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A propos de « l’infarctus culturel »

Un livre publié en Allemagne en mars 2012 (Der Kulturinfarkt « l’infarctus culturel ») soulève une polémique dont s’est fait écho le n° 1129 du Courrier International (semaine du 21 au 27 juin 2012) en en publiant des extraits traduits. Ecrit par 4 professionnels de la culture, plutôt gestionnaires, Pius Knusel directeur de la fondation culturelle suisse Pro Helvetia, Stephan Opitz haut fonctionnaire de la culture dans le Land de Schleswig-Holstein, Dieter Haselbach, consultant culturel, et Armin klein, professeur de management de la culture, il a soulevé une « bronca » de l’intelligentsia artistique et culturelle allemande. Pourtant que ne pourrait-on avoir un tel débat en France tant les constats faits par les auteurs sur le monde culturel germanique sont proches de ceux que nous observons tous les jours dans notre pays à propos de la politique culturelle ?

Qu’on en juge en déroulant leur diagnostic :

  • la culture ne peut échapper à la réduction des dépenses publiques et le fait que « la culture n’est pas une marchandise » n’y changera rien
  • « la culture subventionnée est un malade alité dans sa chambre qui ne s’intéresse à rien de ce qui se passe hors de ses quatre murs »
  • « la culture subventionnée, au nom de la culture pour tous revient à assurer la pérennité des privilèges et des acquis » (des acteurs et des publics)
  • tout le système est de fait basé sur un marketing de l’offre (plus de musées, plus d’institutions culturelles tout comme en France) souvent ignorant de la demande : l’offre augmente, le gâteau de la demande doit se partager entre des acteurs de plus en plus nombreux et de fait ce sont toujours les mêmes (5 à 10 % disent les auteurs ; en France plutôt 5 % selon les études d’Olivier Donnat sur les « Forts Pratiquants Culturels ») qui « s’intéressent à l’offre culturelle avec un grand C »
  • le fait de s’affranchir de la demande « au nom de la liberté artistique » se traduit par des institutions dont le taux d’autofinancement ne dépasse pas 15 %
  • au passage, un effet ciseau fait que « tout le monde vit au paradis » grâce aux subventions, des coûts de production qui s’envolent et une baisse constante du prix des billets (en raison de la concurrence féroce entre institutions et des ambitions pédagogiques); cet argument revisite à l’époque contemporaine l’explication du nécessaire subventionnement du spectacle vivant qu’avait mis en évidence l’économiste Baumol dans les années 60 en montrant que les séries courtes de diffusion et l’avant-garde entraînaient une inflation des coûts de production qui générait une économie subventionnée
  • « les politiques préfèrent inaugurer un nouveau musée ou créer un énième festival plutôt que de s’interroger sur sa finalité (d’où les justifications actuelles par le tourisme, les retombées économiques, ou l’économie créative qui profiterait à l’ensemble de l’économie)
  • à l’appui de leur thèse les auteurs citent un ancien directeur du musée de Hambourg, Uwe Schneede, qui résume ainsi « Les structures sont obsolètes, il y a trop de paperasserie, trop d’ingérences des politiques et de l’administration, il n’y a pas assez d’ouverture vers le public, pas assez d’autonomie, de contrôle des résultats, pas assez d’initiatives à destination des mécènes et des collectionneurs privés »
  • la subvention paralyse dans les institutions culturelles le risque nécessaire pour innover et en cela, se frotter au marché, à la concurrence privée est essentiel pour « éprouver les conséquences de leurs échecs et de leurs succès sur le marché »

Mais bizarrement, face à un diagnostic si juste, tout à fait adaptable à la France (on pourrait même rajouter en France, pays centralisé à la différence de l’Allemagne, le déséquilibre entre les institutions parisiennes et celles de Province), les conclusions tirées par les auteurs sont peu crédibles : ils proposent en effet pour le bien du système de diminuer drastiquement le nombre d’institutions par deux, pour recentrer les aides publiques sur « ceux qui le méritent, sur de nouvelles formes et supports de production et de diffusion culturelle, la culture amateur , l’enseignement artistique et une formation artistique véritablement inter-culturelle ». C’est vraisemblablement ces conclusions extrêmes, et non le diagnostic, qui à juste titre ont fait qualifier ce livre de « simpliste » « néolibéral », « vague », « de la provocation gratuite ».

Pour notre part, et nous sommes quelques-uns dans le secteur culturel à le penser depuis des années, nous disons qu’il faut graduellement inciter les institutions culturelles à compter plus sur leurs propres forces et moins sur les subventions, à augmenter leur taux d’autofinancement en recrutant plus de nouveaux publics non acquis à la culture, par des formes nouvelles et décalées collant aux tendances contemporaines, par des horaires élargis, par des communications efficaces (non destinées au seul milieu culturel et ne reposant pas uniquement sur le web social), et tout autant à les faire dépenser plus, pas seulement en augmentant les prix, mais aussi en générant de nouveaux services lucratifs (librairies-boutiques, restaurants, audioguides, locations de salles…). Faire croire aux acteurs culturels que le mécénat remplacera les subventions est tout autant dangereux, car il est fortement soumis à la conjoncture et au « fait du prince », et surtout cela retardera la nécessaire prise de conscience que la bataille principale pour les institutions culturelles est l’augmentation du taux d’autofinancement issu des visiteurs et des spectateurs (dans un marché). Plutôt que, comme nos collègues allemands, proposer de « couper dans le vif », disons qu’au cas par cas, il faut que partout au niveau de l’Etat et des Collectivités Locales se généralisent des contrats d’objectifs graduels visant à faire sortir toutes les institutions culturelles des zones « malsaines » des taux d’autofinancement à 15-20 % vers des zones à négocier selon les établissements entre 30 et 50 %. Et pas au-delà, car sauf rarissime exception, la culture a un prix que le service public doit assumer mais pas systématiquement, par confort et par habitude, à plus de 80 %.

Jean-Michel Puydebat*

*Jean-Michel Puydebat est consultant spécialisé en management de la culture, directeur de PV2D, président du réseau de consultants CPIP et membre de CEG.

Sur le même sujet, lire notre article paru au moment de la publication de l’ouvrage en question :

 Pour votre complète information, Pius Knusel a tout récemment quitté ses fonctions.

Du même auteur :

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De l’influence du droit communautaire sur les financements des services culturels / 2

Suite à la publication dans le dernier numéro de La lettre du spectacle des meilleurs moments de l’interview de Philippe Gimet, fondateur de CEG, nous publions l’intégralité de l’entretien afin de prolonger la réflexion et le débat.

Contrairement au rapport des sénateurs sur le sujet, vous semblez inquiet des conséquences des nouvelles règlementations « Almunia » sur le fonctionnement des structures culturelles françaises, pourquoi ?

Le rapport du groupe de travail sur l’influence du droit communautaire sur le financement des services culturels par les collectivités territoriales a raison sur un point, il y a bien une « insécurité juridique » effective depuis le 1er février 2012 sur les financements publics (Etat et Collectivités) en direction des acteurs et institutions culturelles.  Mais le rapport ne dit pas concrètement quelles sont les menaces pour l’écosystème culturel bénéficiaire jusqu’alors de ces financements sous formes de subventions directes.

S’adressant à l’ensemble des pouvoirs publics, nationaux et locaux, le pack Almunia émet un principe général d’interdiction des aides d’Etat et des collectivités, tout en autorisant certaines compensations notamment pour la fourniture de « services d’intérêt économique général » (SIEG).

Très concrètement, cela confirme à nouveau que les acteurs culturels relèvent de la directive « services », ils sont donc considérés comme des opérateurs économiques et relèvent du champ concurrentiel. Cela implique par définition que la subvention publique enfreint les règles d’équité et de transparence et que dans ces conditions il convient de mettre en concurrence.

SI on ne se place que du point de vue du droit, ce qui semble être son unique posture, la moindre des choses eut été de dire dans ce rapport :

  • que la porte est dores et déjà ouverte aux requalifications en marché et aux recours contestant toute absence de mise en concurrence ou la présence de concurrence faussée ;
  • que la culture est désormais considérée comme un secteur économique comme un autre, ce qui signifie à peu de choses près la fin de l’exception culturelle et de son régime dérogatoire ou d’exemption contrairement à ce que prétend encore croire Monsieur Eblé ;
  • que l’écosystème du secteur culturel subventionné est profondément menacé au-delà de la règle dite des minimis soit 500 KE sur trois ans (compensations autorisées pour la fourniture de « services d’intérêt économique général » auxquels sont assimilés les acteurs culturels ;
  • que de nombreux acteurs culturels ne sont pas en mesure de rapidement muter pour répondre au critères de mise en concurrence ou de conditionnalité de la compensation et disons-le tout net à leur « mise sur le marché ».

C’est donc un pan important de la mission de service public culturel tel qu’il était jusqu’alors confié aux structures culturelles qui est remis en cause dans ses modalités pratiquées jusqu’alors.

Il eut été sage de ne pas trop s’endormir sur nos lauriers de 50 ans de politique culturelle, retranchés derrière notre exception culturelle, et d’être clairvoyants sur le mouvement en marche puisque dans l’énergie comme dans les transports, l’Europe a tracé la voie de longue date et il a fallu organiser la fin des monopoles sur plus d’une décennie.

La réglementation désormais applicable et le jeu des recours et procédures ne permettra que de temporiser ce qui remontera inévitablement au niveau européen et le droit communautaire prévaudra sans le moindre doute.

