La ministre de la culture Christine Albanel a annoncé, lors du conseil des ministres du mercredi 20 mai dernier, que le Palais de Tokyo, situé à Chaillot, dans le 16e arrondissement de Paris, allait devenir « un lieu phare de la création ».
La formule interroge. Est-ce une ambition renouvelée ou bien est-ce de la redite qui témoigne de l’horreur du vide de notre époque ? Souvenons-nous des discours qui exprimèrent les ambitions du Palais de Tokyo dans sa première mouture… Quoi qu’il en soit, la ministre a confirmé les grandes lignes d’un projet que Le Monde dévoilait le 2 mai dernier.
Le Palais de Tokyo est le plus important centre d’art de France et possède un potentiel qui en ferait rêver plus d’un : un sous-sol de 9 000 m2 en friche.
A partir de 2012 les 20 millions d’euros investis dans la réhabilitation du sous-sol permettront d’offrir un espace supplémentaire dédié à la création contemporaine, en ciblant plus particulièrement les artistes français « en milieu de carrière ». Comme il s’agit d’un « projet national », tous les acteurs de l’art en France – centres d’art, galeries, collectionneurs, critiques, mais aussi le Musée d’art moderne de la Ville de Paris, qui se trouve en face – seront associés à ce nouvel espace. C’est en tout cas la moindre des choses en ces temps difficiles pour le marché de l’art que de se mettre autour de la table.
Les deux entités du palais, « le haut et le bas », vont être fondues en un seul établissement dit « autonome ». Exit le Centre Pompidou, qui assurait jusqu’ici la gestion des murs (le centre d’art actuel lui payait un loyer), et qui, surtout, convoitait le sous-sol, non sans une certaine assurance d’ailleurs.
Ce n’est effectivement pas Alain Seban (actuellement président du Centre Pompidou) mais Olivier Kaeppelin, le Délégué aux Arts Plastiques du Ministère de la Culture et de la Communication, qui sort au final vainqueur des longs mois de tractations pour le moins disputées. Ce qui se dessine au Palais figure dans un rapport qu’il vient de remettre à la ministre et qui est désormais disponible en ligne. Ce rapport analyse le projet d’installation dans le quartier Alma Tour Eiffel d’un lieu consacré à la création artistique dans le domaine des arts plastiques en France. Il analyse les différentes hypothèses quant au statut juridique de la future entité et se penche sur le financement de ce projet.
Olivier Kaeppelin vient donc d’être nommé directeur du projet et sa capacité de fédérer les positions les plus diamétralement opposées n’y est pas pour rien, sa réputation le précède. C’est en effet un homme de consensus éclairé et même si quelques détracteurs lui reprochent l’invisibilité de son action au ministère, la finesse du personnage et de sa trajectoire forcent le respect.
Le site retrouvera donc son unité et une certaine « fluidité » à travers le choix d’une forme juridique (société par actions simplifiée) qui fait (et qui fera) l’objet de nombreuses querelles partisanes. Celle-ci est constituée de plusieurs partenaires, essentiellement publics, avec une ouverture possible au privé, sans pour autant qu’un réel projet de partenariat avec le privé ait été architecturé.
La rénovation de l’espace du bas devrait se faire dans « l’esprit dépouillé » du centre d’art existant : il y aura une seule entrée, un seul restaurant, un seul nom… ce qui peut paraître contradictoire avec la structuration de la démarche actuellement engagée : un comité d’orientation (une vingtaine de membres) a été choisi pour aider le groupe de projet (six personnes) chargé de déterminer l’articulation des décisions et des programmations entre les deux entités du Palais. Il s’agit de constituer un cahier des charges qui prenne en compte la totalité du périmètre du projet global.
On comprend donc qu’il s’agit d’une période de transition importante qui vient de s’enclencher pour le Palais de Tokyo, période qui s’achèvera en 2012 (en espérant qu’il y ait une préfiguration qui s’enclenche avant). Après tout, peut-être est-ce une chose nécessaire, même si on a envie de voir les débats sur l’art enfin relancés en France. Il est vrai que depuis l’école spéculative des années 90, à quelques exceptions près, on n’a pas vu de contribution majeure capable de faire bouger les lignes, tout comme le lancement du Palais de Tokyo l’avait largement révélé en son temps. Espérons que cette nouvelle étape en soit le prétexte idéal car si M. Kaeppelin assure toutefois qu’il laissera le Suisse Marc-Olivier Wahler, l’actuel directeur du centre d’art, poursuivre son action, on imagine déjà que dans la structuration de la gouvernance à venir, les choix actuels auront du mal à résister à celui des « validants » du ministère…. Pour le moment tout le monde affiche une volonté d’harmonie autour d’un lieu « vivant et fédérateur » dit-on au Ministère. A suivre…
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