Cultural Engineering Group

Services & Ressources en ingénierie culturelle

Partenariat public-privé : pour une nouvelle donne

PPP

En 2010, nous publions un article alertant sur les dangers de la « grande braderie », ce phénomène de transfert vers le secteur privé de pans entiers de mission de service public sans que les principes les plus essentiels ne soient respectés.

L’article concluait : « il est urgent que cette grande braderie cesse, que l’Etat et les collectivités optimisent leurs cahiers charges et la mécanique de ces contrats, qu’elles instaurent un dialogue qui ne soit pas que compétitif mais aussi coopératif dans la recherche des meilleurs équilibres possibles entre l’efficacité de la mission de service public, son impact social, économique et résiduel, et le respect de ses principes fondamentaux ».

Force est de constater en 2016 que, si on peut se réjouir de voir le recours au privé se développer et s’accélérer, ce phénomène s’est également aggravé, dans le sens où on voit se multiplier les contrats et les procédures où 100% du risque est reporté sur l’acteur privé.

C’est une bascule pour le moins radicale qui s’opère sous nos yeux, dont le rythme s’accélère en total dépit du bon sens.

Durées incompatibles avec les investissements demandés, contraintes démesurées, mauvaise estimation des chiffres d’affaires, absence de contribution financière publique ou contribution financière publique totalement anecdotique (même pas symbolique), niveaux de redevances fixe et variable imposés, niveaux de garanties disproportionnés, des marges de négociation quasi inexistantes, mauvaise définition et articulation des périmètres, etc.

Les conséquences de cette bascule du modèle de la contribution financière publique qui ne déléguait rien ou presque à un désengagement brutal sont de trois ordres :

  • La mission de service public garante du bien commun et de l’intérêt général, se mute en une chambre d’écho des intérêts particuliers et renforcent les phénomènes de cour.
  • Les chaîne de prédation de l’écosystème se rétrécit encore un peu plus et ne laisse pratiquement aucune chance aux TPE et aux associations. C’est tout le maillage territorial que nous portons en héritage qui est menacé de disparition.
  • Seuls les projets capables de dégager des niveaux élevés de performance dans leur modèle économique risquent de devenir la norme pour répondre à l’immédiateté des besoins qui ne sont plus assumés désormais.

Sans aucun doute, pour maintenir ses ambitions la puissance publique doit trouver les moyens et créer de nouveaux modèles porteurs d’une plus grande soutenabilité si elle ne veut tout simplement pas scier la branche sur laquelle elle est assise.

Un autre type de partenariat public – privé est plus que jamais nécessaire.

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Un casino à la Villa Méditerranée ? Non merci !

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Jean-Claude Gaudin annonce qu’il veut faire de la Villa Méditerranée à Marseille un casino. Cette décision est plus qu’un symbole. Ce lieu, a deux pas du MuCEM, le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, a été conçu comme un espace de rencontre, de dialogue, de recherche et de compréhension mutuelle autour des enjeux éminemment complexes qu’incarne aujourd’hui la Méditerranée, et qui déchirent cet espace où vivent près d’un demi-milliard d’êtres humains.

Quels sont ces enjeux ? Précisément ceux-là même qui sont au cœur des discours de nos dirigeants politiques, dans le contexte des attentats qui ont traumatisé la Nation et qui visent à abattre la République : la question de la sécurité, celle des réfugiés, celle du rapport à l’Autre, mais aussi les questions soulevées par l’explosion démographique et urbaine de l’Afrique à l’horizon 2050 – et les opportunités économiques qu’elle représente, ou encore celle des conséquences du changement climatique, dont la Méditerranée, et singulièrement la façade française, est un « point chaud ». Car la Méditerranée concentre l’ensemble des crises que traverse le monde : crise politique, crise migratoire, crise humanitaire, crise environnementale.

Cette Villa a été imaginée par Michel Vauzelle, alors président du conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, porté par une large majorité de gauche. Elle a été inaugurée en avril 2013 par Martin Schulz, accueillant les présidents des parlements de 43 pays de la Méditerranée, venus à la rencontre de centaines de jeunes. Cette région est aujourd’hui dirigée par la droite extrême et le Front national. Cette même alliance, faut-il le rappeler, a porté Jean-Claude Gaudin à la présidence de cette même région entre 1986 et 1992, avec Jean-Marie Le Pen.

Deux visions s’opposent là clairement. D’un côté le monde de l’argent facile, du jeu, du divertissement, de « l’entertainment » abrutissant, celui des casinos. De l’autre, une conception de l’action publique appuyée sur la réflexion, l’analyse, l’écoute des positions contradictoires, qui sont au fondement, depuis la Grèce antique, de toute démocratie. Cela, évidemment, se voit moins. Ce n’est pas « bling bling », et cela ne rapporte pas d’argent directement.

C’est la noblesse et l’honneur de l’action publique, et l’argent n’est pas l’unique forme de la richesse. C’est aussi la raison pour laquelle l’État a souhaité faire de ce lieu, en nommant à sa tête un ambassadeur, la tête de pont de la de la politique française méditerranéenne, dans une logique de décentralisation – car la Villa est en effet gérée par un « groupement d’intérêt public », auquel participent non seulement la Région et la Ville de Marseille, mais aussi l’État et les deux métropoles d’Aix-Marseille et Nice.

On répondra « mais la Villa coûte cher, 4 millions d’euros par an ». Certes, le MuCEM, quant à lui, en coûte 25, et personne ne songe à dire que cela coûte cher, parce que les retombées son estimées à 125 millions et 800 emplois. Des dizaines de milliers de personnes qui ont assisté aux centaines d’événements organisés à la Villa depuis son ouverture, des personnalités de très haut niveau, universitaires, chercheurs, décideurs publics, chefs d’entreprises, chefs d’États, y sont venues du monde entier réfléchir et travailler ici, consommant, comme chaque visiteur, nuits d’hôtel, taxis, repas, visitant le MUCEM. Ainsi par exemple le succès de la MEDCop 21, où près de 2000 personnes se sont rencontrées pendant une semaine autour d’un « village des solutions », présentant les entreprises françaises en pointe sur les réponses au changement climatique. Ce concept a d’ailleurs été repris cette année par le Maroc, qui a organisé à Tanger la MEDCop 22. C’est ainsi que se mesure pour une nation la capacité d’influence, qui est désormais le véritable pouvoir.

Et quand une grande compagnie aérienne internationale utilise l’image de la Villa Méditerranée pour une publicité diffusée sur CNN, comme ça a été le cas en 2014, c’est bien l’image de toute une ville, Marseille, et de toute une région, qui s’exporte. Elle renforce ainsi son attractivité économique, et donc sa capacité à créer des emplois. Dans le contexte économique que l’on sait, Marseille a démontré une très forte résilience depuis 2008, grâce au label Capitale de la culture en 2013, grâce à sa position de pointe dans la recherche publique et privée dans le domaine de la santé et des biotechnologies, appuyée sur des centaines de millions d’investissements publics, grâce à ses sportifs de très haut niveau, grâce à la mise en place de la métropole Aix-Marseille-Provence, décidée par la gauche et, bien sûr, grâce à sa capacité d’influence diplomatique, incarnée par la Villa. Cette dynamique collective a permis la création de milliers d’emplois. La Villa en est l’une des composantes, et une vitrine internationale majeure.

C’est aussi dans ce lieu sans équivalent, que se joue la compréhension des phénomènes djihadistes en Syrie aussi bien qu’en France, parce qu’aujourd’hui, ainsi que ne cesse de le rappeler Michel Vauzelle, on ne pourra plus jamais considérer que ce qui se passe en Syrie ou en Libye relève de la seule diplomatie, et la radicalisation d’une partie de la jeunesse française relève de la seule place Beauvau. Parce que les ressorts et les conséquences de la folie destructrice à laquelle sont confrontés, à l’extérieur, le Machrek et le Maghreb, sont les mêmes que ceux qui ont frappé, et qui frapperont encore, à l’intérieur, les États-Unis le 11 septembre 2001, la France en 2015 et 2016, la Grande-Bretagne, l’Espagne, et de nombreux autres pays occidentaux. Parce que nous devons agir en connaissance de cause, en prenant des décisions dictées par la Raison, et non par des coups de communication hystériques et vains.

La décision de Jean-Claude Gaudin et de Christian Estrosi est une faute politique et une faute morale. Les forces de la Raison et de la Paix doivent refuser la loi aveugle de l’argent. Cette décision doit être vigoureusement dénoncée.

André Azoulay, conseiller du Roi du Maroc, Abdellatif Laabi, écrivain, Benjamin Stora, historien, Jean-Claude Tourret, ancien directeur de la Villa Méditerranée, Raouf Boucekkine, membre senior de l’Institut Universitaire de France, Christophe Carraud, traducteur, directeur de la revue Conférence, Claude Fressinier, responsable associatif, Pascale Gérard, directrice des partenariats et de la diversité, AFPA, Bariza Khiarl, sénatrice, Raphaël Imber, musicien ,François-Michel Lambert, député, Aurélien Lécina, cadre administratif, William Leday, élu local, Claudine Lepage, sénatrice

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Marseille en porte-à-faux

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La « Villa Méditerranée », c’est avant tout un geste architectural, formant un immense bâtiment en porte-à-faux, qui n’aura pas masqué très longtemps l’absence de programme sérieux. Si on voulait vraiment la rendre plus utile, on devrait la transformer en « Villa des enfants », sur le modèles d’équipements de ce genre qui existent ailleurs dans le monde. Les élus de Marseille et de sa région, seraient bien inspirés de penser davantage à la jeunesse, et nous montreraient qu’ils ne sont pas en porte-à-faux avec notre avenir !

La « Villa Méditerranée », c’est avant tout un geste architectural, formant un immense bâtiment en porte-à-faux, qui n’aura pas masqué très longtemps l’absence de programme sérieux. En effet, si trois ans seulement après son inauguration, la question se pose de savoir ce qu’il faut faire de cet équipement, cela démontre bien la faiblesse du projet initial. L’affaire serait donc entendue : la « Villa Vauzella » selon ses détracteurs, n’aurait été que le rêve éphémère d’un président de Région en fin de règne, Michel Vauzelle, qui voulait à tout prix graver son nom dans le marbre de la Capitale Européenne de la Culture. Mais que faire, aujourd’hui d’un bâtiment public aussi considérable et couteux à entretenir ? Devons-nous nous contenter d’hausser les épaules, quand, à leur tour, le maire de Marseille Jean Claude Gaudin et le nouveau Président de la région, Christian Estrosi, visiblement en manque d’inspiration, veulent en faire un casino ?