Pour caricaturer, la mutation qui s’est opérée et accélérée ces 10 dernières années c’est celle du 100% subvention au 0% subvention publique directe, c’est celle d’un équilibre relatif entre le non-marchand et le marchand à un environnement essentiellement concurrentiel et de marché, celle de la mission de service public culturel à la culture comme secteur de fourniture de service d’intérêt économique général.

On peut donc alerter sur l’insécurité juridique mais on ne peut se contenter des recommandations faites dans ce rapport. Si on s’en contente, c’est un aveux criant d’impuissance et il arrive bien trop tard car cela fait déjà un moment que tous, politiques, institutions, acteurs et consultants du domaine culturel savons quelles mutations se profilent.

Pensez-vous qu’il faudra, à terme, constituer des établissements publics pour toute structure culturelle subventionnée à plus de 500 000 euros sur trois ans, si une collectivité veut échapper à la suspicion de « concurrence faussée » ?

La question mérite d’être posée mais en tout état de cause, il va falloir tracer une frontière extrêmement claire entre ce qui relève du statut public et du statut privé et ne plus entretenir le flou comme c’est le cas en France depuis plusieurs décennies, de la convention pluriannuelle (qui est de moins en moins pluriannuelle compte tenu de la crise financière et économique) à la délégation de service public de type affermage. C’est le mode de gestion tout entier qui est menacé. Pendant très longtemps notamment, le modèle associatif a été privilégié pour sa supposée souplesse comme par opposition à la lourdeur et la lenteur des machines administratives publiques. Pendant ce temps-là l’Europe et les états membres, sous le leadership de gouvernements de droite comme de gauche, renforçait la technicité des instruments, organisaient les transferts de souveraineté et transposaient un droit communautaire fortement orienté sur l’acceptation de la mise en concurrence et l’économie de marché.

Combien d’acteurs culturels reçoivent plus de 166 KE de subventions par an sur trois ans ? Vous voyez le nombre d’établissement publics qu’il faudrait créer pour endiguer ne serait-ce qu’à court terme le problème ?

Il est assez évident que les territoires où la dimension de coopération est forte ou se renforce (comme c’est notamment le cas à travers le mouvement de l’intercommunalité et de la métropolisation) vont devoir être les premiers à trouver des solutions soutenables (au sens anglo saxon du terme).

Il y a évidemment le risque d’une partition beaucoup plus forte entre service public et service d’intérêt général de statut privé ou parapublic, ce qui équivaut à de la gestion déléguée sous la forme d’un statut privé.

La question de la suspicion de « concurrence faussée » prend une tournure bien particulière notamment au regard de la jurisprudence qui jusque là avait d’une certaine manière contenu le problème avec l’arrêt d’Aix-en Provence qui a tant fait coulé d’encre. Or, c’est là que vient s’ajouter un élément de jurisprudence française récent qui vient également renforcer la tendance : l’arrêt du conseil d’Etat du 9 mai dernier faisant primer le principe de libre accès à la commande publique et de mise en concurrence dès lors que l’impartialité de la procédure est apparente, révélant ainsi une marge de manoeuvre très étroite quant à la mise à l’écart d’office d’une candidature. En d’autre termes, il va falloir trouver d’autres arguments que ceux jusqu’à présents employés pour confier la mission en question à un opérateur local pressenti ou légitime au demeurant.

Là aussi il faut voir au-delà de notre vision ethnocentrée de l’europe et il ne fait aucun doute que le passage de la mission de service public à la fourniture de services d’intérêt général économique peut conduire à l’agenciarisation de la culture comme c’est déjà le cas ailleurs et à la marginalisation des missions culturelles et artistiques qui ne revêtiraient pas un caractère économique suffisant.

Dans tous les cas la fin de la concurrence faussée comme vous le dites annonce une mutation forte des acteurs culturels. Certains l’ont anticipé en se professionnalisant, en se préparant à une plus forte mise en concurrence et à la recherche de sources de financements complémentaires, mais il est clair que beaucoup d’entre eux ne s’y sont pas préparés, ce qui sera lourd de conséquences. L’écossytème culturel déjà très fragile l’est inévitablement encore plus désormais.

Y a-t-il une chance, à votre avis, de « renégocier » (le terme est à la mode) la place de la culture dans le paquet réglementaire européen sur les services ?

Je voudrais bien y croire, notamment au regard de l’alternance politique qu’une majorité de citoyens a choisie en France et des possibles autres alternatives qui se profilent peut-être.

Mais l’Europe ne se fait pas en solitaire, c’est un projet collectif. Il va falloir accepter ce jeu collectif et les compromis qui vont avec. Si ce collectif existe à court terme et s’inscrit dans la durée, alors oui, on pourrait légitimement croire qu’on va pouvoir « renégocier » mais j’aurais plutôt tendance à croire qu’on devrait d’abord essayer de remettre de la régulation et il faut espérer que la culture (que ce soit en tant que secteur économique et professionnel tout comme en tant que projet de société et comme élément constitutif de la dignité humaine) participe de ce mouvement d’amélioration de la régulation.

De ce point de vue d’ailleurs, le chantier des politiques culturelles au sein de l’Europe mérite d’être véritablement posé, car on voit bien la multiplication des instruments nationaux plus ou moins mis à mal selon les Etats membres.

Le premier problème se situe dans la régulation proprement dite car jusqu’à présent l’Europe a institué, plus particulièrement depuis le traité de Lisbonne, une dérégulation qui a conforté le projet européen au niveau d’une vaste zone de commerce et de libre échange sans pour autant en renforcer parallèlement le projet politique. Et puis l’Europe s’est élargie et les équilibres traditionnels se sont progressivement modifiés et on voit bien que la directive « services » est déjà transposée dans ce sens.

Le second problème se situe dans la manière dont la régulation va être renforcée et c’est peut-être là qu’il y a encore des marges de manoeuvre. Si on parvient à faire la démonstration qu’il ne s’agit pas d’une problématique ou d’une spécificité franco-française. La question de mener un lobbying à Bruxelles telle que préconisée dans le rapport du groupe de travail du Sénat n’aura de sens et d’efficacité que si c’est l’ensemble ou une majorité suffisante des Etat membres qui parviennent à identifier au-delà de l’insécurité juridique  les conséquences, les opportunités, les menaces, les solutions et les alternatives existantes. De ce concensus, et pas du plus petit dénominateur commun espérons-le en tout cas, pourra être construite la régulation que beaucoup attendent.

Fin de la deuxième partie.

Première partie : ici.

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De l’influence du droit communautaire sur les financements des services culturels / 1

Nous en avons déjà fait mention plusieurs fois ces derniers jours car le sujet ne fait aucune vague ou presque, en tout cas dans les médias, et il faut absolument en parler car ce quasi silence radio donne la fausse impression qu’on se résigne à laisser nos politiques, certains d’entre eux en tout cas à gauche comme à droite, louvoyer non sans opportunisme et porter sans conviction des visions qui trahissent un aveux d’impuissance criant.

Nous nous serions résignés à subir ce qui nous est présenté par ces mêmes politiques comme inévitable et qui est posé d’emblée comme une guerre de tranchées entre droit communautaire et droit souverain.

Dans tous les secteurs, un des rôles des acteurs des territoires est d’éclairer le politique, de lui confier leur expertise. Les acteurs sont en effet les premiers à pouvoir témoigner de l’impact des actions et des projets qu’ils mènent dans un éco-système où le politique cherche à traduire et porter une volonté, des valeurs, des visions. Cet éco-système est d’ailleurs très largement régi par la répartition des compétences entre Etat et Collectivités territoriales qui doivent s’exercer en étroite collaboration. Les acteurs territoriaux, dont certains reçoivent des financements publics pour mettre en œuvre une part de ces compétences selon des objectifs ciblés, sont au contact du terrain et exercent, appelons en chat un chat, un part de la mission de service public.

Ils contribuent ensemble à animer, valoriser, renforcer et enrichir la qualité du cadre de vie de nos territoires.

Cette gouvernance public-privé, disons-le tout net, ne peut tout réussir ni tout résoudre mais il est clair que l’architecture de notre contrat social repose en grande partie sur cette coopération étroite. Or cette coopération étroite évolue au gré des réformes, s’adapte au fil des grands changements sociétaux mais n’a jamais été bouleversée en profondeur depuis les premières lois de décentralisation.

Or la construction européenne, que certains accusent à tort, par crainte ou par ignorance, de tous les maux, modifie la donne acquise depuis des générations, elle amène à considérer non pas qu’il convient d’uniformiser nos espaces souverains et nos cultures mais de les harmoniser (ce qui est bien plus qu’une nuance), de placer le vivre ensemble souverain dans une dimension communautaire. En d’autres termes, l’Europe en marche est l’Europe qui fixe un minimum de règles communes et de principes partagés. Cela signifie qu’il convient d’instituer ces règles et ces principes, au travers du droit communautaire, capable de s’appliquer à tous pour que chacun puisse participer à construire l’identité européenne à partir de sa propre culture et de ce qu’il en tire pour sa propre culture.

De ce point de vue, transposer une directive européenne en droit souverain appelle nécessairement des adaptations d’une part et des dérogations de l’autre, ceci étant nécessairement l’objet de négociations plus ou moins âpres. C’est le lot quotidien du politique que d’assurer que l’intérêt général puisse prévaloir à chaque instant dans ces transpositions qui sont bien plus que du juridique ou du langage technocrate comme disent les eurosceptiques.

