué en marge d’une réunion de Forum pour la Gestion des Villes en début d’année. Un autre point marquant de la réforme est la montée en puissance de l’échelon intercommunal, dont seule une fraction des mécanismes de compensation de la TP est à peine évoqué alors que la discussion sur le projet de loi début aujourd’hui à l’Assemblée Nationale. De l’avis de nombreux professionnels et acteurs des politiques territoriales, l’enjeu se situe principalement sur le risque (supposé, réel ou symbolique) de mise sous tutelle de l’Etat, d’une réduction des déficits publics (et l’indubitable transfert de charges vers les collectivités qui va avec) et de la répartition des compétences pour une meilleure articulation entre les différents échelons territoriaux. On peut dire d’une certaine façon que c’est dans cette détermination et cette répartition des compétences que ce décide la future gouvernance économique des territoires.
Sur le plan culturel en particulier, les ergotages vont bon train sur l’impact de la disparition de la clause de compétence générale pour certains échelons territoriaux, avec deux analyses qui s’opposent (sans être contradictoires) sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir dans un prochain post traitant des assises de la plate-forme interrégionale d’échange et de coopération culturelle auxquelles nous assistions il y a quinze jours à Poitiers.
Sur le fond des choses, ce qui se joue dans la question de la compétence culturelle transférée à un échelon territorial supérieur à celui de la commune, c’est tout simplement le changement dans la manière de concevoir, de financer et de mettre en œuvre les projets culturels. Ce n’est certes pas la fin des financements croisés à court terme. Pour autant, dans un cas comme celui de l’intercommunalité, il faut bien reconnaître que le renouveau des pratiques de gestion de la culture est en marche et que, même si les exemples réussis montrent une dynamique tout à fait intéressante, la question de la mutualisation et de la mise en réseau est difficile pour de nombreux élus car ils ont le sentiment de perdre leur pouvoir et la maîtrise de leur territoire (n’oublions pas que la culture dans notre tradition française est encore aujourd’hui un pré-carré politique).
L’intercommunalité est toutefois un territoire pertinent pour des secteurs habitués à travailler en réseau comme les enseignement artistiques, la lecture publique. Ceux-ci couvrent en effet un territoire qui, au-delà de la commune stricto sensu, concerne assez naturellement un bassin de vie, dont le périmètre est généralement plus vaste.
Transférer la compétence culturelle à une intercommunalité est tout particulièrement une inquiétude pour les villes moyennes en périphérie de celle-ci car elles ont souvent des politiques culturelles bien structurées. Le transfert modifie de facto cette structuration mais pas seulement. En effet, la culture comme compétence intercommunale modifie la nature même de la politique culturelle. On passe d’un politique culturelle à une gouvernance de plusieurs politiques culturelles dans laquelle chacun peut apporter sa contribution mais le fait de ne plus être seul nécessite l’apprentissage de la gouvernance à plusieurs.
En revanche pour les villes de plus petite taille, l’intercommunalité est une solution qui permet de compenser le fait qu’elles n’ont bien souvent pas les moyens d’une politique culturelle. Dans ce cas, l’intercommunalité peut palier le déficit de moyens communaux.
Dans tous les cas il convient :
- de faire émerger des projets intercommunautaires car s’il ne s’agit pas de créer une supra-identité à court terme, il faut simplement avoir conscience qu’on participe désormais à une identité commune qui s’affirme et qui s’affirmera toujours plus,
- d’intégrer une culture de la négociation où même des intérêts communaux contradictoires peuvent et doivent déboucher sur un projet culturel commun ou partenarial où chacun y trouve son intérêt.
La culture au niveau de l’intercommunalité, c’est peut-être un exemples les plus probants où le « vivre ensemble » peut prendre tout son sens politique.
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