Du point de vue de l’urbaniste, l’implantation de la villa méditerranée interpelle. Pourquoi avoir implanté un deuxième bâtiment devant le fort Saint Jean, juste à côté de l’emblématique MUCEM, alors qu’il n’a pas du tout la même importance ? Le MUCEM, architecture exceptionnelle, véritable espace de promenade en trois dimensions intelligemment relié au fort Saint-Jean et à la ville par ses passerelles en béton, et riche des contenus culturels qu’il propose, aurait bien suffit comme unique signal urbain dans ce site d’exception. Mais puisque l’encombrant porte-à-faux est là, il faut bien faire avec. On ne va quand même pas démolir un bâtiment public qui a couté 70 millions d’euros ! Mais alors, pouvons-nous vraiment accepter que ce bâtiment sur un site historique et patrimonial majeur devienne un casino privé ? Quelle en serait l’image pour Marseille ? La culture du fric et des paillettes en porte-à-faux, faisant de l’ombre au MUCEM ? « Faites vos jeux, rien ne va plus ! » sera-t-il le nouvel adage de la Capitale Européenne de la Culture ?

Du point de vue de l’architecte, une fois passé sous l’impressionnant porte-à-faux, la déception est vite arrivée. Le hall d’entrée, malgré son immense volume, est peu accueillant. Il est encombré par deux immenses escalators qui doivent compenser la hauteur considérable pour accéder au niveau supérieur. Pour peu qu’il y ait un peu de monde, on se bouscule à l’entrée. Une fois en haut, on s’attend à un espace exceptionnel en suspension au-dessus de la mer. Mais, il n’en est rien. Les vues depuis le belvédère sont encombrées par la structure porteuse omniprésente sur laquelle il faut éviter de se cogner la tête. A l’extrémité du porte-à-faux, la baie vitrée est très réduite en hauteur, ce qui limite considérablement la vue. Sous les pieds, malgré les fentes vitrées, l’épaisseur du sol laisse moyennement passer le regard jusqu’au bassin en dessous. Vu de l’intérieur, l’effet aérien de la Villa n’impressionne plus. Au sous-sol, un grand hall artificiellement éclairé (forcément, on est sous la mer), dénommé « agora » est occupé par la grande rampe circulaire qui y descend, par des escaliers d’accès à l’Auditorium, par un espace circulaire séparé du reste par un simple rideau et par diverses espaces de services. Les espaces en cercle dans un grand plan carré, cela crée beaucoup de délaissés mais cela ne fonctionne pas très bien.

Du point de vue de l’usager, ce qui est impressionnant dans le bâtiment, c’est surtout le nombre de pas qu’il faut faire. Pour descendre au sous-sol, après avoir traversé le hall, il faut faire demi-tour vers un long escalier qui descend sous les escalators, pour arriver sur une minuscule « mezzanine ». Puis on descend une longue rampe circulaire suspendue qui fait deux tours complets, pour arriver enfin dans le vaste hall dénommé abusivement « agora ». Ensuite, pour accéder à l’auditorium, il faut descendre encore des escaliers, puis après les doubles portes, suivre encore une rampe courbe en pente douce, pour enfin entrer dans la grande salle, à 13 mètres sous le niveau de la mer. La villa méditerranée est une débauche de moyens techniques et de circulations pour peu de surfaces utiles. Le comble, c’est de devoir mettre une veste pour ne pas avoir froid alors que dehors c’est la canicule ! En sortant de l’amphithéâtre de 400 places, il faut faire la queue dans des toilettes en nombre insuffisant. Lors des ateliers d’un congrès, en l’absence de véritables salles isolées, les bruits résonnent d’un espace à l’autre à travers « l’agora », dans un parfait brouhaha. L’architecture de la Villa Méditerranée est peut-être une prouesse technique mais elle n’est pas très fonctionnelle. On peut donc facilement émettre quelques doutes sur la possibilité de la transformer en casino. En effet, quel investisseur va mettre une telle somme pour de si petites surfaces commercialisables, malgré le prestige du lieu ?

Si on voulait vraiment rendre la Villa Méditerranée plus utile, on devrait la transformer en « Villa des enfants », sur le modèles d’équipements de ce genre qui existent ailleurs dans le monde, comme le « Tokyo Metropolitan Children’s Hall ». Les dizaines de milliers d’écoliers de la Ville de Marseille et des alentours, ainsi que les nombreux petits vacanciers y trouveraient facilement leur bonheur : en arpentant les espaces d’expositions, en remplissant l’auditorium pour des projections ou des spectacles. Les enfants occuperaient aisément les nombreux espaces de circulation et espaces résiduels transformés en aires de jeux ou en petits ateliers créatifs, ramperaient avec bonheur sur les vitrages au sol en regardant la mer. Entre animations permanentes et évènements, entre arts et sciences, la Villa Méditerranée pourrait devenir le lieu de rendez-vous pédagogique et culturel qui manque cruellement à Marseille pour les jeunes, de la maternelle au lycée. Quelques adaptations du bâtiment suffiraient pour accueillir des jeux éducatifs plutôt que des jeux d’argent, des tapis de détente plutôt que des tapis de poker, des piles de Legos plutôt que des piles de jetons, des consoles interactives plutôt que des bandits manchots…

Dans une métropole qui offre peu d’équipements pour sa jeunesse, une « Villa des enfants » serait un beau signal. Les désormais incontournables activités « périscolaires » pourraient également profiter de ce lieu pour élargir leur pédagogie. Cela ferait vite oublier à la population l’image désastreuse de cette Villa Méditerranée comme étant le symbole du gaspillage de l’argent public par des élus en manque d’inspiration. Au contraire, ce serait un beau geste de transmission pour les générations futures, dans un site culturel majeur, patrimonial et historique. Un équipement parfaitement complémentaire et non concurrentiel du MUCEM, jouant un rôle éducatif et social. Les élus de Marseille et de sa région, seraient bien inspirés de penser davantage à la jeunesse, et nous montreraient qu’ils ne sont pas en porte-à-faux avec notre avenir !

Benoît Campion.

Architecte-urbaniste, parent d’élève MPE 13

Article publié par Benoit Campion, le 23 septembre 2016 dans marsactu.fr, avec son aimable autorisation de diffusion sur CEG.

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De l’avenir de la Villa Méditerranée

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C’est un des feuilletons marseillais de l’été qui fera moins d’audience que « Plus Belle La Vie », hélas…

Depuis des années, la Villa Méditerranée pose question. Principal sujet : son coût de fonctionnement au regard de son « utilité ». Posé en ces termes, on situe le débat au niveau du café du commerce mais il faut bien admettre que cela n’a jamais volé beaucoup plus haut depuis la campagne des élections régionales de 2015.

Jusqu’à relativement récemment pourtant, le café du commerce faisait partie de la culture populaire, un débat politique citoyen qu’on regarde depuis l’étranger avec une ironie et curiosité, teintées d’une certaine envie. Cela ne pouvait pas faire de mal et au fond c’est la démocratie qui tourne à plein tube dans notre tradition révolutionnaire d’un peuple supposé « éclairé » par un recul historique suffisant pour savoir bien de se garder de verser dans le populisme.

Jusque-là, Marseille était Marseille, avec sa propre histoire, sa propre identité, tellement incroyable, si passionnée et si passionnante. Cela ne pouvait pas faire de mal de s’entendre dire au quotidien « ah mais tu comprends à Marseille, c’est particulier, on fait pas comme ailleurs, ici c’est Marseille ». Cette fierté fait au fond partie de l’identité de Marseille dans laquelle chacun peut se reconnaître avant même tout parti-pris.

Mais depuis la reconfiguration issue des dernières élections régionales où les planètes s’alignent à droite sur fond de cache-cache plus que malsain avec le Front National, la situation de la Villa Méditerranée s’est progressivement et de plus en plus fortement tendue, écrivant à l’encre la plus acide qui soit, une histoire bien différente de l’idée originale.

Le dernier épisode de cette histoire bat son plein depuis cet été, période pendant laquelle les rumeurs d’entente entre la région et la ville sur le devenir de la Villa se sont faites persistantes, faisant monter la tension et la pression d’un cran. Septembre aura été le mois révélant publiquement le souhait de vendre la Villa Méditerranée et d’en faire… un casino, oui vous ne rêvez pas, un casino.

Si vous n’êtes pas Marseillais ou de la région, vous en avez à peine entendu parlé. A cette heure, c’est-à-dire pratiquement trois semaines après la parution de l’article dans La Provence qui annonçait le sort qui serait réservé à la Villa, l’absence de débat est sidérante. Tout semble aller dans un seul et même sens, avec le Front National qui se pose en arbitre (!) et même un Jean Viard qui y voit une « idée stimulante ».  Bref, on nage en plein cauchemar.

Aucune réaction audible ou presque, Elisabeth Guigou et Michel Vauzelle sont parmi les rares personnalités à faire entendre leur voix haut et fort mais à ce jour, même pas une pétition pour se mobiliser contre l’idée du Casino et contre la façon dont se déroule cette chronique d’une mort annoncée.

Personne ou presque pour se soucier du devenir de la mission de diplomatie économique sensée faire de Marseille une capitale majeure de l’Union pour la Méditerranée, dont la mission touche pourtant à tous les domaines d’activités sur un espace et un territoire de rayonnement où la France est pourtant sensée être parmi les leaders, si ce n’est le leader.

Peut-on se satisfaire de voir un tel niveau de résignation, pour ne pas dire d’entente droitière pour exploiter plus encore le populisme ambiant ? Certainement pas mais c’est avant tout à la gouvernance du GIP qui porte la Villa Méditerranée de tout faire pour ne pas finir en Casino, même si l’on sait que de nombreux obstacles techniques et juridiques entravent assurément une telle entreprise (mais pendant combien de temps ?).

En attendant, les plus optimistes diront que c’est dans les moments de crise que nous sommes les plus créatifs et imaginatifs mais peu osent prendre la parole publiquement, peu osent dire qu’à tout le moins deux pistes peuvent être envisagées : une nouvelle dynamique ou une nouvelle vocation.