La responsabilité est donc grande, ce qui oblige à ce que le dialogue soit fort entre le niveau local, national et européen.

Dans le domaine culturel, il en va de même à priori, sauf que force est de constater que le système est en panne. Nos politiques et nos institutions ont profité des fonds structurels pendant près de 15 ans pour investir dans la réalisation d’infrastructures, d’équipements et de projets tous aussi essentiels et qu’ambitieux, que les Collectivités et encore moins l’Etat ne pouvaient envisager avec autant de moyens. Or, le tarissement annoncé de ces fonds en France (réorientés vers les Etats membres qui en ont plus besoin que nous, et oui, l’Europe est aussi solidaire de ce point de vue-là !) ne semble pas avoir alerté suffisamment quant à l’après fonds structurels ; nos politiques n’ont pas été suffisamment réorientées faute de coordination, faute de dimension interministérielle pour l’Etat et faute de décloisonnement suffisant pour les Collectivités mais aussi faute de vision et de repères clairs pour construire l’avenir.

Les engagements pris ou hérités ont fait la démonstration d’un flottement, d’une errance politique où ce que l’on caractérisait comme un fossé grandissant vis-à-vis du citoyen le devenait aussi vis-à-vis de l’administration et de la « techno structure ». Distraits par des grands débats politiques qui ne font pas apparaître clairement quels sont les enjeux profonds à l’œuvre, les négociations du Traité de Lisbonne ont été le moment décisif où le projet européen s’est fortement orienté en direction de la dérégulation, ce qui précipita plus encore la prédominance de l’économique sur le politique.

Cette tendance lourde à la dérégulation a bien évidemment orienté la façon de penser le droit communautaire mais également la manière dont il se transpose. Les mécanismes de régulation ayant été progressivement amenuisés, les territoires et plus particulièrement les Collectivités ont été contraintes de s’auto-réguler plus encore qu’auparavant, compte tenu de la défaillance plus ou moins forte des Etats, selon les cas.

C’est un boulevard qui s’est ouvert pour les industries culturelles et l’économie dite « créative », creusant ainsi un peu plus l’écart entre la culture « marchande » et la culture « non marchande », entre le privé et le public.

Les acteurs culturels des territoires ont vu leurs missions et leurs projets non pas renforcés mais regardés de plus près, évalués plus fortement par les Collectivités afin de mieux assurer la mission de service public culturel et de services aux publics, faute d’un Etat ou d’une Europe en ordre de marche. Dans le milieu culturel, l’évaluation a longtemps été une question très complexe, pour ne pas dire tabou. Mais petit à petit, chacun est amené à considérer l’adéquation entre les moyens alloués et les résultats produits, tant au plan quantitatif qu’au plan qualitatif, afin de pouvoir construire les actions futures sur la base de budgets dont on a progressivement vu la reconductibiité remise en question.

De plus en plus, les acteurs culturels doivent respecter des critères de conditionnalité des aides qui les poussent plus encore dans l’incertitude certes, mais surtout qui leur donnent le sentiment que la mission culturelle leur est déléguée sans que le temps et les moyens nécessaires leur soient transférés. Ils doivent trouver de nouvelles ressources et à partir de ce moment-là, ce que certains appellaient « la fin de l’ère du 100% subvention », les acteurs culturels ont dû s’adapter, faire évoluer leur propre méthode de gestion et leur ingénierie pour ne pas mettre à mal leur métier et les missions. Beaucoup n’y sont pas parvenus et beaucoup d’autres n’y parviendront pas non plus.

Si ce mouvement d’adaptation était pourtant prévisible, le mouvement qui a suivi l’était tout autant mais les acteurs culturels ont-ils pour autant pleinement passé le premier cap d’évolution ? Rien n’est moins sûr, car ce qui allait de soi dans l’action culturelle, c’est-à-dire sa vocation, ses finalités et ses fondamentaux, a été éclipsé par ce qui n’allait pas de soi, notamment les critères de conditionnalité des aides de l’échelon municipal à l’échelon européen.

La décennie qui vient de s’écouler est clairement pour le secteur culturel une décennie de transition entre deux modèles, deux modèles hélas extrêmes : du 100% subvention au 0% subvention. C’est là justement que se situe l’enjeu majeur de l’harmonisation européenne : remettre de la régulation pour tracer une voie médiane, plus apaisée et constructive plutôt que de laisser s’installer de la manière la plus violente qui soit le passage d’un extrême à l’autre.

Et c’est bel et bien là que le bas blesse car le droit communautaire a évolué entre temps. Le paquet Monti-Kroes, datant de juillet 2005, a été remplacé par le paquet Almunia, adopté par la Commission européenne le 20 décembre 2011 et applicable en France depuis le 1er février 2012. S’adressant à l’ensemble des pouvoirs publics, nationaux et locaux, il émet un principe général d’interdiction des aides d’État (mais dans le langage européen il faut aussi comprendre des aides des Collectivités), tout en autorisant certaines compensations notamment pour la fourniture de « services d’intérêt économique général » (SIEG). Au-delà d’un certain seuil de subvention, le seuil de minimis, qui devrait prochainement être fixé à 500 000 euros sur trois ans, toute compensation fait l’objet d’une notification et cette notification fait bien évidemment l’objet de conditionnalités.

Ceci est lourd de conséquences pour la culture et plus généralement pour l’écosystème culturel. Des mutations profondes s’annoncent et leur application légale depuis le 1er février 2012 menace l’éco-système culturel.

Si nous allons au bout de la logique désormais en place, le secteur culturel est un secteur économique comme les autres, les acteurs culturels sont des opérateurs économiques comme les autres. Cela signifie clairement que la culture relève du champ concurrentiel et que toute intervention ou subvention publique enfreint les principes fondamentaux d’égalité et de transparence. Exit les politiques publiques de financement de la culture, en tout cas telles que nous les avons connues jusqu’à présent.

Le groupe de travail sur l’influence du droit communautaire sur le financement des services culturels par les collectivités territoriales a rendu ses conclusions au Sénat au début du mois d’avril. Le communiqué de presse qui nous est parvenu avec la synthèse du rapport du président du groupe de travail Monsieur Vincent Eblé témoignent de la complexité et de l’importance du sujet mais est surtout la preuve la plus évidente du retard accumulé pour prendre ces questions à bras le corps vis-à-vis de l’Etat et de l’Europe. Ce qui en devient révoltant c’est que notre pays ayant une longue pratique du cumul des mandats, la plupart de nos élus ont parfaitement conscience des enjeux, des menaces auxquelles il faut s’attaquer et des opportunités qu’il convient de saisir dès maintenant pour trouver des solutions soutenables.

Que dire donc du rapport de Monsieur Vincent Eblé, de sa position pour le moins prudentielle et qui se contente de poser des « pistes à explorer » ? Et bien, il arrive trop tard, beaucoup trop tard tel qu’il est rédigé pour endiguer le processus en cours par quelque régime dérogatoire ou d’exemption que ce soit. Tant que l’on en restera à cette absence de mobilisation politique, on aura beau jeu de brocarder et instrumentaliser la culture tout en lui passant de la pommade sur le dos dans les discours, les cocktails d’inaugurations, les think tank de partis politiques, les réunions publiques ou les meetings électoraux.

Il est désormais vital que politiques, techniciens et acteurs culturels prennent collectivement leurs responsabilités car, comme dit le proverbe chinois, c’est au pied du mur qu’on voit le mieux le mur. Nous y sommes.

Fin de la première partie.

Deuxième partie : ici.

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Le sénateur Eblé et l’influence du droit communautaire sur le financement des services culturels

Le groupe de travail sur l’influence du droit communautaire sur le financement des services culturels par les collectivités territoriales a rendu ses conclusions au Sénat au début du mois d’avril. Le communiqué de presse qui nous est parvenu avec la synthèse du rapport du président du groupe de travail Monsieur Vincent Eblé témoigne de la complexité et de l’importance du sujet.

En effet, le droit communautaire évolue. Le paquet Monti-Kroes, datant de juillet 2005, a été remplacé par le paquet Almunia, adopté par la Commission européenne le 20 décembre 2011 et applicable en France depuis le 1er février 2012. S’adressant à l’ensemble des pouvoirs publics, nationaux et locaux, il émet un principe général d’interdiction des aides d’État, tout en autorisant certaines compensations notamment pour la fourniture de « services d’intérêt économique général » (SIEG). Au-delà d’un certain seuil de subvention, le seuil de minimis, qui devrait prochainement être fixé à 500 000 euros sur trois ans, toute compensation fait l’objet d’une notification.

Ceci est lourd de conséquences pour la culture et plus généralement pour l’écosystème culturel. Des mutations profondes s’annoncent. Plusieurs de nos membres sont très mobilisés sur cette question, au premier rang desquels Jean-Michel Lucas alias Doc Kasimir Bisou. Après avoir été consulté par le groupe de travail du Sénat, il a adressé à Monsieur Vincent Eblé le courrier ci-dessous, courrier resté sans réponse à ce jour. Dans ce courrier, la position prudentielle du rapport ne se situant quasi exclusivement au plan juridique est dénoncée sans détours et ce qui aurait dû être posé dès le début des travaux du Sénat est rétabli.