  • Une nouvelle dynamique signifierait que l’on sache vraiment comment relancer la machine, et des solutions existent !
  • Une nouvelle vocation signifierait des usages en lien avec des pratiques et des besoins avérés tout en trouvant les conditions de poursuite de la mission originelle sous une autre forme.

Dans tous les cas, il faut sauver le soldat Villa Méditerranée de cette prise en otage absolument insupportable. Elle a un avenir.

 

 

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L’hybridation des mondes

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Nous souhaitons attirer l’attention sur la parution d’un ouvrage remarquable sur le thème « territoires et organisations à l’épreuve de l’hybridation ».

Nous pensons ouverts et féconds les chemins de l’hybridation aux frontières de la recherche et des pratiques professionnelles, des sciences du territoire et des autres disciplines.
Hybridation, croisement, mixage, métissage, inter-relations, créolisation…
Quelles sont les significations dans la pensée et la pratique scientifique ?
L’émergence de ce concept dans le champ des sciences du territoire traduit la nécessité de penser les articulations, les relations et les imbrications entre objets scientifiques.
Elle permet de revisiter ces objets aussi bien que les pratiques et les principes de catégorisation.
Dans le cadre d’une approche interdisciplinaire, les sciences du territoire ont besoin de s’approprier la richesse d’un terme, de réfléchir aux conséquences épistémologiques, de confronter les approches et les modes de construction de ces quasi-objets, de mesurer leur intérêt et de discuter de leur pertinence.
Qu’est-ce qu’un hybride ?
Quelles sont les hybridations à l’oeuvre ?
Peut-on parler d’hybridité ?
Quel intérêt du concept pour la géographie, l’urbanisme et l’aménagement du territoire ?
Comment s’en saisir ?

Auteur :
Editeur :
Collection :
Genre / Thème :
Public :
Date de parution :
Octobre 2016
Isbn :
9791091336079

L’ouvrage L’HYBRIDATION DES MONDES sera disponible à la commercialisation en librairie à partir du 7 octobre 2016 au prix public de vente de 20 € TTC.

L’HYBRIDATION DES MONDES est disponible en souscription au prix de 15 € TTC sur le site de l’éditeur pendant 30 jours à partir du 7 septembre 2016.

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Si la culture s’appropriait pleinement les BIDs et passait à l’action ?

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Comme je l’évoquais dans mon précédent article, les Business Improvement Districts (BIDs) peuvent être des réponses très efficaces aux besoins locaux, complémentaires à l’action publique dans de très nombreux domaines.

En se demandant si la culture peut pleinement s’approprier le modèle, je voulais mettre en exergue le fait que l’écosystème culturel public et privé aurait beaucoup à y gagner.

Les BIDs sont souvent décriés pour leur approche néo-libérale, et si il est impossible d’éviter les questions éminemment dogmatiques qu’ils soulèvent, je ne vois pas pourquoi il en serait autrement pour la culture. Mais je suis convaincu que la culture plus que n’importe quel autre domaine peut fixer un cap bien plus profitable (au sens noble du terme) et bien moins dogmatique.

En effet, on reproche notamment à certains BIDs de créer des déséquilibres dans les quartiers, de renforcer les plus forts au détriment des plus faibles et de dénaturer certains quartiers en les « boboïsant ». Cette question ne peut être éludée mais la meilleure réponse se trouve dans la compréhension de ce qui différencie un BID (et des adaptations qu’on peut en faire) des phénomènes déjà bien établis de gentrification.

A la différence de la gentrification, où c’est d’abord la dimension immobilière qui est le principal moteur dé-régulateur et excluant qui prend le pas sur le vivre ensemble, les BIDs sont des dispositifs qui peuvent être régulés et qui dépendent d’abord de celles et ceux qui vivent au présent sur le territoire (et pas ceux qu’on veut y installer, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, au détriment des autres). Ils peuvent donc être bien plus inclusifs !

Le territoire concerné par un BID part de son tissu socio-économique existant en vue de le renforcer et de le dynamiser dans une logique d’amélioration du cadre de vie.

C’est là que la culture a plus que son mot à dire et a en réalité tout à y gagner. En effet, les BIDs sont une opportunité quasi unique pour la culture de conduire l’économique et non pas l’inverse.

L’action culturelle se fonde sur les droits culturels, des droits humains fondamentaux, et ne peut par essence exclure quiconque. Dans ces conditions, faire en sorte que la culture s’approprie pleinement le modèle des BIDs et en fasse sa propre déclinaison constitue une alternative plus qu’opportune 1) à la clusterisation plus ou moins heureuse des territoires 2) aux tentatives plus ou moins réussies de marketing territorial et 3) au pire visage de la gentrification.

Définir une stratégie culturelle pour conduire l’économie d’un territoire (c’est-à-dire le contraire de ce qui est généralement fait) a au moins quatre principaux avantages :

  • façonner le profil et la croissance soutenable du territoire concerné ;
  • replacer l’humain et le bien commun au centre des préoccupations ;
  • créer de la valeur ajoutée matérielle et immatérielle pour tous, sans discrimination ;
  • libérer la culture son instrumentalisation et de son cloisonnement habituels.

Si la culture s’appropriait pleinement le modèle et le détournait à dessein en se fondant sur les principes des droits culturels, c’est une autre relation entre le public et le privé qui pourrait voir le jour autour d’une approche renouvelée de l’espace public et du bien commun, par opposition à la privatisation de l’espace public et de la prédominance des intérêts particuliers qui sont les causes de bien des inégalités.

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Et si la culture s’appropriait pleinement les BIDs ?

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Les BIDs (Business Improvement Districts) existent depuis les années 60 aux Etats-Unis et au Canada et depuis une dizaine d’années ils se développement en Afrique du Sud, en Allemagne, au Japon, en Nouvelle-Zélande, en Australie et en Grande-Bretagne.

Les retours d’expérience démontrent qu’ils ont atteint un niveau supplémentaire de maturité ces dix dernières années (crise oblige) et s’avèrent des réponses très efficaces aux besoins locaux, complémentaires à l’action publique dans de très nombreux domaines. Et si la culture s’en appropriait le modèle ?

De quoi s’agit-il ? Un Business Improvement District est un modèle de développement dédié à l’amélioration du cadre de vie sur un territoire défini, quelle que soit sa taille. Sa pérennité et sa soutenabilité reposent sur la mise en place d’un fond collecté auprès des acteurs privés présents sur ce territoire (entreprises, artisans, associations, etc.) et le mécanisme pour cela est simple : chaque acteur verse un faible pourcentage de sa valeur imposable (généralement 1% mais selon les territoires ce pourcentage peut être plus élevé) et les fonds recueillis sont utilisés, gérés et évalués de façon très stricte (avec une comptabilité séparée) pour contribuer à l’amélioration du cadre de vie du territoire, en finançant des infrastructures et des services.

Les détracteurs des BIDs les considèrent ni plus ni moins comme de nouveaux impôts locaux, taxant directement ceux qui le sont déjà suffisamment assez. Il suffirait de défiscaliser 100% de la contribution pour calmer les ardeurs des esprits chagrins. Le débat sur cette question est loin d’être refermé mais il faut surtout comprendre que ce n’est ni plus ni moins qu’une forme très concrète d’engagement dans la cité par, pour et avec les citoyens.

Dans le cas de la culture, ce mécanisme serait d’autant plus utile que les acteurs culturels étant confrontés à la baisse de leurs ressources et de leurs financements en provenance de l’Etat, des Collectivités ou des mécènes, la mission culturelle doit avoir les moyens de ses ambitions pour ne pas dépérir.

Quand on voit que depuis le 31 mars, Telsa a réussi à lever plus de 13 milliards de dollars directement auprès des potentiels acheteurs d’une voiture électrique qui n’existera pas avant 2018 à 35 000 dollars en entrée de gamme, on se dit qu’il y a du pain sur la planche pour construire des modèles alternatifs performants de levée de fonds pour la culture et l’innovation culturelle…. En voulant être toujours plus à part, on risque de disparaître si on ne trouve pas d’alternatives crédibles pour défendre une exception toujours plus menacée.

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Le festival du film de Sarajevo, miroir aux alouettes

Le festival du film de Sarajevo a célébré son 20e anniversaire. Or le glamour et les paillettes ne sauraient faire oublier l’état préoccupant de la Bosnie-Herzégovine, déplore le quotidien Večernji List : « Le tapis rouge hédoniste du festival du film de Sarajevo n’est qu’une imposture colorée, totalement en contradiction avec la situation déplorable de la Bosnie depuis des décennies. … Tout cela donne l’impression qu’il existe un Etat viable en Bosnie-Herzégovine, ce qui est loin d’être le cas ! … On oublie que les principaux établissements culturels de Sarajevo n’ont même pas assez de fonds pour assurer leur survie, et ainsi, ne peuvent pas dévoiler leurs trésors aux touristes. Même dans le cadre du festival, le tapis rouge vole la vedette aux films en compétition. »

Source : BpB.

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La justice persiste : Chemetov ne peut s’opposer à la démolition de son « oeuvre » de Courcouronnes

Selon un arrêt de la cour d’appel de Paris, rendu public le 16 octobre, Paul Chemetov ne pourra pas s’opposer à la démolition de son immeuble construit en 1983 à Courcouronnes (Essonne). Entre l’intérêt général d’un projet de rénovation urbaine et l’œuvre caractéristique du « patrimoine du XXe siècle » de l’architecte de Bercy proclamé Grand Prix national de l’architecture en 1980, la justice a tranché. L’arrêt de la 1ere chambre civile stipule que le projet de démolition « répond à un motif légitime d’intérêt général proportionné au droit moral de l’architecte et ne procède pas d’un abus de droit du propriétaire ou d’un comportement fautif ». Une décision qui confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 13 juin, qui avait débouté Chemetov de sa demande « au nom du droit d’auteur » (voir notre article ci-contre du 17 juin). 
Les travaux de démolition commenceront en février, a annoncé Stéphane Beaudet, maire de Courcouronnes et premier vice-président de la Communauté d’agglomération Evry Centre Essonne pilote du projet Anru.

Source : AFP.

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Actors of urban change

Robert Bosch Stifung

Actors of Urban Change is a Europe-wide pilot programme by the Robert Bosch Stiftung in cooperation with MitOst e.V. It aims to achieve sustainable and participatory urban development through cultural activities. This is carried out by strengthening the competencies for cross-sector collaboration among actors from the cultural scene, the administration, and the private sector who form teams of three committed to implementing a project in their city. Using culture as a tool, the projects might address a broad range of social, political and environmental challenges related to urban change. On a local level, the teams receive support for the implementation of their joint projects through grants and customized coaching. On an international level, they benefit from further qualification through workshops, seminars, peer-learning sessions and field trips during meetings and shadowing internships with teams from different cities, allowing for Europe-wide exchange and networking.

The application deadline is 27 October 2013. A more detailed description of the programme and contact information, as well as access to the call and the online application form can be found on www.actors-of-urban-change.eu

For more information, please contact: Martin Schwegmann, Program Officer Actors of Urban Change; e-mail: schwegmann@actors-of-urban-change.eu; www.actors-of-urban-change.eu

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50 ans d’art dans la ville, Vitry-sur-Seine

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Située aux portes de Paris, Vitry-sur-Seine, ville de 85 000 habitants, s’est engagée depuis le début des années 1960 dans une politique audacieuse de commande d’œuvres d’art en milieu urbain. La municipalité a fait preuve, en ce domaine, d’une constance, d’une continuité et d’une longévité exceptionnelle, en maintenant le cap d’une vision à long terme sur le rôle de l’art dans la cité, comme élément essentiel de son développement culturel, social et urbain.

L’ensemble de cette politique a porté ses fruits. La ville compte désormais quelques 130 réalisations offertes à la déambulation du promeneur et du citadin dans une grande variété d’espaces publics et collectifs. Cette collection d’art public est l’une des plus importantes en France. Plusieurs générations d’artistes y ont contribuées.

Outre un dossier très complet sur Art-public.com, rappelons également la publication de « L’art est dans la ville, Vitry-sur-Seine, 50 ans d’art contemporain », ouvrage produit par la ville de Vitry-sur-Seine, sous la direction de Catherine Viollet, conseillère aux arts plastiques, avec un texte introductif de Ann Hindry.

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190 pages – 200 illustrations photographiques

Livre accompagné d’un DVD (film, 25mn) « Les artistes sont dans la ville« 

 Fage Editions

ISBN 978 2 84975 2593

Prix : 24 €

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Managing Spontaneity : a conversation with the authors of Eventful Cities

An ART-idea* conversation with the authors of Eventful Cities, Greg Richards and Robert Palmer, took place in Barcelona on 17th April 2013. The event brought together a select group of experts and practitioners from across Europe to share and discuss ideas about the future of cities and events.

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Eventful cities are constantly evolving in the face of emerging challenges, particularly the current economic crisis and major shifts in the social fabric of communities. The discussion identified a number of key issues, ranging from the understanding of multiple identities of cities, changing nature of city governance, increasing complexity of brokering relationships with increasingly diverse city stakeholders, and the need for new approaches when bidding for international events, to the limitations of current methodologies and the deliberate misrepresentation of results of event evaluations and impact studies.

A need was identified to move from economic based event indicators to a wider concept of public value. The value-led argument should no longer centre on economic benefits but rather incorporate a more sophisticated and multi-polar approach to assessing the value of the cultural events.

The final session of the conversation was dedicated to looking at the future challenges for cities and considered wider implications for events in cities. Several challenges were highlighted:

  • Increased demand by citizens to reclaim public space
  • Growing need amongst people to come together in mass events (what Greg Richards referred to as the “need for physical co-presence.”)
  • Rising disillusionment with mega events that exclude genuine citizen engagement
  • Proliferation of spontaneous events (that ignore rules of conventional event management as practiced traditionally by local authorities)
  • Growth in events that challenge the boundaries of authority and usual consumer behavior

Taken together, these trends point to significant challenges to the approach of cities when managing events. It will be increasingly complex to manage security by issuing permits –the flash mob disappears before the police arrive! The renewed demands from citizens for the right to utilize public space in “their” city will be increasingly difficult to ignore, persuading authorities to re-examine and embrace the demonstration of different expressions of public creativity. It may be that city authorities will need to find ways to allow citizens to design their own events, taking what Robert Palmer identified as a more “prosumptive” approach to participation that will require events facilitation rather thanmanagement. Managing spontaneity will demand a new set of skills.

The next Conversation will be held in September 2013 and will consider “the possible end to the approach to city cultural policy as we know it.” With redundant art forms, new forms of participation, the changing role of arts subsidy and a new ecology for culture, the debate will look at the feasibility of a needs/rights based policy approach that is no longer driven by economics.

The aim of the conversation is for you to have an input and use the opportunity to ask burning questions or test your own theories and analysis. The conversation takes place in a combination of formal and informal settings -and is moderated to ensure that everyone has the opportunity to participate.

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*ARTidea is a non-profit association dedicated to exploring creative and artistic solutions for local and regional development.

About Eventful cities on CEG :

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Cité de la Gastronomie : dénouement provisoire

cité, gastronomie

Si on peut se réjouir que sur 5 villes candidates, 2 aient été éliminées :

  • Lyon, d’une part, qui avait pourtant tout pour gagner, en raison d’un dossier mal ficelé, peu ambitieux (18 M euros d’investissement en grande partie privés – Eiffage -)  et venant substituer dans l’Hôtel Dieu au thème initial de la santé celui de la nutrition,
  • Beaune, d’autre part, avec un dossier surdimensionné à l’échelle de ce territoire (60 M euros), rejeté en périphérie du centre-ville et sans synergie avec le futur centre culturel des vins de Bourgogne…

…il n’en demeure pas moins que le fait de proposer l’idée « d’un réseau de Cités de la Gastronomie, dont le socle serait constitué par Tours, Paris-Rungis et Dijon », est l’exemple même de ces « décisions Tartuffe », dont les missions émanant des administrations publiques ont le secret…, sous prétexte de contenter tout le monde et de ne fâcher personne !

Car le propre d’un appel à projets est de sélectionner, donc d’éliminer, mais encore faudrait-il disposer de critères objectifs et surtout pondérés, ce qui n’était pas le cas à en juger par le rapport rendu public par la Mission Française des Patrimoines et des Cultures Alimentaires …ce 11 janvier 2013, qui en ces pages 6 et 9 (l’appel à projet n’étant d’ailleurs pas annexé au rapport) liste pèle mêle :

  • valorisation du patrimoine gastronomique dans le cadre du plan de gestion Unesco (classement du repas gastronomique des français)
  • vitrine des métiers et formation
  • vitrine des savoir-faire
  • attractivité et aménagement du territoire
  • développement de l’offre touristique
  •  ambition nationale et internationale
  • viabilité du modèle économique
  •  faisabilité du calendrier proposé et de son phasage

Page 9 de ce rapport, à peine s’est t-on risqué à cette petite phrase qui donne un aperçu des critères mis en avant par la mission : « Il convient d’attirer l’attention sur le fort ancrage territorial de chacune des candidatures qui a souvent conduit à une mise en avant un peu trop poussée des produits, des acteurs et des savoir-faire locaux au détriment de l’ambition nationale et internationale du projet envisagé ». C’est ce qui permet par exemple à la mission de retenir la candidature de Rungis, du fait de sa portée nationale et internationale inhérente (produits du marché de Rungis s’entend) alors qu’aucune tradition touristique, encore moins de gastronomie régionale ne s’attache à ce lieu…dont on imagine mal pourquoi un touriste étranger viendrait s’y perdre ! (critère qui n’a pas l’air d’intéresser la mission, qui relève quand même les difficultés de transport qui ne peuvent se résoudre que dans le plan transports du Grand Paris !). Et ce n’est pas en intitulant cette candidature Paris-Rungis que cela changerait quelque chose !

Mais peu importe, ce volontarisme politique (aménagement du territoire sur le modèle du Louvre-Lens) est sur-pondéré par rapport à la dimension touristique et de gastronomie régionale incontournable, que Dijon et Tours (mais aussi les deux recalées Lyon et Beaune) possédaient indéniablement. Il est symptomatique que la seule candidature dont l’investissement ne soit pas précisé dans le rapport soit Rungis (car non finalisé) : Tours et Dijon étant respectivement à 35,6 M euros et 55 M euros (pour Lyon et Beaune voir en début d’article).

De même, et on le voit dans le rejet de Lyon, un « modèle économique classique à la française », fait de beaucoup de subventions, tant en investissement qu’en fonctionnement, et « d’un zeste de privé » (à l’exemple de Tours dont l’autofinancement est de 47 % sur un budget de fonctionnement de 4 M euros) est préféré au modèle du « tout privé » (avec Eiffage en co-investisseur et un autofinancement total de fonctionnement) proposé par Lyon, que la mission écorne par cette phrase assassine « Il n’en demeure pas moins que le ratio entre les espaces à vocation pédagogique, culturelle et scientifique et les superficies allouées aux activités marchandes (commerces, boutiques, hôtel, divers restaurants, …) apparaît particulièrement disproportionné ».

Ainsi, le critère d’ambition nationale et internationale, que la mission a plus relevé à Tours qu’à Dijon du fait d’Euro Gusto notamment, aurait mérité d’être plus finement analysé, alors que par exemple, Dijon était la seule candidate à s’appuyer sur un pôle de compétitivité de niveau national et international, Vitagora.

Enfin, en termes de faisabilité financière et de phasage, il apparaît surprenant qu’aient été mis sur le même plan deux dossiers prévoyant une ouverture en 2016, Dijon et Tours, avec celui de Rungis, dont l’ouverture est conditionnée au calendrier d’aménagement du Grand Paris, de toutes façons pas avant 2017 ou 2018.

Si la mission a pu apparaître courageuse en ne retenant pas Lyon (et Beaune s’entend), elle aurait pu aller plus loin en éliminant Rungis (reste de centralisation étonnant quand on veut mettre en avant la diversité gastronomique des régions françaises, et de plus choix trop marqué en terme d’aménagement) et en permettant à deux capitales régionales touristiques et gastronomiques majeures, Dijon et Tours, de disposer d’équipements structurants complémentaires – qui leur font aujourd’hui en grande partie défaut – à même de renforcer leur notoriété touristique, notamment à l’international, objectif principal dans cette démarche Unesco.

Jean-Michel Puydebat*

Du même auteur :

*Jean-Michel Puydebat est consultant spécialisé en management de la culture, directeur de PV2D, président du réseau de consultants CPIP et membre de CEG.