_____

A l’attention de Monsieur Eblé,

Sénateur,

Président du groupe de travail sur l’influence du droit communautaire sur le financement des services culturels par les collectivités territoriales

Monsieur Le Président,

J’ai lu avec attention le  rapport sur « l’influence du droit communautaire sur le financement des services culturels » que vous avez présenté au Sénat le 2 avril dernier devant la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Je dois avouer que j’ai été particulièrement surpris par l’analyse que vous avez faite de cette question si déterminante pour l’avenir des politiques culturelles dans notre société de liberté. Je voudrais, en conséquence, vous faire part de mes réactions  en espérant qu’elles puissent influer sur la rédaction finale du document que vous demandez au Sénat de diffuser largement auprès des

autorités publiques et de la société civile.

Mon étonnement tient surtout à l’angle d’approche que vous avez choisi et qui se réduit à une lecture juridique – réglementaire – des dispositifs de soutien aux acteurs culturels. Sur un tel sujet, j’estime qu’une réflexion plus proche des responsabilités d’intérêt général – disons éthiques et politiques – de votre assemblée d’élus du peuple aurait permis de mieux éclairer l’opinion.

* J’observerais d’abord que les textes réglementaires que vous commentez découlent tous d’une même doctrine politique, affirmée avec force par la Directive « services » [1] adoptée depuis 2006 par la Commission comme par le Parlement  européen et qui s’impose à tous les Etats et à toutes les autorités publiques les plus décentralisées. Comme plus personne ne l’ignore, l’enjeu de la Directive est de libéraliser les services c’est à dire de favoriser le marché concurrentiel au nom des valeurs de progrès. Cette libéralisation a pour objectif de «  renforcer l’intégration entre les peuples européens » et de « promouvoir le progrès économique et social équilibré et durable », ce qui n’est pas négligeable ! J’ajoute  toutes les qualités attendues de l’idéal de libéralisation des échanges économiques : « En éliminant ces obstacles, il importe de veiller à ce que le développement des activités de services contribue à l’accomplissement de la mission visée à l’article 2 du traité, à savoir promouvoir dans l’ensemble de la Communauté un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques, un niveau d’emploi et de protection sociale élevé, l’égalité entre les hommes et les femmes, une croissance durable et non inflationniste, un haut degré de compétitivité et de convergence des performances économiques, un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement, le relèvement du niveau et de la qualité de vie et la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les États membres. ».

On ne peut évidemment pas passer sous silence ces valeurs de progrès qui résulteront du bon fonctionnement de la concurrence. Dès lors, quelle  place détient la culture dans ce système de valeurs ? J’observe que vous n’avez pas cru bon de le préciser à vos collègues. Je fais donc le faire à votre place. [2]

Le premier constat est que, dans cette Directive, les services culturels ou artistiques ne sont pas nommés [3]. Je pourrais en déduire, dans une tradition bien française, que les actions culturelles sous forme de spectacles, d’expositions ou d’ateliers de pratique des arts, ne sont pas considérées comme des services soumis à concurrence. Mais cet espoir est vite déçu car les  services culturels ne sont pas non plus identifiés dans  l’article 2 de la Directive qui dresse la liste détaillée des services échappant à l’obligation de concurrence !

On ne peut tirer qu’une seule conclusion de ce constat : les  « services culturels » (hormis l’audiovisuel) sont  inconnus de la Directive « services ». Ce texte lourdement réglementaire, qui dessine les bons moyens d’accéder au progrès collectif et durable dans l’harmonie sociale, n’accorde aucune importance spécifique à l’enjeu culturel ! Avouez que cette ignorance mérite d’être signalée aux responsables artistiques et culturels, si souvent enclins à revendiquer leur mission civilisatrice de la plus haute importance !  Il leur faut bien se rendre à l’évidence : avec la « Directive services », la culture  recouvre des biens et services de droit commun, ordinaires en somme, dont la valeur pour la société est donnée uniquement, comme pour les autres marchandises ordinaires, par  le jeu du marché libre.  L’idée d’un enjeu culturel public – l’idée d’un service public de la culture  et même l’idée, présente dans les conventions Unesco, que la  culture est une  « marchandise pas comme les autres » – est désavouée par la  Directive « services ».  Elle ne connaît que la catégorie des services de « loisir », c’est à dire des services « d’entertainment » en anglais !

* Il s’agit là d’un choix politique, non d’une exigence juridique et il ne suffit pas de noter, comme le fait votre rapport,  que la Commission ne veut pas envisager d’autres perspectives pour s’en satisfaire ! (Je dirai plus loin que d’autres choix en phase avec le Traité sont possibles).

J’insiste sur cette question de la  valeur publique de cette  culture « inconnue » de la Directive pour une bonne raison qui ne vous a certainement pas échappé lors de la lecture attentive du texte de la Directive « services » : en effet, toutes les activités qui relient les hommes entre eux ne conduisent pas au progrès par le jeu concurrentiel. La Directive considère ainsi que le sport amateur relève d’un autre idéal de progrès. Je m’arrête sur le paragraphe 35 consacré au sport, en espérant que vous vous êtes demandé pourquoi la culture ne reçoit pas les mêmes égards : «  (35) Les activités sportives non lucratives pratiquées à titre amateur poursuivent souvent des objectifs entièrement sociaux ou de loisir. Elles ne constituent donc pas des activités économiques au sens du droit communautaire et ne devraient pas relever du champ d’application de la présente directive. » Idéal non concurrentiel pour le sport en amateur, en tant que pratique « entièrement » sociale ! Par contre, la danse en amateur, le théâtre en amateur, la musique en amateur n’ont pas de légitimité à bénéficier du même régime ! Pire, la Directive ignore jusqu’à leur nom.

Pourquoi votre rapport ne tire -t-il aucun enseignement de cette incompréhensible différence de statut, comme si, pour atteindre le « progrès durable », le sport en amateur avait des vertus que n’ont pas les pratiques amateurs des danseurs ou des musiciens ?

* Je voudrais poursuivre ces réflexions sur les enjeux éthiques cachés derrière l’objectivité juridique de la réglementation. Ainsi, vous avez noté incidemment, comme si de rien n’était,  que « les opérateurs culturels sont assimilés  aux autres opérateurs économiques ». C’est malheureusement vrai. Mais d’où vient cette injonction ? Sur quelle valeur publique est-elle fondée ?

Il n’était pas très compliqué de détailler l’argumentaire qui assimile, de manière si étrange, les acteurs culturels non lucratifs à des industriels maximisant leur profit. Il résulte, vous le savez, d’une interprétation donnée par la Cour européenne de justice ( et non d’une décision d’une instance démocratiquement élue).  Les acteurs culturels comme beaucoup d’autres sont considérés  comme des offreurs  « d’activités économiques ». Ainsi dit la Cour de Justice : «Pour qu’un service donné soit qualifié « d’activité économique » soumise aux règles du marché intérieur (libre circulation des services et liberté d’établissement), il doit présenter la caractéristique essentielle d’être fourni contre rémunération. Il ne doit cependant pas nécessairement être payé par ceux qui en bénéficient. » [4] La vérité publique absolue est donc la suivante :  des lors que la rémunération est payée, par le bénéficiaire du service ou par une autre entité (une collectivité, par exemple), l’acteur culturel est un «offreur » donc un  « vendeur » !

Et  la conséquence pour la société  n’est pas négligeable :  le vendeur d’activités économiques se voit contraint de se soumettre à la règle concurrentielle chargée de sauver le progrès de l’humanité :« 3.2.1 : Toute activité consistant à l’offre des biens et/ou des services sur un marché donné est une activité économique au sens des règles de concurrence ».  Avec en pratique, un déni des valeurs humanistes portées par les  acteurs puisque même si l’acteur culturel se veut « solidaire », « non lucratif », « généreux » et soucieux de « réciprocité » avec les artistes et les publics, il n’est pour cette réglementation qu’une entreprise marchande concurrentielle : «Dans le domaine du droit de la concurrence, la Cour de justice estime que ce n’est pas le secteur ou le statut d’une entité assurant un service (par exemple le fait qu’il s’agisse d’une entreprise publique ou privée, d’une association d’entreprises ou d’un organisme d’administration publique), ni son mode de financement, qui déterminent si ses activités sont considérées comme économiques ou non économiques, mais la nature de l’activité elle-même. »[5]

Ce raisonnement est douloureux pour ceux qui ont le sentiment qu’ils travaillent pour les arts de qualité, en vue d’enrichir la société avec de beaux livres ou des disques de grands interprètes ! Il l’est aussi pour tous ceux qui croient tisser du lien social, favoriser l’émergence de jeunes talents, construire du « Vivre ensemble » en proposant des festivals, des ateliers, des résidences d’artistes sans aucun souci de rentabilité. Rien ne leur interdit de croire à leur idéal mais les valeurs qu’ils accordent à leur action relèvent de leur appréciation personnelle ou professionnelle. Pour le progrès collectif de l’Union, vu par la  Directive « services », ils sont seulement d’ordinaires contributeurs aux offres culturelles marchandes proposées à des consommateurs. Pour l’Union, ils sont des « épiciers », vendeurs de beaux et moins beaux produits culturels !

Personne n’a donc lu, ne serait ce que Malraux qui n’hésitait jamais à affirmer l’éthique publique de la culture  comme une nécessaire résistance aux effets du marché investi par les machines  à rêve, « qui n’ont pas été inventées pour le plaisir des hommes mais seulement pour apporter de l’argent à ceux qui les fabriquent et n’ont de puissance magistrale que dans la mesure où – je parle clairement – elles ne rapportent le maximum d’argent que si elles font appel, chez nous, à ce qui est le moins humain, le plus animal, le plus organique, et, disons le clairement,  le sexe et la mort » !