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Le musée Guggenheim, une chance pour Helsinki

La ville d’Helsinki espère obtenir son propre musée Guggenheim. Elle étudiera au cours des douze prochains mois avec la Fondation Solomon R. Guggenheim la viabilité du projet. Celui-ci offre à Helsinki une chance exceptionnelle mais comporte également des risques, estime le quotidien libéral Helsingin Sanomat : « Le projet de musée est une grande opportunité pour la culture d’Helsinki, la région de la capitale et la Finlande. S’il est réalisé, il offrira à la culture finlandaise en pleine évolution un forum renommé de l’art contemporain, avec un réseau international. … Helsinki et les Finlandais doivent convaincre la fondation artistique internationale qu’on peut construire ici quelque chose de totalement nouveau et d’important sur le plan mondial. … Ce projet est une opportunité fantastique, mais aussi un risque. S’il devait aller de travers, cela aurait des répercussions négatives sur l’image d’Helsinki et de la Finlande dans le monde, ainsi que sur notre perception de nos propres possibilités. Il ne faut pas détruire cette chance en attisant la défiance ou les disputes partisanes ».

Source : BPB.

Sur le même sujet, cliquez ici.

 

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Comité Balladur et la culture

comité-balladurJean-Michel Lucas nous fait l’honneur de nous autoriser à publier sur C.E.G. une de ses récentes interventions sur la manière dont le comité Balladur aborde la culture.  Nous avions déjà signalé trois de ses parutions en janvier dernier et celle-ci est à notre connaissance et à notre grand étonnement la première sur le sujet (n’hésitez pas à renseigner ce point).

Il s’agit d’une contribution critique de fond, à l’heure où la culture et son ministère se situent dans un moment charnière. Nous suivons depuis le début et de près les travaux du comité Balladur sous cet angle et nous lancions un débat en février dernier suite à la réunion du Forum de gestion des villes afin de rétablir un certain nombre de vérités. Le texte de Jean-Michel Lucas porte ici un regard critique et essentiel. Nous nous réjouisons de pouvoir vous le proposer sur C.E.G.

Président de Trempolino, docteur d’Etat ès sciences économiques et maître de conférences à l’université Rennes 2 Haute-Bretagne dont il fut le vice-président de 1982 à 1986, Jean-Michel Lucas fut également conseiller technique au cabinet du ministre de la Culture Jack Lang de 1990 à 1992, où il y impulsa notamment le programme « Cafés Musiques ». Nommé Directeur régional des affaires culturelles d’Aquitaine en 1992, il mit en place une politique culturelle d’État en étroit partenariat avec les collectivités locales, et avec comme préoccupation de valoriser la place de la culture dans les politiques de la ville et des territoires ruraux. Ce « militant de l’action culturelle », connu sous le pseudonyme de Doc Kasimir Bisou, a participé à plusieurs projets sur le devenir des politiques culturelles et sur les légitimités dans lesquelles elles s’inscrivent. En Bretagne comme en Aquitaine, il fut par ailleurs à l’origine de nombreuses réalisations concernant les musiques amplifiées (RAMA, festival d’Uzeste, Rencontres Trans Musicales de Rennes…).

Vous pouvez retrouver toutes ses contributions en cliquant ici et n’hésitez pas à réagir et à contribuer au débat !

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PREMIER REGARD INTERROGATIF ET CRITIQUE SUR LE RAPPORT BALLADUR

ET SA CONCEPTION DE LA POLITIQUE PUBLIQUE DE LA CULTURE

Le Comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par Monsieur Balladur, a rendu son rapport au Président de la République en date du 5 mars 2009 [1].

Les propositions de ce Comité ont été largement commentées, surtout à propos du « redécoupage » des régions, du « Grand Paris », des « métropoles » ou de la suppression de la compétence générale de certaines collectivités.

Le milieu culturel, quant à lui, a accordé un regard distrait à ces propositions, à juste raison d’ailleurs puisque aucune formulation ne semble modifier profondément l’ordre acquis de la politique culturelle des collectivités.

Toutefois, l’interrogation ne manque pas de surgir lorsque le premier regard croise des mots dont le sens est curieusement erroné ou indéterminé. Il devient alors manifeste que pour le Comité Balladur, de haute compétence par ailleurs, la politique publique de la culture est « invisible » dans les enjeux qu’elle porte [2]. Le regard du lecteur devient nécessairement critique et oblige l’ensemble des acteurs culturels à s’interroger sur la part qu’ils doivent prendre pour que la République décentralisée ré-écrive [3]  autrement cette mauvaise copie sur les compétences publiques en matière d’arts et de cultures.

I- Lecture des apparences « culturelles » dans le rapport Balladur

Quelles sont les compétences culturelles que les collectivités et l’Etat seraient appelés à exercer si le rapport s’appliquait intégralement ? La réponse est lisible dans un tableau ➊ et dans un paragraphe ➋.

➊ Commençons par le tableau où figurent des mots dont la compréhension est posée comme évidente puisque aucune note ou lexique n’en précise le sens. Lisons :

  • Les régions détiendront la compétence : « culture (patrimoine, éducation, création, bibliothèques, musées) ».
  • Les départements détiendront aussi la compétence culture, mais le contenu de la parenthèse est différent : « (éducation, création, bibliothèques, musées, archives) ». Le lecteur attentif aura compris que les régions n’ont pas la compétence « archives » qui revient aux départements ; l’inverse se jouant pour le « patrimoine ».
  • Pour le « secteur communal », on retrouve aussi la compétence culture, avec les précisions entre parenthèses : « (éducation, création, bibliothèques, musées) ».
  • L’Etat, quant à lui ne perd rien de sa compétence globale « culture (patrimoine, éducation, création, bibliothèques, musées, archives) ».

On pourrait conclure de ce premier regard qu’il n’y a pas là de quoi fouetter un chat et que la culture est une affaire bonne pour toutes les collectivités, hormis le dosage territorial entre « archives » et « patrimoine ». Le Comité s’est montré raisonnable et équilibré, vertu première de la démocratie institutionnalisée.

Pour être complet, on évoquera aussi les « métropoles » [4] pour lesquelles la compétence « culture » recouvre « le patrimoine, l’éducation, la création, les bibliothèques, les musées et archives ». Les « métropoles » sont ainsi privilégiées puisqu’elles obtiennent les compétences des départements avec, en plus, la responsabilité du patrimoine. Dans cette nouvelle configuration, les communes concernées se verront déléguer, si nécessaires, des compétences de la métropole.

On peut aussi mentionner la collectivité nouvelle « Grand Paris » qui se voit doter des « compétences d’attribution des départements et des intercommunalités les plus importantes ». Le Grand Paris aurait en charge « la coordination » de nombreuses politiques publiques (aménagement de l’espace, réserves foncières, transports urbains, plan d’urbanisme, habitat…) et les communes disposeraient de « compétences suffisamment précises ». En particulier, le rapport indique que seraient « transférées ou confirmées » aux communes, « en raison de leur intérêt local », certaines compétences « exercées par les départements absorbés par le Grand Paris ». « Ce serait le cas en matière culturelle (1 % culturel, protection du patrimoine, enseignement artistique, bibliothèques, archives), en matière d’environnement et de protection du patrimoine, avec les inventaires locaux, en matière d’eau et d’assainissement, par exemple. »

Devant si peu de mouvements significatifs par rapport au passé, on s’ennuierait presque !

➋ On commence toutefois à sentir la brise du doute en lisant le paragraphe consacré aux « compétences partagées ». En effet, le rapport formule explicitement sa conception des compétences culturelles. Au-delà de la liste que nous venons de rappeler, le rapport affirme : « Pour ce qui concerne la culture, la diversité des missions en cause rend particulièrement délicat l’attribution de cette compétence à un seul niveau d’administration ». Conséquence : au nom de l’intérêt général, toutes les collectivités peuvent agir pour le bien de la « culture » !

Je suis certain que la plupart des acteurs concernés par la politique culturelle percevront la dimension positive de cette phrase. Ils approuveront la liberté accordée aux collectivités qui seront dorénavant maîtresses des valeurs culturelles à promouvoir sur leur territoire. Liberté aussi pour les professionnels de la culture qui, recalés auprès des élus d’ici, pourront trouver du soutien ailleurs pour leur projet artistique. Sans compter qu’il ne manquera pas une voix pour apprécier la possibilité de mobiliser, sans contrainte de compétences, des financements croisés pour partager la charge des gros équipements ou compléter le financement d’un festival.

Mais le doute vient vite car cette large liberté est par définition fort paradoxale ! Faut-il rappeler que le rapport Balladur a pour seule ambition de simplifier l’organisation administrative de la France. Sa priorité politique est de « définir clairement comme exclusives les attributions de compétence faites au profit de telle ou telle collectivité locale ». Le rapport insiste ainsi pour nous convaincre que « l’empilement des structures et l’enchevêtrement des compétences de chaque niveau d’administration sont, par eux-mêmes, générateurs d’excès de dépenses, et favorisent des investissements sur l’utilité desquelles les électeurs peuvent, parfois, ne pas manquer de s’interroger ».

Or, l’expression la plus pure de cet « enchevêtrement » est bien la politique de la culture ! Malgré ce constat, le Comité laisse toute liberté aux collectivités de prendre les initiatives culturelles qu’elles souhaitent. La « culture » échappe aux objectifs politiques pourtant solidement affirmés par le Comité Balladur. Privilège ou piège ? On commence à douter des avantages d’une liberté si antinomique avec l’objet même du rapport ! La vigilance s’impose et le premier regard doit laisser place à l’investigation critique. Regardons de plus près les enjeux de politique publique que le Comité Balladur accorde à la « culture ».

II- De détails secondaires à une totale invisibilité

Quand on examine la liste des membres du Comité Balladur, on est impressionné par les titres et les expériences de chacun des sages appelés à dire l’avenir de la république décentralisée. Une telle compétence collective ne peut commettre ni erreur, ni confusion et le lecteur n’ose qu’avec peine imaginer des imprécisions. Pourtant, si l’on veut prendre la question culturelle au sérieux, il faut oser interroger le texte. On découvre, alors, de questions en questions, l’ampleur du vide que cachent les mots. Prenons le soin de nous arrêter sur la référence au « Patrimoine » ➊, sur ce qui fait sens pour la politique culturelle ➋ puis sur l’idée même de « soutien à la création artistique » ➌.

Commençons par un détail secondaire, mais cruel :

➊ Le rapport évoque ainsi « le patrimoine », sans donner de définition précise du terme. Il différencie le « patrimoine » des « archives », des « musées », des « bibliothèques ». Les membres du Comité séparent toutes ces catégories, ne doutant pas un instant de la pertinence d’un tel découpage. Pourtant, ce dernier est obsolète et n’a plus de référence formelle dans la politique culturelle de l’Etat. N’importe quel stagiaire de sous préfecture aurait pu le vérifier en regardant le seul document de référence incontournable pour l’Etat, celui que le ministère de la culture présente et fait adopter par le Parlement à l’occasion du vote de la loi de finances : le PAP (projet annuel de performances) de la mission culture. Dans ce document qui autorise formellement le ministère à agir, le « patrimoine » n’est jamais au singulier. Il est uniquement question de « patrimoines » au pluriel et le mot est défini ainsi : « Le champ du patrimoine comprend les monuments historiques, les espaces protégés, l’archéologie, les musées ou les archives mais aussi l’architecture, le livre, le cinéma et la langue française. »

La différence de définition est telle avec les mots du Comité que l’interrogation s’impose : pourquoi le rapport Balladur, si soucieux du formalisme républicain, n’a-t-il pas respecté les définitions données par l’Etat ; pourquoi s’est-il contenté de donner son point de vue à partir des vagues souvenirs de ses membres !

Cette observation paraîtra, sans doute, bien anecdotique au regard des enjeux fondamentaux du rapport Balladur. On peut en convenir ! Mais l’erreur suffit à éveiller la vigilance critique sur ce qui est dit, mais aussi sur ce qui est oublié.

➋ De ce point de vue, un retour à la liste des compétences est salutaire : quel sens faut-il donner à l’expression « politique culturelle », plus précisément, quelle est la finalité d’intérêt général de la compétence culturelle ? Uniquement celle d’équipements en dur – musées, archives, bibliothèques – désignés par leur seule qualité disciplinaire. Aucune unité de sens dans la définition de la culture publique. Là encore, on reste étonné que le rapport Balladur nous resserve des catégories anciennes qui fleurent bon le siècle passé : il nous parle de « bibliothèques », équipements lourds et coûteux mais il oublie de les resituer dans la cadre de la « politique de la lecture publique » qui seule les légitime. De même, l’action culturelle, la médiation culturelle pour ne rien dire de la coopération culturelle ou de l’activité culturelle associative qui nourrit les dialogues et échanges des arts et cultures sur le territoire, sont totalement ignorées.

Cette observation est d’autant plus problématique que l’annexe du rapport Balladur fait figurer les positions alternatives de Monsieur Mauroy, dont on connaît le parcours politique. Que lit-on dans sa formulation des compétences culturelles : Monsieur Mauroy propose que les régions aient compétence sur les « Grands équipements (opéras) » ; les départements sur les « bibliothèques, les musées, les archives, le patrimoine » ; le bloc communal sur « l’éducation, la création, les musées, les bibliothèques » ; l’Etat conservant la « création et les grandes structures nationales ». Pas plus d’unité de sens dans la définition des finalités spécifiques de la politique de la culture, et la même obsession, répartie différemment, pour les « structures » et les « grands équipements ».

L’anecdote des mots présents ou omis n’est plus si bénigne : le seul enjeu d’intérêt général énoncé pour la culture est pour l’ensemble des membres du Comité, la gestion des locaux et des personnels qui y travaillent ! On espérait une pensée sur la valeur des interventions culturelles publiques sur les territoires : on ne trouve qu’un trop plein de préoccupations gestionnaires.

➌ On pourrait douter de la pertinence de ce jugement sévère en observant que le rapport retient la compétence de « soutien à la création artistique » pour toutes les collectivités. Beaucoup de porteurs de projets verront là une reconnaissance de leur activité de création artistique et se féliciteront de pouvoir, ainsi, être largement financés par plusieurs sources publiques (on devrait plutôt dire plusieurs « guichets »).

Le regard critique s’impose pourtant car, dès la première lecture, on repère une grossière erreur que l’on ne pardonnerait pas à un rédacteur ordinaire : le rapport considère que les collectivités ont déjà la compétence de « soutien à la création artistique ». Or ce constat est faux. Le Code général des collectivités territoriales ne mentionne nullement cette compétence, même pour les Établissements publics de coopération culturelle (EPCC – Article L1431-4) ; seule la Collectivité de Corse détient le privilège de s’occuper légalement de « création artistique » (Article L4424-7) !

L’erreur n’est pas seulement formelle puisque l’histoire de la décentralisation nous rappelle que le milieu artistique, dans ses composantes les plus influentes, a combattu pour éviter que les collectivités puissent s’emparer d’une compétence autonome de « création artistique ».

En revanche, si le constat est faux en droit, il est juste dans les faits : les collectivités apportent un soutien très important aux spectacles vivants. Le rapport Balladur aurait pu nous dire qu’il était temps de mettre le droit en adéquation avec les pratiques, il aurait ainsi exercé pleinement sa mission. Mais il oublie son rôle, il prend le « fait » pour une compétence juridique spécifique. Cette méprise ne manque pas d’intérêt. Elle révèle une faute d’appréciation que d’autres pouvaient commettre mais pas le Comité chargé de mettre de l’ordre dans la formulation des compétences des collectivités ! Comment comprendre qu’un Comité aussi expérimenté ait pu faire preuve d’autant d’approximations sur les mots, d’autant d’imprécisions sur leur sens, d’autant de négligences dans l’approche de la politique culturelle ? Par une seule raison qui saute maintenant aux yeux et qui avait pourtant échappé au premier regard : le Comité Balladur n’accorde aucune importance à la politique culturelle. C’est une affaire dont il faut bien parler car elle intéresse quelques intellectuels influents et coûte cher aux collectivités territoriales. Mais guère plus ! On doit donc conclure que le Comité estime que les enjeux de la politique culturelle sont à ce point négligeables, mal cernés, « indéfinis » dira même Monsieur Jean-Claude Casanova, membre du Comité, qu’il est inutile de chercher à les expliciter.

Cette conclusion éclaire d’un jour nouveau la liberté accordée à toutes les collectivités de s’occuper de culture : dans la république décentralisée dessinée par le rapport Balladur, l’enjeu culturel est sans importance ! La politique culturelle est certes « connue » pour ses bâtiments et structures, mais pas « reconnue » pour ses valeurs d’intérêt général. Elle fait partie du paysage de l’action publique, mais elle est « invisible » dans les finalités propres qu’elle revendique. Sa liberté est la contrepartie de l’indifférence qu’elle inspire.

III- De l’invisibilité à la reconstruction de la politique de la culture

Pour bien mesurer la force de l’invisibilité, il faut quitter l’apparence des mots et se concentrer sur la question des valeurs.

Le mieux est de revenir sur la compétence de « soutien à la création artistique ». À première vue, notre jugement critique semble contredit puisque la république décentralisée reconnaît, enfin, l’enjeu public de l’art. Mais les porteurs de projets ne doivent pas se réjouir trop vite, car le rapport Balladur fait subir à la « création artistique » une forte mutation génétique.

Rappelons d’abord que pour soutenir la création artistique de qualité, la politique culturelle de l’Etat prend appui, depuis cinquante ans, sur une compétence nommément désignée consistant à sélectionner, parmi toutes les productions culturelles, celles qui méritent d’être reconnues comme « œuvres de l’art et de l’esprit ». La compétence publique vise à sélectionner les œuvres pouvant détenir une place « capitale pour l’Humanité ». Il s’agit là d’une compétence spécifique au Ministère de la culture qui n’est partagée avec aucun autre ministère. Son énoncé, à travers le PAP, est formellement validé par le Parlement qui, pour l’année budgétaire 2009, rappelle que : « Depuis sa création en 1959, le Ministère chargé de la culture a pour mission de rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l’humanité, de favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit […] ». Cette finalité d’intérêt général de la politique culturelle est fondamentale pour la République : elle consiste à promouvoir pour le plus grand nombre la belle utopie malraucienne de la culture universelle qui émancipe les êtres humains et les sauve de l’emprise des « usines de rêves »[5], dans la solide tradition française d’une politique culturelle poursuivant le mandat des Lumières.

Ces exigences associées aux œuvres de l’art et de l’esprit se retrouvent-elles dans le rapport Balladur quand il accorde la compétence de « soutien à la création artistique » à toutes les collectivités ? La réponse est évidemment négative : le rapport n’associe aucune finalité républicaine et émancipatrice à la notion de « création artistique ». Il n’indique pas que les collectivités devront, comme l’Etat, sélectionner les seules « œuvres de l’art et de l’esprit » qui méritent de l’être pour recevoir le titre « d’œuvres capitales de l’Humanité ». Il ne dit pas non plus que la liberté de choix des collectivités sera encadrée par une loi fixant les modalités de sélection des productions culturelles pouvant justifier le soutien public pour leur valeur artistique.

À aucun moment, le rapport Balladur ne se place sur ce registre de la « culture universelle ». Chaque collectivité fera donc ses choix selon son appréciation de l’art. Chacune sélectionnera la qualité à sa façon, selon ses propres règles, selon son goût, le bon comme le mauvais. La conséquence de cette liberté est que l’idée même de création artistique sera très différente, sinon même antagonique, de Dunkerque à Marseille, de Strasbourg à Louhossoa… Chacun pourra prétendre avoir fait le bon choix des « œuvres d’art et de l’esprit » au nom de l’intérêt général, mais qui pourra le croire ? L’idée même de culture universelle est totalement enterrée par la république décentralisée imaginée par le rapport Balladur. L’utopie de l’Etat est abandonnée ! Plus grave encore, le rapport n’envisage aucune approche alternative. Il reste silencieux sur les missions spécifiques que la république décentralisée confie aux créateurs, et plus largement, aux acteurs culturels.

Il reste donc à conclure que les compétences culturelles n’ont aucune vertu particulière ; la « culture » comme les autres, devra s’inscrire dans les missions générales confiées aux collectivités : d’une part, la réponse aux besoins de proximité des habitants et d’autre part, les enjeux de développement du territoire. Les compétences culturelles n’auront pas d’autres légitimités. L’invisibilité de la politique culturelle s’explique donc aisément : la république a mieux à faire qu’à reconnaître les valeurs propres aux arts et aux cultures.