Mais c’était en 1963 devant l’Assemblée nationale ! Pour le Sénat de 2012, les temps ont bien changé et l’on accepte sans même s’y arrêter que l’idéal pour la culture  résulte de l’échange concurrentiel. Peut -on se taire devant cette curiosité éthique et politique ?

* J’imagine que vous allez m’objecter  que la norme concurrentielle laisse de grandes libertés d’agir autrement. C’est, affirmez vous dans votre rapport, moins « dramatique » que ce que certains veulent bien le dire  puisque l’Union soutient la création de services d’intérêt économique général –les SIEG. Franchissons une étape et voyons alors les alternatives proposées par ces SIEG en matière culturelle.

Avec les SIEG, l’Union paraît s’offrir  une conception du progrès durable qui ne doit plus rien à la valeur de la rentabilité concurrentielle ! De surcroît, les textes laissent à chaque autorité publique locale une grande marge de  manœuvre :  « Il est essentiellement de la responsabilité des autorités publiques, au niveau approprié, de décider de la nature et de l’étendue d’un service d’intérêt général. » Ainsi l’action de l’Union «respecte la diversité des situations dans les Etats membres et les rôles dévolus aux autorités nationales, régionales, locales pour assurer le bien-être de leurs citoyens et promouvoir la cohésion sociale, tout en garantissant des choix démocratiques en ce qui concerne, entre autres, le niveau de qualité des services ». Chaque territoire  ferait ainsi ce qu’il lui plaît   de faire en matière de SIEG :  « L’étendue et  l’organisation des SIEG varient considérablement d’un Etat membre à l’autre, en fonction de l’histoire et de la culture de l’intervention publique dans chacun des Etats membres. Il existe donc une grande diversité de SIEG et les disparités peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales et culturelles différentes ».[6]

En faisant une lecture journalistique de ces informations de la Commission, je pourrais presque comprendre votre approche juridique puisque manifestement l’Union approuve largement le développement de ces « services publics ». Mais je ne crois pas qu’il suffise d’en rester à ces apparences, car, avec les SIEG, l’enjeu culturel public est réduit à peau de chagrin. Disons réduit à n’être qu’une exception (culturelle) dans la marche de l’Union vers le progrès durable humain. Et c’est cette marginalité de la culture, ainsi consentie, qui est politiquement grave. Je souhaite en faire la démonstration.

* D’abord il faudrait affirmer, haut et fort,  que les  services d’intérêt économique général ne peuvent exister qu’à la condition qu’il en aient l’autorisation ! La règle concurrentielle  comme éthique publique règne comme une épée de Damocles au dessus de la tête des éthiques alternatives. Le premier contrôle s’exprime ainsi par l’injonction que les autorités publiques locales ne doivent pas faire « d’erreurs d’appréciation ». Vous oubliez de nous le rappeler : le SIEG culturel perd toute légitimité s’il fausse la concurrence !  Impossible d’ouvrir un grand magasin public de livres et de disques dans un ville qui en aurait déjà un, privé et rentable ! Concurrence déloyale ! La règle concurrentielle demeure la référence universelle d’une bonne culture collective, et ce,  pour tous les Etats membres, toutes les autorités publiques décentralisées, en toute  situation ! Comme le dit calmement le guide des SIEG : «  Dans ce cadre, l’intervention de la commission vise uniquement à éviter des erreurs susceptibles d’aller à l’encontre des règles du TFUE  (traité sur le fonctionnement de l’union européenne) ». Autrement décodé, les SIEG  « culturels » ne comptent pour le progrès de l’Europe qu’à la condition de laisser passer, en priorité les produits culturels fournis  par le marché concurrentiel. La culture publique est bien sous contrôle de la marchandise ! Malraux est bien loin !

Est ce une éthique publique si évidente que vous ne mentionnez à aucun moment la nécessité d’en débattre ?

* D’autant que la conséquence est dramatique par rapport aux valeurs culturelles défendues par le Traité lui-même.  Regardons le deuxième contrôle imposé par la Commission sur les SIEG. Il est d’une rare bêtise appliquée à l’enjeu culturel collectif : je voudrais  d’autant plus le souligner que vous avez pris cet argument de la Commission pour une avancée alors qu’il ne peut s’agir que d’un recul dans la construction d’une culture commune faite d’interactions entre les cultures qui peuplent l’Europe et le Monde.

Rappelons la règle : les SIEG sont les bienvenus s’ils « n’affectent pas les échanges entre les Etats membres ». En première lecture, le dispositif autorise le versement de subventions aux porteurs de projets culturels, qui ne s’en plaindront sans doute pas.  J’applaudis comme vous l’avez fait, mais le cadeau est trop beau.

Regardons la suite et prenons l’exemple d’un  musée : à quelles conditions peut-on subventionner un musée de Sardaigne, en Sardaigne ? La réponse répétée en 2007 et en 2011 est : « Dans le cas des musées locaux en Sardaigne, il a été considéré que le financement des projets de ces musées d’une portée limitée et d’un budget modeste n’affectaient pas les échanges entre Etats membres, dans la mesure où,  à l’exception de quelques musées d’importance et  de réputation internationalement reconnues, les habitants des autres Etats membres ne franchissaient pas les frontières avec comme but principal celui de visiter ces musées. »[7]

Est-il si difficile de s’apercevoir que cette explication enterre le sens humaniste de toute politique publique culturelle  puisqu’elle nous dit que l’argent public est justifié si l’investissement n’a aucun intérêt pour d’autres cultures que celle des habitants du terroir. La politique culturelle publique n’est autorisée que si elle demeure sans impact auprès des autres européens !

Vous le voyez, le service public de la culture vu par l’Union et ses SIEG est vraiment bizarre : il n’existe que si les cultures restent enfermées sur elles-mêmes. Etonnant, n’est ce pas, surtout quand l’agenda culturel européen  vante les mérites de « l’interculturalité » !

Il ne faudrait pas croire que l’exemple de la Sardaigne soit isolé et anecdotique : c’est la même doctrine du repli de chacun sur son territoire qui est mise en avant pour justifier les subventions à des créateurs basques : « Dans le cas des productions de théâtre basques, il a été considéré que le financement de ces productions n’affectait pas les échanges entre Etats membres, dans la mesure où il s’agissait des productions à petite échelle de micro ou petites entreprises d’une nature locale, leur audience potentielle était limitée à une région géographique et linguistique spécifique, et elles ne pouvaient pas attirer un tourisme transfrontalier. »[8]

Vous avez bien lu : voici les artistes basques, transformés en « micro entreprises » de « loisir » local qui ont droit aux subventions uniquement parce que leur culture est quantité négligeable. Puisque leurs créations théâtrales vivent en circuit fermé, dans la bulle close de leur identité linguistique, séparée  de toutes les autres langues de l’Europe et du monde, ils ont droit à une aide publique. La politique culturelle publique réduite à l’éloge du ghetto culturel !  Etrange raisonnement pour une société de liberté ! Je ne parviens à comprendre que vous ayez pu  trouver cet argument de l’enfermement linguistique positif quand il faudrait, au contraire, justifier l’argent public par la capacité des acteurs à entrer en relations suivies avec d’autres  langues, à s’interconnecter,  à interagir pour engendrer de nouvelles relations culturelles, sans  attendre que le marché en voit la rentabilité ! L’Europe ne devrait pas se laisser aller, ainsi, à interdire l’argent public dès lors qu’il y a des échanges entre les cultures. J’estime, pour ma part et je ne doute pas que vous partagerez ce point de vue,  qu’il est d’une grande irresponsabilité politique de considérer que tous les échanges culturels doivent être rentabilisés  comme si l’interculturalité  entre les européens, et avec le reste du monde, devait reposer sur les seules épaules du marché de concurrence.

* Plus prosaïquement encore, vous l’avez bien noté dans votre rapport, mais pour vous en féliciter, il reste tout à fait possible pour une autorité publique locale de soutenir des  festivals, des créations théâtrales ou des bibliothèques. Le service public de la culture, devenu SIEG, peut presque faire ce qu’il veut, librement, mais toutefois à la condition que les apports publics soient inférieurs à 200000 euros sur trois ans par projet. Autrement comprises, les aides publiques à la culture doivent rester sous le seuil de la valeur « de minimis » ! Elles peuvent donc exister sans contrainte, … pourvu qu’elles soient sans envergure.

Le fait de passer à 500 000 euros ne changera pas le message politique : cette exception culturelle est si minimale qu’elle est négligeable par rapport aux effets de la règle normale d’accès au progrès durable grâce à la concurrence marchande. Politiquement, il n’y a pas de quoi s’en  vanter,  même si beaucoup d’acteurs culturels s’en contentent volontiers.

* Que se passe -t -il si l’autorité publique subventionne plus largement que 200 000 euros sur 3 ans un acteur du secteur culturel ? Vous l’avez bien dit :  l’Union déclare que cette autorité publique distribue une aide d’Etat. Rien ne l’interdit dans les faits mais, aussitôt prévenue, la Commission déclenche son contrôle pour vérifier si les règles concurrentielles ne sont pas perturbées. La valeur de la concurrence n’est pas seulement une « philosophie » du progrès ; elle sait se faire « surveillante générale » et seule « juge ». Je crois qu’il ne faut pas hésiter à rappeler qu’aucun autre juge des valeurs communes, plus attentif par exemple aux relations de dignité entre les personnes ou la valeur esthétique des créations, ne lui est opposé pour parvenir à des compromis. Avec cette idée de l’aide d’Etat, l’épée de Damocles n’est tenue que par le seul chevalier du « progrès par le marché libre » qui accorde, ou non, les autorisations de vivre hors concurrence !