Il faut s’attarder sur un passage fondamental du rapport, qui ne parle pas de compétences culturelles, mais en conditionne fortement le rôle :

« Le Comité a relevé que les dynamiques démographiques et sociales en cours se traduisaient par un déséquilibre croissant dans la répartition de la population et l’émergence de modes de vie inédits qui ont pour conséquence des besoins accrus de services de proximité. Il en a déduit que ces évolutions rendaient nécessaire que l’action publique des collectivités locales, en symbiose avec celle de l’Etat, s’articule, à terme, autour de deux niveaux principaux d’administration exerçant deux catégories de compétences distinctes. Le premier, à l’échelle régionale, aurait la charge de la mise en œuvre des politiques publiques de soutien à l’activité et à la compétitivité ; le second, à l’échelon intercommunal, aurait pour mission, en complément du rôle joué par le département, surtout en milieu rural, d’assumer l’action de proximité à destination des habitants. »

Dans ce cadre, les acteurs culturels n’ont plus à être surpris : ils sont là comme outils du développement territorial et comme services de proximité aux usagers et donc aux électeurs :

« La société française a changé, elle éprouve des besoins nouveaux, des aspirations inédites, sa soif de proximité et de sécurité, son goût pour la démocratie locale sont justifiés par la globalisation du monde. Aussi est-il indispensable qu’un changement fondamental soit apporté au mode d’administration du territoire. C’est la condition d’un approfondissement de la démocratie locale et de l’amélioration des services rendus aux usagers des services publics, qui sont aussi des contribuables et, d’abord, des électeurs. »

D’ailleurs, le principe qui commande l’attribution des compétences ne laisse aucun doute : « Le principe selon lequel l’impôt local est une contrepartie des biens et services produits ou rendus par la collectivité qui les vote est de plus en plus méconnu, alors que ce principe est constitutif du consentement à l’impôt, socle de la démocratie. »

Ainsi, ne relevant pas de finalités spécifiques, le soutien à la création artistique et plus largement l’aide aux équipements culturels ne peuvent échapper à cette exigence de la « contrepartie » : les contribuables en voudront pour leur argent, pour les services culturels comme pour les autres. Votre création artistique, pour relever de l’intérêt général, devra être « utile » et rien d’autre qu’utile. Et si elle est sélectionnée pour sa qualité, c’est uniquement parce que les usagers du service, habitants ou touristes, auront besoin d’un service de bonne tenue et du « meilleur goût ».

Cette situation de « service utile » ou « d’acteurs du développement », (on dira sans doute bientôt « acteurs de l’économie créative » !) ne serait pas gênante si elle résultait d’un compromis transparent équilibrant la reconnaissance des valeurs culturelles spécifiques, d’un côté, et les enjeux territoriaux de l’autre. On se rappelle à cet égard que les monuments historiques ont une valeur d’intérêt général spécifique définie par la loi de 1913. Ils doivent avoir un « intérêt d’histoire ou d’art suffisant pour en rendre désirable la préservation ». Mais cette qualification propre aux enjeux culturels n’interdit pas les compromis conduisant le monument historique à contribuer activement à l’attractivité du territoire et à participer à l’identité culturelle du pays. Dans le rapport Balladur, cette perspective de compromis est invisible puisqu’il n’y a aucune légitimité à promouvoir une politique spécifique de soutien aux arts et aux cultures. Soyons direct dans la critique : le mythe de la « culture universelle » n’a pas résisté au réalisme des enjeux territoriaux et l’on doit se résoudre à penser que le soutien à la création artistique correspond à une simple autorisation offerte aux collectivités de dépenser de l’argent public pour proposer aux consommateurs, habitants ou touristes, des spectacles vivants à prix cassés par rapport au prix du marché…, du moins tant que la « concurrence loyale » n’est pas menacée [6]. Toujours et encore une affaire de gestion des ressources publiques !

Le Comité Balladur pouvait-il éviter cette invisibilité de la politique culturelle ?

À notre sens, il aurait été décent que ce Comité des sages rappelle, a minima, les efforts faits par la France depuis 50 ans au bénéfice de la décentralisation théâtrale et de l’aménagement culturel du territoire. Le Comité Balladur aurait pu indiquer par exemple son désaccord avec cette politique culturelle traditionnelle de l’Etat. Il aurait dû expliquer pourquoi il ne retenait pas cette voie dont on sait qu’elle opère des sélections artistiques draconiennes, dans une confidentialité des choix artistiques d’experts qui ne convient guère à la démocratie. Il a préféré l’oubli du sens des mots, forme suprême de mépris pour cette histoire culturelle française.

De plus, on doit souligner que le Comité Balladur disposait d’une autre voie pour donner une valeur d’intérêt général spécifique à la politique culturelle : la république française s’est, en effet, engagée, sur le plan international, à donner à la culture une place prioritaire dans la construction de la démocratie. La France s’est jointe activement à l’Unesco pour défendre une politique publique qui fait de la culture et de sa diversité une condition nécessaire du « Vivre ensemble » dans une société d’harmonie et de paix. Je n’invente rien : la gauche a approuvé en 2001 la Déclaration de l’Unesco sur la diversité culturelle et la droite a prolongé les négociations internationales sur le même terrain. Le Parlement français, unanime, a même autorisé la ratification des conventions de 2003 et 2005 qui prolongent les propos de la Déclaration de 2001 [7]. On doit donc considérer que ces documents sont pour la république décentralisée des références indiscutables. La définition des compétences culturelles des collectivités devrait donc directement s’en inspirer.

Il s’agirait alors de confier aux collectivités la mission de contribuer activement à la « reconnaissance de la dignité culturelle » des personnes vivant sur leurs territoires. La politique culturelle aurait ainsi pour mission d’agir concrètement pour favoriser l’expression des « droits culturels », considérés comme « partie intégrante des droits de l’homme, qui sont universels, indissociables et interdépendants », ainsi que l’affirme la Déclaration de 2001 que la France a largement approuvée. Dans ce cadre légitime pour notre pays, le Comité Balladur aurait dû affirmer la nécessité d’une compétence culturelle spécifiquement attachée à la « diversité culturelle » au sens de l’article 3 de la Déclaration de 2001 : « La diversité culturelle élargit les possibilités de choix offertes à chacun : elle est l’une des sources du développement, entendu non seulement en termes de croissance économique, mais aussi comme moyen d’accéder à une existence intellectuelle, affective, morale et spirituelle satisfaisante. » Les collectivités ne se seraient pas plaintes, pas plus que les acteurs culturels, de détenir une telle mission contribuant à donner plus de place aux valeurs émancipatrices de « dignité culturelle » des personnes dans une société plus que jamais en quête de sens.

Il aurait fallu de surcroît que le Comité affirme la nécessité pour les collectivités de soutenir les expérimentations artistiques. Il lui suffisait d’affirmer cette compétence en recopiant l’article 8 de la Déclaration de 2001 : « Face aux mutations économiques et technologiques actuelles, qui ouvrent de vastes perspectives pour la création et l’innovation, une attention particulière doit être accordée à la diversité de l’offre créatrice » ! Au moins les artistes auraient eu une raison « spécifique » de bénéficier du soutien public en tant que proposant signes, symboles, formes et récits du sensible, propres à interagir avec les identités culturelles des personnes et à forger des références culturelles communes à toutes les échelles de territoire.

Ainsi, la décentralisation se serait ouverte sur une politique active d’interactions entre les cultures, nourries de l’activité artistique, permettant à la démocratie de progresser vers un mieux « Vivre ensemble ».

Mais le Comité Balladur n’a même pas eu l’idée de penser que la « dignité culturelle des personnes » était une finalité première de la vie collective à construire, jour après jour, aux différentes échelles du territoire de la République. Il a dédaigné les enjeux politiques de la culture : ni « culture universelle » à la Malraux, ni « droits culturels des personnes » ou « expérimentions artistiques ». Il est même probable que le Comité ignore que, dans un contexte où les élus locaux s’enthousiasment pour le développement durable et mettent en place des « Agenda 21 », il avait la possibilité de suggérer que les collectivités se réfèrent à « l’Agenda 21 de la culture » ! [8]

Le Comité s’est contenté d’enfermer la culture dans des murs à gérer et des services utiles à rendre.

Pour autant, on ne lui reprochera pas totalement cette insuffisance de souffle politique.

Les partis autant que le milieu culturel professionnel doivent aussi prendre leur part à cette invisibilité des valeurs spécifiques de la politique culturelle. Les récents Entretiens de Valois ont bien montré la prégnance du corporatisme dans les débats internes entre les acteurs culturels ainsi que la difficulté pour eux de dire que les arts et la culture participent pleinement à la construction de l’Humanité, au-delà de la rentabilité du secteur économique de la culture. Il faut maintenant tirer les leçons de cet imparfait que nous livre le rapport Balladur. Si la prochaine échéance est celle de l’été 2009, date évoquée pour l’élaboration d’une loi sur la décentralisation, il est urgent d’œuvrer collectivement pour que la politique publique des arts et des cultures bénéficie d’une visibilité plus décente et d’une reconnaissance plus conforme aux enjeux humains, trop humains, qu’elle porte.

Le Doc Kasimir Bisou et Jean-Michel Lucas

_____

[1] Le rapport figure au Journal Officiel de la République Française n° 0055 du 6 mars 2009 page 4161, disponible sur www.legifrance.gouv.fr

[2] « Invisible » au sens d’Axel Honneth : le rapport connaît la politique culturelle, mais ne la reconnaît pas dans ses spécificités. Cf.« Invisiblité : sur l’épistémologie de la reconnaissance », in La société du mépris, éditions La découverte, 2006.

[3] Suite à la remise de ce rapport, le Président de la République a demandé au Premier ministre de procéder, sous quatre mois, à l’élaboration d’un texte législatif reprenant les propositions du Comité en poursuivant la concertation.