Il y a, bien sur, des moyens d’échapper à ce contrôle de la commission. Il suffit que l’acteur culturel reçoive une mandat de la part de l’autorité publique pour un service répondant à des objectifs de service public. Dans ce tiroir du mandat public d’exception, on imagine des financements publics plus importants que les futurs 500 000 euros de la règle de minimis : on voit se dessiner la carte des musées, des centres culturels municipaux, des opéras, des bibliothèques, des festivals, c’est à dire tous ces équipements et  événements qui ponctuent la vie des villes européennes. L’Europe ne changera pas de sitôt cette réalité de l’investissement public dans cette « culture » qui vise à satisfaire les loisirs de qualité de ses consommateurs.

Toutefois, le sens de ces investissements doit être médité : en effet, il y a bien « mandat public » mais cet intérêt public n’est pas du tout universel. Il n’a qu’une valeur limitée au territoire local et aux circonstances politiques particulières qui ont conduit à la décision. Autrement formulé en terme de responsabilité politique, l’idéal du SIEG est toujours contingent au sens où il est d’exception et spécifique au local, chaque territoire le gérant à sa façon. Un élu peut donner à un service culturel une valeur alternative, par exemple pour nouer des liens sociaux ou favoriser le mieux vivre ensemble, mais le territoire d’à coté peut fort bien revendiquer de privilégier l’aide à la création artistique d’excellence tandis que le troisième n’y fera rien et préférera faire financer par le privé une grande salle de spectacles dits populaires de 20 000 places ! Le sens et la valeur que l’élu donne à la culture ne dépassent pas les frontières de sa compétence territoriale. La liberté de penser et d’agir localement est souvent applaudie mais, dans le cadre des SIEG, elle produit l’éclatement total de l’idée même de politique culturelle.

Le Sénat, justement par ses compétences, aurait quand même pu interroger cet intérêt général de seconde zone institué par le dispositif des SIEG. Car il faut bien admettre qu’il n’y a en Europe aucune règle commune supérieure à la concurrence pour penser une politique culturelle homogène au sein de l’Union. Seul l’idéal concurrentiel  reste et demeure « universel » pour tous les temps et tous les lieux de l’Europe.  Est ce bien cette Europe culturelle  segmentée par territoire et soumise partout au contrôle prioritaire de la concurrence que nous pouvons souhaiter ? Personnellement, je préfère en douter, surtout au moment où la mondialisation nous offre la chance de côtoyer la diversité fantastique de toutes les cultures de la planète.

* Le pire est sans doute que la réglementation européenne offre encore  d’autres possibilités juridiques de financer des SIEG avec des ressources publiques. Le maire pourra préférer la délégation de service public à l’appel d’offres. Il peut même accorder des droits exclusifs aux fournisseurs de services. Il peut aussi verser des subventions si le projet est d’origine associative. Il peut, tout aussi bien, gérer le service public en régie directe. Vous l’avez indiqué, ces  solutions sont nombreuses. La municipalité a beaucoup de choix. Cette liberté d’agir des autorités publiques signifie seulement que, localement,  ces diverses possibilités de gestion publique restent en concurrence entre elles !  L’éthique concurrentielle n’a donc pas abandonné la partie puisqu’elle parvient même à mettre en compétition les différentes procédures publiques, en fonction d’intérêts qui ne relèvent de l’intérêt général de l’Union  mais plutôt des intérêts propres aux différents pouvoirs locaux, eux-mêmes en compétition entre eux  pour plus d’attractivité de leur territoire !

Ainsi, en un mot, avec les SIEG, l’élu local remplace l’investisseur privé  pour fournir à sa place les services culturels non rentables sur son territoire particulier, sans portée pour l’ensemble de l’Union.

La réflexion politique européenne peut-elle en rester à cette conception de la responsabilité culturelle publique ?

Je ne le crois pas. Je suis même convaincu que l’actuel Traité de l’Union  impose une autre perspective pour l’enjeu culturel public. Toutefois, pour avancer dans cette voie, il faut accepter d’opérer un saut qualitatif, que votre rapport n’envisage à aucun moment.

* Je voudrais d’abord affirmer que le Sénat n’est pas tenu par une définition corporatiste de la responsabilité culturelle telle que les professionnels des arts et de la culture l’entendent. En effet, depuis les années 1990, avec le rapport  De Cuellar, l’Unesco a revendiqué une approche humaniste de la diversité des cultures et notre pays l’a approuvée, à l’unanimité de ses parlementaires, comme vous ne pouvez l’ignorer. [9] L’enjeu culturel public est alors associé à l’ambition de faire vivre ensemble des personnes, groupes, communautés aux identités culturelles si différentes. C’est un enjeu politique fort pour tenter de contrecarrer le risque majeur pour notre planète de voir les cultures s’opposer entre elles au point de nous conduire au « clash des civilisations ».  L’article 1 de la Déclaration Universelle sur la diversité culturelle de 2001 a clairement énoncé cette volonté politique de voir les différences de cultures devenir des ressources pour « faire humanité ensemble ». C’est le pari politique qui affirme qu’avec toutes les cultures respectueuses des droits humains, « la  diversité culturelle est  le patrimoine de l’humanité ». Je sais qu’il est inutile de vous rappeler cette exigence politique internationale qui met l’enjeu culturel au cœur de notre avenir commun.

L’Union européenne serait -elle, de son coté, imperméable à cet enjeu culturel au point que le Sénat français ne doive pas l’évoquer ? Je le pense d’autant moins que cette éthique  – « la culture, c’est faire humanité ensemble» –  est fondée sur les principes  mêmes du Traité européen. Je vous en propose la  démonstration suivante,  si  vous voulez bien m’accorder quelques instants supplémentaires.

* Il faut d’abord faire un détour par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : « Les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». On doit  alors considérer que la responsabilité universelle de la politique publique est de garantir le respect de la dignité de la personne, elle même respectueuse de la dignité et de la liberté des autres personnes. Chaque personne se voit ainsi « reconnue » dans l’identité qui la constitue comme être de dignité, c’est à dire dans sa culture. Et cette relation puissante entre l’identité culturelle et la dignité de la personne a été consignée dans les conventions internationales signées à l’Unesco. On en trouve une formulation  précise dans la Déclaration de Fribourg sur les Droits Culturels : [10]  «l’expression «identité culturelle» est comprise comme l’ensemble des références culturelles par lequel une personne, seule ou en commun, se définit, se constitue, communique et entend être reconnue dans sa dignité ».

J’insiste sans doute trop sur cette dimension culturelle de la dignité mais  il me paraît difficile d’y échapper dans la mesure  où  elle nous est imposée par nos engagements internationaux. Je rappelle par exemple l’article  4 de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle qui affirme que « la défense de la diversité culturelle est un impératif éthique, inséparable du respect de la dignité de la personne humaine ». C’est donc bien un idéal de « dignité » adopté par plus 184 Etats qui pose  une autre éthique universelle pour la culture que celle de la concurrence. Non pas pour dire que les marchandises culturelles doivent disparaître. Seulement pour assurer que la préoccupation marchande  ne peut s’autoriser à écraser l’exigence de respect due à la dignité des personnes dans leurs « identités culturelles plurielles, variées et dynamiques ».

* Cette perspective ne peut être ignorée quand on aborde concrètement la question des aides publiques à la culture en Europe. En effet, le Traité est particulièrement attentif à l’enjeu de dignité des personnes.

Ainsi, son préambule confirme  l’attachement des Etats « aux principes de la liberté, de la démocratie et du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’État de droit ». Puis, dès l’article 2 du Traité,  ces  principes se traduisent en engagement éthique : «  L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes. »

Il suffit de lire ces valeurs éthiques fondatrices de l’Union pour admettre que la valeur de dignité devrait détenir la première place dans le fonctionnement quotidien de l’Union.

* Dans le même sens, il est inévitable de faire référence à l’Article 6 du Traité qui renvoie à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000. Aucun doute  sur l’universalité de l’exigence de dignité puisque l’article premier  énonce « la dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée ».

Ainsi, même s’il est dommage que vous ne l’ayez pas évoquée,  la responsabilité universelle de l’Union n’est pas seulement de fournir des biens culturels marchands pour le bien-être du plus grand nombre ; elle est aussi de garantir la dignité  de la personne, donc  la reconnaissance de son identité culturelle qui se doit d’être « respectée et protégée » .

* Il  me paraît maintenant possible de faire un pas de plus.

J’observe par exemple que cette  valeur de « respect de la dignité des personnes » n’est pas du tout inconnue de la  Directive « services ». C’est même une valeur qui s’impose comme une évidence dans la pratique concrète de l’institution…, du moins dans certaines circonstances !

J’ai suffisamment critiqué la Directive, avec sa volonté d’associer le progrès  à la seule concurrence entre les marchandises,  pour pouvoir dire maintenant qu’elle propose, aussi, un autre idéal pour construire l’Humanité ensemble. En effet, au point 27, la Directive considère que le marché n’est pas du tout un bon dispositif  lorsque la dignité des personnes est menacée.

Vous comprenez que cette reconnaissance réglementaire – juridique, diriez-vous – de la valeur de dignité est essentielle pour mon argumentation. Je m’empresse donc de citer le texte qui légitime l’intervention publique au nom de la dignité des personnes  : « ces services sont essentiels pour garantir le droit fondamental à la dignité et à l’intégrité humaines et sont une manifestation des principes de cohésion sociale et de solidarité et ne devraient pas être affectés par la présente directive. » Vous avez bien lu  :  ces services qui garantissent la dignité humaine sont « essentiels », donc non contingents. Pourquoi, alors, ne pas revendiquer cette puissante légitimité  en affirmant que la première dignité de la personne ne peut être que la reconnaissance de son identité culturelle, dans le respect de sa liberté et du « vouloir mieux vivre ensemble ».  Les services culturels qui voudraient donner priorité à la dignité des personnes devraient être reconnus comme universels pour l’Union, au titre de ce droit à la dignité affirmé dès l’article 2 du Traité.

* Malheureusement, ce pas n’a pas été franchie par la Commission et le Parlement. La Directive « services » a, en effet, une approche très restrictive de l’idéal de dignité qu’elle limite à des situations objectives définies par des normes professionnelles que seuls les spécialistes des secteurs de la santé, de la réparation sociale ou du logement peuvent apprécier.

Regardons bien le texte de la Directive « services » : il « connaît » les situations d’indignité mais ne laisse aucune place à la « parole » de la personne.  « La présente directive ne devrait pas couvrir les services sociaux dans les domaines du logement, de l’aide à l’enfance et de l’aide aux familles et aux personnes dans le besoin qui sont assurés par l’État au niveau national, régional ou local, par des prestataires mandatés par l’État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’État avec pour objectif d’assister les personnes qui se trouvent de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin particulière en raison de l’insuffisance de leurs revenus familiaux, ou d’un manque total ou partiel d’indépendance et qui risquent d’être marginalisées. Ces services sont essentiels pour garantir le droit fondamental à la dignité et à l’intégrité humaines et sont une manifestation des principes de cohésion sociale et de solidarité et ne devraient pas être affectés par la présente directive. »

En lisant attentivement cet argumentaire, on comprend que la dignité  n’est mobilisée que pour les situations matérielles qui empêchent les personnes d’être opérationnelles sur les marchés concurrentiels ! Pour la Directive, la dignité n’est donc pas une valeur aussi « essentielle » que ne le voudrait le Traité.

C’est pourquoi il me semble de première importance d’interpeller la Commission sur son interprétation trop restrictive de la « dignité » qui ne permet pas d’inclure l’enjeu culturel reposant sur  la reconnaissance première des dignités culturelles des personnes. Je souhaiterais, pour ma part, que soit suggérée une autre écriture de ce paragraphe 27 de la Directive permettant d’inclure l’enjeu culturel de dignité : «  27) En application du  droit fondamental à la dignité et à l’intégrité humaines visé par l’article 2 du Traité,  la présente directive n’autorise la libéralisation des  services qu’à la condition qu’ils  permettent à la personne  d’affirmer son droit à la liberté et à l’expression de son identité culturelle, « comprise comme l’ensemble des références culturelles par lequel elle se définit, se constitue, communique et entend être reconnue dans sa dignité ».

En somme, en matière culturelle, accepter, certes,  la concurrence, mais  sous contrôle de la dignité !

 

* Une dernière marche reste à franchir si l’on s’autorise à poser l’enjeu culturel en termes éthiques plus que juridiques . L’Union a dû reconnaître que certaines réalités devaient être gérées autrement que par la logique d’échanges de marchandises et a admis, du bout des lèvres,  la nécessité des « services d’intérêt général non économique » (SIG) à coté des SIEG.  Je lis, par exemple, les informations données par la Commission, en 2007 pour rendre possible et légitimer ces services publics : ce sont les «services, qui comprennent par exemple les prérogatives étatiques traditionnelles, telles que la police, la justice et les régimes légaux de sécurité sociale, ne sont soumis ni à une législation communautaire spécifique, ni aux règles du traité relatives au marché intérieur et à la concurrence. »

Vous n’avez pas sérieusement évoqué cette possibilité réglementaire pour asseoir une politique culturelle alternative à celle des SIEG. Pourtant, au regard des enjeux culturels de dignité, ces services d’intérêt général  non économiques (SIG) sont parfaitement adaptés à la réalité de nombreux acteurs culturels soucieux de culture non lucrative, de relations solidaires ou, comme on dit encore en France, d’éducation populaire.

J’aimerais vous confier mes observations sur ce point.

* Je note d’abord que la légitimité de ces services publics n’est pas sérieusement étayée par la Commission. Aussi bizarre que cela puisse paraître, ces services reposent sur des valeurs très vagues  :  le texte les qualifie de « traditionnelles », comme si la tradition était une valeur pilier du Traité de l’Union,  ou, alors, la valeur de ces services est formulée de manière négative –  « non économiques ».  Ainsi, en 2011 en réponse à la question de savoir comment reconnaître de telles activités non économiques (d’intérêt général), la Commission a osé répondre  « les deux catégories d’activités qui ont été déterminées comme non économiques sont : les activités liées à l’exercice des prérogatives de puissance publique et certaines activités d’une nature purement sociale ! [11] »

J’aimerais que vous admettiez, avec moi, la faiblesse insigne de cette justification : je tiens même à dire que l’idée qu’il existe dans la société complexe qui est la notre, des réalités « d’une nature purement sociale » est cocasse. Imaginez ! Il y aurait ainsi, dans l’Union, des activités qui seraient de nature « sociale », sans être de nature « économique » ? Ou à l’envers des activités si purement « économiques » qu’elles ne seraient pas « sociales » ? D’ailleurs, avoir même l’idée de qualifier une réalité  de notre vie collective de « pure » dans sa nature, est suspecte et même injustifiable au regard des dégâts que l’idéologie de la « pureté » en société a pu mobiliser.

De surcroît, et c’est pour moi l’essentiel de l’argument, le fait qu’une activité soit « sociale » ( « purement » ou « entièrement » comme il est écrit pour le « sport amateur ») ou qu’elle soit qualifiée « d’économique » n’est pas pertinent par rapport au Traité. En effet, le qualificatif « purement sociale » ne peut être associée à aucun article du Traité, si bien que la Commission triche en donnant une justification en dehors des clous du formalisme qui devrait pourtant être sa règle incontournable.

Ne serait-il pas nécessaire de refuser cette explication injustifiée  et de réclamer que les SIG (non économiques) reposent plus solidement sur les valeurs fondamentales du Traité ? Et, bien entendu, sur des activités dont la finalité est de permettre aux personnes d’être plus en dignité, vis à vis d’elles-mêmes, vis à vis des autres. Il faut ainsi profiter du flou des justifications de la Commission pour refonder les services d’intérêt général (non économiques) sur la défense des droits humains.

Je  suis persuadé que beaucoup d’acteurs culturels pourraient se reconnaître dans cette exigence éthique. Pas tous, certes, car nombre d’entre eux sont plutôt des vendeurs de produits à des publics satisfaits de leurs consommations de spectacles, de films ou de livres… Pour eux, le marché concurrentiel restera la norme et, à titre d’exception, les SIEG suffiront bien à la peine. Les informations juridiques que vous avez données leur seront parfaitement adaptées.

Mais,  d’autres acteurs culturels privilégient la relation de « reconnaissance » entre les personnes. Les obligations de réciprocité ne se limitent pas au paiement d’un billet ou d’un salaire. L’enjeu est que les personnes progressent sur le chemin de l’émancipation. La culture est alors comprise comme construction d’une humanité ensemble faite de plus de libertés, plus de capabilités, plus de responsabilités vis à vis des autres, pour reprendre les exigences des approches du développement humain, si bien défendues par Amartya Sen, prix Nobel d’économie.

De tels projets acceptent, bien sur, les échanges marchands mais ne s’y réduisent pas car ils nécessitent  la  confrontation des personnes et de leurs libertés culturelles ( et artistiques)  pour mieux favoriser les  interactions entre les mondes sensibles ( ce que j’ai qualifié ailleurs de « palabre » [12] et qui ne peut s’épuiser dans l’offre de marchandises !)

Cet enjeu culturel mérite  bien un dispositif réglementaire identifié. Les services de dignité comme SIG non économiques devraient lui être ouverts, même si les critères pour y entrer seront sans doute plus contraignants que ceux qu’impose la logique marchande aux  SIEG. Ils seront, en tout cas, beaucoup plus valorisants pour ceux qui estiment comme Perez de Cuellar que « nous avons tout lieu d’espérer qu’à mesure que chacun ira défrichant un peu mieux sa propre singularité, il y découvrira au plus profond l’indéniable empreinte de notre humanité commune. »

Je m’autorise à reprendre pour cet enjeu culturel les mots de Mendes France :  « Alors que le progrès consiste à reconnaître à chacun plus de droits, d’indépendance, de dignité non seulement dans la gestion de sa vie personnelle mais aussi dans celle de la communauté à laquelle il appartient, je ne peux croire que ce peuple se désintéresse de son propre progrès. »[13]  En ce sens, je forme le vœu qu’avec votre soutien, l’Union saisisse la nécessité de faire évoluer ses directives pour donner force réglementaire à l’enjeu culturel premier  qui reste de mieux construire notre   humanité commune,  ensemble.

Je vous remercie de votre attention.

Bien respectueusement à vous

Jean Michel Lucas.