[4] Extrait du rapport Balladur : « Pour donner une impulsion nouvelle aux intercommunalités les plus peuplées et les plus importantes de notre pays, le Comité recommande que soit créée une catégorie de collectivités locales à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution, les “métropoles”. […] Cette liste inclurait les actuelles communautés urbaines de Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg, ainsi que les communautés d’agglomération de Rouen, Toulon et Rennes, dont les périmètres géographiques pourraient, à cette occasion, être revus de manière à permettre, dans le cadre de l’achèvement de la carte des intercommunalités, leur extension future. »

[5] Il faut toujours rappeler la finalité que Malraux assignait à la politique publique de la culture : résister à ces usines de rêves, « Ces usines si puissantes apportent les moyens du rêve les pires qui existent, parce que les usines de rêves ne sont pas là pour grandir les hommes, elles sont là très simplement pour gagner de l’argent. Or, le rêve le plus efficace pour les billets de théâtre et de cinéma, c’est naturellement celui qui fait appel aux éléments les plus profonds, les plus organiques et, pour tout dire, les plus terribles de l’être humain et avant tout, bien entendu, le sexe, l’argent, la mort. » (Discours prononcé par André Malraux à l’occasion de l’inauguration de la Maison de la Culture d’Amiens le 19 mars 1966) ou « Supposons que la culture n’existe pas. Il y aurait les yé-yé, mais pas Beethoven ; la publicité, mais ni Piero della Francesca ni Michel-Ange ; les journaux, mais pas Shakespeare ; James Bond, mais pas le Cuirassé Potemkine ni la Ruée vers l’or. » (Discours prononcé par André Malraux à l’occasion de l’inauguration de la Maison de la Culture de Grenoble le 13 février 1968)

[6] On ne rappellera jamais assez la principe européen qui place l’intervention culturelle publique sous la couperet de la concurrence : Article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne. Article 107 : Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. […] 3. Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur : […] d) les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l’Union dans une mesure contraire à l’intérêt commun…

[7] Pour ceux qui l’ignorent encore il s’agit en 2003 de la « Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel » et en 2005 de la « Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ».

[8] Voir le site de l’Agenda 21 de la culture : www.agenda21culture.net

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Un secteur en transition

archeologie preventiveL’archéologie préventive relève de missions de service public et est partie intégrante de l’archéologie, c’est un fait et c’est ainsi qu’elle se définit.

Ce secteur d’activité qui consiste à réaliser des diagnostics et des fouilles archéologiques en amont des futurs chantiers, s’est fortement développé à partir de la fin des années 1970, ce qui est relativement récent, avec l’intensification des opérations d’aménagement du territoire, des grands travaux et constructions d’équipements et d’infrastructures.

Historiquement, c’est l’AFAN qui conduisit à partir de 1973 la majorité des fouilles préventives, à l’issue d’une initiative conjointe de l’Etat (ministères du budget et de la culture) mais son statut loi 1901 a finalement conduit à la création de l’INRAP en 2001, aujourd’hui principal acteur de l’archéologie préventive.

Son intervention est traditionnellement déclenchée de deux manières :

  • à la demande de l’Etat, il réalise les diagnostics sur l’emprise des travaux prévus par un aménageur public ou privé afin d’évaluer le potentiel archéologique du sous-sol,
  • il peut être choisi par l’aménageur pour mener des fouilles préventives si l’intérêt scientifique est jugé suffisant par l’Etat et que celui-ci prescrit une fouille.

Or depuis 2003, les collectivités locales ou les entreprises privées peuvent demander à l’Etat un agrément pour être habilités à réaliser la phase de fouille, les diagnostics étant entrepris exclusivement par l’INRAP ou les services archéologiques agréés par les collectivités locales.

De ce fait, la multiplication des demandes et des situations d’urgence a fini par poser la question du coût de la prise en charge des opérations, au point que l’archéologie préventive traverse aujourd’hui une crise de son financement.

Le financement des opérations d’archéologie préventive se fait de deux manières :

  • la redevance d’archéologie préventive : elle ne concerne pas spécifiquement une opération d’archéologie préventive donnée mais elle est due par toute personne projetant de travaux d’aménagement affectant le sous-sol ;
  • le prix des fouilles : il s’agit de la rémunération versée par l’aménageur et perçue directement par l’opérateur (INRAP, service archéologique territorial agrée ou toute personne morale agréée par l’Etat) en contrepartie des fouilles qu’il réalise.

On le sait, ces modes de financement ne permettent pas actuellement de couvrir le coût des opérations, notamment en raison des insuffisances de la redevance et des nombreuses possibilités d’exonérations.

Il convient de noter qu’il existe principalement quatre verrous économiques à prendre en considération, du plus technique au plus général :

  • la non-dissociation des opérations de diagnostic et des opérations de fouilles dans le calcul de la redevance,
  • l’indexation de la redevance sur la valeur de l’ensemble immobilier (ce qui n’est pas sans poser de problème compte-tenu de l’impact de la crise financière sur ce marché, malgré un relèvement progressif du taux de la redevance, fixé par la loi du 17 février 2009 : 0,4% de l’ensemble de la valeur de l’ensemble immobilier en 2009, déterminée en référence à la TLE, puis 0,5% en 2010),
  • l’absence de modalités supplémentaires de financement dans le dispositif de la redevance,
  • la difficulté de trouver des leviers supplémentaires et de nouvelles sources de financement.

En France, la richesse et la diversité des sous-sols sont telles que le nombre de sites archéologiques est estimé à plusieurs millions. Malgré l’absence de statistiques complètement fiables, l’INRAP a établi le ratio d’un site d’intérêt archéologique tous les 4 hectares.

Si nous prenons en compte le fait qu’on évalue à 60000 hectares par an la superficie cumulée des chantiers en France, nous comprenons immédiatement que la demande potentielle est considérable au niveau national. Répondre aux besoins et dans la durée devient donc un véritable casse-tête chinois.

On constate toutefois, à quelques exceptions près, un sous dimensionnement des moyens des structures existantes.

Les collectivités locales étant au premier rang de l’administration de la gestion et de l’aménagement du territoire, nous mesurons dans ce contexte la dimension stratégique (pour ne pas dire dramatiquement stratégique) que revêt l’activité d’un service d’archéologie préventive à la hauteur de l’enjeu pour son territoire (rappelons que la non-concurrence entre les territoire est la règle).

Rien donc d’étonnant à ce que sur les 64 opérateurs agréés pour la réalisation d’opérations archéologiques préventives qui existent aujourd’hui, 78% sont intégrés aux collectivités locales ou territoriales. Pourquoi faut-il encore et toujours que le service public finance ce qui coûte cher et que le privé investisse dans ce qui rapporte beaucoup ? N’y a-t-il pas de nouvelles dynamiques à faire surgir ou à inventer ? La question est faussement naïve, vous l’aurez compris.

Le secteur culturel est largement confronté aux problématiques de maîtrise des coûts, marqué par cette difficile équation qui concentre des travaux difficiles, complexes, la plupart du temps de grande ampleur, avec le souci de la gestion de la mission de service public ; cela vaut aussi pour l’archéologie préventive.

Récemment le département de l’Eure s’est lancé dans la réalisation d’un plan d’affaires permettant de développer son service existant, la MADE (Mission Archéologique du Département de l’Eure). Cette approche dite de « business plan » laisse entrevoir une volonté de plus en plus partagée au sein des collectivités d’aller au-delà des budgets qui appellent trop souvent des financements compensatoires en fin d’exercice. Les logiques anticipatrices et les logiques de développement viennent donc rejoindre les logiques de gestion des risques. Cela semble relever selon nous du principe de précaution.

Dans de nombreux domaines, l’Etat ayant parfois fait subir aux collectivités ce qu’ont peut appeler au fond un transfert d’une partie dette, les collectivités s’organisent de mieux en mieux pour tenter d’en atténuer les effets. Mais ce n’est pas une tâche aisée et des choix parfois difficiles sont à faire. Ce n’est pas le chantier initié par le comité Balladur qui viendra nous démentir : l’enjeu est considérable, y compris pour le devenir du secteur de l’archéologie préventive et de facto pour la préservation d’une partie de notre patrimoine.

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Culture et intercommunalité

La prochaine journée de formation organisée par la Lettre du cadre territorial et la Lettre de l’intercommunalité, en partenariat avec l’Observatoire des politiques culturelles (OPC) aura lieu le 4 juin au Brise Glace, à Annecy (Haute-Savoie). Thème : Un projet culturel intercommunal : vous y pensez ?


Les travaux de cette journée, organisée avec ceux qui se sont déjà engagés dans un projet culturel communautaire, répondront notamment aux questions suivantes : Quels sont les enjeux de la prise en compte de la compétence culture par l’interco. ? Dans quelles mesures l’intercommunalité modifie-t-elle les politiques publiques traditionnelles menées par les communes dans ce domaine ? Comment définir l’intérêt communautaire dans le champ culturel ? La culture peut-elle rester une compétence partagée entre communes et interco. au mépris du principe de subsidiarité ? L’Établissement public de coopération culturelle (EPCC), le bon outil pour une coopération intercommunale ?

Contacts : inscription : Valérie Isaac (04 76 93 71 04 – valerie.isaac@territorial.fr ), renseignement : Hugues Périnel (04 76 93 12 32 – hugues.perinel@territorial.fr ), Groupe Territorial, BP 215, 38506 Voiron cedex (www.territorial.fr )

Source : Ministère de la Culture et de la Communication.

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Du désenclavement des régions françaises

Le « Grenelle de l’environnement » a été l’occasion d’annoncer un réexamen de la politique des infrastructures de transport en privilégiant les alternatives à la route. Le CIADT (Comité interministériel à l’aménagement. et au développement des territoires) de 2003 avait quant à lui avait programmé un grand nombre de projets routiers et ferroviaires mais aussi aéroportuaires et fluviaux. Cependant, les programmes prévus d’ici 2020 se heurtent à la capacité de financement de l’Etat, tandis que se pose la question de la justification des infrastructures construites. Un rapport d’information fait au nom de la Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire sur le niveau d’équipement de la France en infrastructures de transports et ses conséquences sur le désenclavement des régions françaises vient de paraître sur cette question. Ce rapport (réalisé par : ALQUIER Jacqueline, BIWER Claude
FRANCE) insiste sur le fait que la politique de désenclavement est fondée sur la notion d’accessibilité des territoires, qui doit être améliorée : pour ce faire, il propose notamment que le désenclavement soit une priorité financière d’un prochain CIACT (Comité interministériel d’aménagement. et de compétitivité des territoires) et que la politique de désenclavement soit ancrée dans les projets des territoires.

Source : le Sénat

Consulter le rapport en ligne

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