_____

[1] Voir le considérant n°1 de la Directive services http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do? uri=CELEX:32006L0123:FR:NOT

[2] Voir sur ce point Jean Michel Lucas et Doc Kasimir Bisou : «   Culture et développement durable :  il est temps d’organiser la palabre ». Editions Irma, Paris,  2012.

[3] Voir le point (33) de la Directive .

[4]Voir Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions accompagnant la communication intitulée « Un marché unique pour l’Europe du 21e siècle » Les services d’intérêt général, y compris les services sociaux d’intérêt général : un nouvel engagement européen. 20.11.2007 ; COM(2007) 725 final

[5] Ibidem

[6] Je reviendrai plus tard sur cette étonnante mais subtile différenciation entre services d’intérêt général non économiques (SIG) et SIEG ( services d’intérêt économique général.) Voir le « Guide relatif à l’application aux services d’intérêt économique général, et en particulier aux services sociaux d’intérêt général, des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État, de « marchés publics » et de « marché intérieur »,  point 2.5.

[7] Voir le guide point 3-1-12

[8] Voir le guide point 3.1;12

[9] Je me  réfère ici au votes du parlement adoptant les lois qui autorisent le président de la république à signer les conventions Uneco  sur la diversité culturelle : la Convention sur la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, et la convention sur la protection et la promotion de  la diversité des expressions culturelles.

[10] voir le site http://www.aidh.org/ONU_GE/Comite_Drtcult/decla-fribourg.htm

[11] voir au point 3.1.4 du guide des sieg.

[12] J’ai resitué cet enjeu dans « Culture et développement durable :  il est temps d’organiser la palabre » éditions Irma 2012.

[13] Pierre Mendes France : « La république Moderne » Edit Gallimard,1966

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La Slovénie supprime son ministère de la Culture

Le nouveau Premier ministre conservateur slovène, Janez Janša, a supprimé le ministère de la Culture et intégré celle-ci dans un ministère global de l’Education, des Sciences, de la Culture et du Sport. Lors de la présentation de son gouvernement samedi, Janša a justifié cette suppression par l’intention de faire des économies, ce dont doute toutefois l’essayiste Miha Jenko dans le quotidien de centre-gauche Delo : « Reste à savoir ce qui est le plus raisonnable pour le petit pays qu’est la Slovénie, soumise aux règles culturelles et financières mondiales. C’est aux créateurs de la culture eux-mêmes d’en décider. Mais c’est seulement dans les prochaines années que nous saurons qui des partisans ou des opposants à la suppression a raison. En tant qu’auteur qui se penche sur les questions de budget et autres thèmes financiers, je ne peux que constater que la fusion du secteur de la culture avec d’autres domaines n’apportera aucune économie notable. »

Source : BpB

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La contestation décalée des artistes slovènes

Les artistes slovènes ont protesté mercredi contre la suppression du ministère de la Culture par le nouveau gouvernement conservateur. Cela s’est produit le jour férié dédié à la culture en Slovénie, lors de la remise du principal prix culturel national. Le quotidien de centre-gauche Delo juge cette manifestation déconnectée de la réalité et voit un fossé entre les artistes et le reste de la société slovène : « Qu’avons-nous reçu cette année à l’occasion du jour férié de la culture ? Une surprise idéologique et intransigeante, accompagnée d’une série de déclarations engagées culturellement. On a assisté une fois de plus à la confirmation qu’en Slovénie, le fossé entre nous et les autres, comme nous le connaissons déjà depuis longtemps, reste un phénomène indestructible et intemporel. »

Source : BpB

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L’art néerlandais ne doit plus être soutenu

Sous la devise « une marche de la civilisation », des manifestations auront lieu aujourd’hui lundi à La Haye contre les projets de coupes budgétaires planifiées d’environ 200 millions d’euros par an dans le budget néerlandais dédié à la culture. Mais l’effondrement de la civilisation n’est pas encore pour demain, critique le journal à sensation conservateur De Telegraaf : « Continuer à subventionner [la culture] avec insouciance serait irresponsable vis-à-vis des autres domaines dans lesquels il faut également faire des économies pour ramener les finances nationales à la normale. Il est évident que cela est douloureux et dans certains cas très dommageable. … Mais si le public est absent, l’art n’a alors de sens que pour l’artiste, et la perfusion financière de l’Etat paralyse l’artiste et le petit monde de l’art. … En outre, l’univers culturel n’est manifestement pas parvenu à faire clairement apparaître la valeur sociale de l’art. … Ceux qui s’exclament aujourd’hui que la civilisation néerlandaise disparaît sont aveuglés par leur passion. Ce n’est pas complètement faux mais cela montre également un manque de sens des réalités. »

Source : SMG.

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L’art contemporain ridiculisé à Venise

Le thème de l’illumination est au cœur de la 54e biennale de Venise, qui a ouvert ses portes mardi. Trois tableaux du peintre de la renaissance Le Tintoret exposés en ouverture font paraître bien fade l’art contemporain, estime le quotidien de centre-gauche La Repubblica : « Dans une confrontation avec le passé qui magnétise, invente et suggère, l’art contemporain connaît une cuisante défaite. Trois tableaux gigantesques et spectaculaires du Tintoret submergent de leur violente beauté le visiteur qui arrive à la Biennale. … A côté, les œuvres littéralement invisibles d’un certain Bruno Jakob. Un bout de papier flotte au-dessous du plafond, difficilement perceptible, et aux murs sont accrochées des feuilles de papiers blanches et seulement légèrement ondulées au contact de l’eau. Il s’agirait de l’impossibilité de représenter l’invisible, mais la consistance de l’œuvre se dérobe au regard de l’observateur le plus zélé. Cela commence ainsi, avec une indication sourde et agressive (rien n’agresse plus que le silence) sur l’état actuel de l’art. »

Source : BpB.

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Marseille 2013 : des intellectuels s’enchaînent devant la Bastille à Paris

Photographie : AFP

Des intellectuels, poètes et écrivains, dont Michel Butor et Fernando Arrabal, se sont enchaînés symboliquement mercredi devant la colonne de la Bastille à Paris pour protester contre les conditions d’organisation de Marseille-Provence 2013, qui avec Kosice en Slovaquie partagera le titre de capitale européenne de la culture.

Pour le photographe marseillais Serge Assier, à l’origine de l’action, celle-ci vise à démontrer que « la culture est enchaînée à Marseille dans le cadre de l’organisation de Marseille-Provence 2013 ».

« Tous ceux qui font des choses magnifiques à Marseille vont se retrouver sans argent!, a-t-il déploré, « ulcéré » par « le gel des subventions aux petites associations culturelles marseillaises pour faire le pot de Marseille Capitale 2013 ».

« Je travaille actuellement sur un projet Marseille/Rabat/Anvers/Barcelone avec huit écrivains. Aujourd’hui, je n’ai plus d’interlocuteur et le dossier n’avance pas », a-t-il ajouté.

De son côté, l’écrivain marseillais Jean Kéhayan, auteur de « Rue du Prolétaire Rouge », a dit « être monté à Paris pour se faire entendre ». Il a regretté que « les gens qui organisent Marseille 2013 soient en majorité des Parisiens ».

« Je crains que Marseille soit une colonie africaine par rapport à Paris qui impose des choix, des budgets », a-t-il poursuivi.

« Le gros problème est que l’on a peur que la population marseillaise ne soit pas associée à cet événement et qu’il n’y ait pas de retombées dans la durée », a ajouté l’écrivain. « On se bat pour que Marseille 2013 soit une réussite mais une réussite avec les Marseillais !.

Les organisateurs de Marseille Provence capitale européenne de la culture, ont dévoilé le 24 février les premiers éléments du programme, centré sur le thème de la Méditerranée, tentant aussi d’apaiser les craintes exprimées tant sur les possibles retards, le respect des engagements pris ou encore l’éventuel caractère « parisien » de la manifestation.

Dans un communiqué, l’association organisatrice de Marseille-Provence 2013 a affirmé avoir « appris l’action spectaculaire engagée par des écrivains et un photographe (…) contestant les conditions de préparation » de l’événement.

L’association rappelle que la présentation du 24 février a permis de présenter « l’organisation générale de l’année Capitale et des exemples de projets en construction ».

« Les auteurs de ces projets sont très majoritairement marseillais et provençaux », fait remarquer l’association.

Source : AFP

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Louis Vuitton restreint la liberté artistique

Darfurnica, Nadia Plesner

Un tribunal de La Haye a interdit à l’artiste Nadia Plesner de représenter sur son tableau dénonciateur Darfurnica un sac sur le modèle du fabricant d’articles de luxe Louis Vuitton. Pour le caricaturiste Ruben L. Oppenheimer dans le quotidien nrc.next, cela ne restreint pas seulement la liberté d’expression : « Utiliser les couleurs acidulées de cette icône de la consommation capitaliste comme contraste criant avec les horreurs de la guerre est une dénonciation virulente de l’indifférence du monde occidental à l’encontre de la souffrance qui sévit au Darfour. Le verdict constitue également une restriction de l’art, qui peut causer de gros ennuis aux artistes conscients de la société qui les entoure et aux caricaturistes politiques. … Je peux tout à fait comprendre que l’entreprise ne souhaite pas être associée aux aspects désagréables de la vie. Ce n’est pas de chance pour Louis Vuitton que sa marque soit devenue un symbole, au même titre que Pampers et Post-it. Dans notre langage visuel, son design est devenu un bien public et le moyen le plus direct pour un ou une artiste de faire passer son message. »

Source : BpB

 

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